Le 27 avril 2017 Libération a titré : "Mélenchon, le Beppe Grillo français" listant parentés et différences entre les deux personnages.
Autant étudié depuis leur naissance[1] les trois phénomènes politiques je n'imagine pas un instant qu'en Italie on puisse titrer : Beppe Grillo le Mélenchon italien !
L'article de Libération mentionne : "une délégation M5S était présente à la commémoration de la mort de Chávez". J'avais découvert en étudiant une rencontre progressiste en Equateur que le M5S y était présent. C'est Correa, grand ami de Mélenchon, qui avait donc invité le M5S et aussi Rifondazione communista ! Un moyen d'établir des liens au moins techniques sinon politiques entre les deux courants ?
En fait Podemos, France Insoumise et M5S sont par leur nom même d'une grande différence, le nom n'étant pas anodin dans de pareils cas.
Podemos évoque le Yes we can d'Obama.
Le Cinq Etoiles est une référence aux cinq axes programmatiques.
Et France insoumise ne pouvait que faire référence à la France.
Podemos est un vrai parti politique avec adhésions, tendances, élections des responsables. Sur la page du site vous avez les onglets suivants : organisation, programme, actualité, finances et au chapitre finances vous pouvez aller jusqu'à la facture des dépenses !
Le Cinq étoiles est une start-up politique plus près d'En Marche que de France insoumise. Le site internet est la propriété de Beppe Grillo et si on y trouve le programme, la référence aux élus, un forum. Pour les finances cette seule note : le mouvement n'accepte aucun financement public.
France insoumise propose sur son site internet ; le programme, les groupes d'action, les dons, les campagnes, les actus, l'agenda, les espaces, les médias.
La comparaison ne peut pas porter sur les seuls dirigeants car aucun dirigeant politique ne peut rien sans un collectif autour de lui. Ceci étant il n'est pas négligeable d'observer que les trois dirigeants s'imposent par le petit écran. A partir de là nous pouvons observer qu'ils témoignent chacun à leur manière des profondes évolutions sociales nées de ce que Paul Boccara appelait dès 1984 "la révolution informationnelle", terme que le PCF ne voulait pas prendre en compte.
Mouvements et partis
Contrairement à une idée confuse qui court depuis des années en France (je l'ai vérifié longtemps dans le mouvement des Alternatifs) entre la notion de mouvement et de parti l'écart est mince. Si Podemos, FI et M5S ou Syrza en Grèce signifie la fin d'une histoire politique, ils ne signifient en rien la fin de la structure parti. La fin de la classe politique grecque a permis l'émergence de Syrisa qui n'est rien d'autre qu'un nouveau parti politique. Dans la foulée Podemos a cru qu'en Espagne le PSOE allait s'effondrer or il n'était pas au pouvoir et il a si bien tenu que Podemos a été obligé de revoir sa politique d'alliance en créant Unidos Podemos qui a regroupé Podemos et la Gauche Unie. Pour la France, Mélenchon a su tirer profit (mais pas plus que Macron) de l'échec de François Hollande et du PS. Mais, contrairement au slogan "France insoumise premier opposant", il reste au parlement un opposant qui a plus de poids (la droite) et dans la société un opposant qui a plus de poids, le FN, deux partis politiques classiques.
En fait il s'agit surtout de se focaliser sur la question : quel type d'organisation. Un copier-coller du fonctionnement centraliste des médias ? C'est vrai surtout pour Beppe Grillo. Un copier-coller de la fausse horizontalité des nouveaux médias ? C'est vrai surtout pour les deux autres.
La place du leader
Elle est incontestable dans les trois mouvements. N'est-elle pas la marque première d'un authentique parti politique ?
Beppe Grillo a gagné sa place de leader sur la scène comique et sur son alliance avec un roi de l'internet. Je conseille vivement la lecture du live de Federico Mello, il lato oscuro delle stelle (le côté obscur des étoiles).
Iglesias a gagné sa place de leader par un combat beaucoup plus culturel. Une chaîne de télé où il débat plus qu'il ne défend un point de vue.
Mélenchon est devenu leader par sa carrière politique.
Les trois dénoncent les pouvoirs en place, l’élite, l’establishment, la globalisation, la caste, les banques, les journalistes crapules et médiacrates, l’Europe. Autant de similitudes qui ne peuvent masquer les différences.
Aujourd'hui, le plus près du pouvoir est le plus ancien, le M5S qui comme les deux autres, rechigne à des alliances qui pourraient nuire à son identité.
Conclusion
1 ) La pérennité du M5S peut annoncer celle de Podemos et de la FI car malgré la fragilité permanente de ce parti que tout le monde pensait éphémère, vu les conditions de sa naissance, il reste en place. Il comble un vide laissé par les autres forces.
2 ) L'élection européenne de 2019, après celle de 2014, qui a vu l'entrée au parlement européen de Podemos (5 élus et 4 IU) et du M5S (avec 15 élus du groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe) va clarifier les rapports de force. Notons ici que le groupe du M5S au parlement européen comprend surtout l'United Kingdom Independence Party avec Nigel Farage et dernièrement Florian Philippot a pu y amener avec lui Joëlle Bergeron conseillère municipale de Lorient.
3 ) Quelles alliances pour Mélenchon en Europe ? Si Podemos avait eu des élus en 2014 sans IU, au Portugal Bloque de Esquerda comme le Front de Gauche avait été une alliance avec le parti communiste (3 PCP pour Une Bloco de Esquerda). Le parti de Tsipras est toujours dans le même groupe, parti avec lequel le PCF continue d'entretenir de bonnes relations mais pas Mélenchon.
4 ) Bref tous les raccourcis sont néfastes car chaque cas reste un cas particulier. J-P Damaggio
[1] Voici quelques-uns de mes articles sur Beppe Grillo :
Grillo c'est la révolution ? (26,02, 2013
De Coluche à Beppe Grillo 23 février 2013
Que faire de 5 étoiles ? 2/03/2013
Grillo sur le feu de l'analyse, 12/03/2013
Il latto oscuro delle stelle, première lecture, 12/03/2013
Le journal de BORIS VICTOR : Les dernières publications de la Sociale - décemb : "07/12/17 - Iglesias, Mélenchon et Beppe Grillo"