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Iran: mythes et réalités

Un regard sur la manière dont les médias présentent le mouvement de contestation

Par Azar Majedi • Internationale • Vendredi 26/06/2009 • 0 commentaires  • Lu 2225 fois • Version imprimable


Nous publions ci-dessous l'article d'Azar Majedi, déjà publié sur le site d'Initiative ouvrière-communiste. Notre but est seulement d'assurer la plus large diffusion de positions développés par des militants iraniens. car il ne s'agit pas seulement de combattre le régime des mollahs, mais aussi de lutter contre l'intoxication venue d'une partie de la gauche qui soit emmêle tout, soit s'abstient parce qu'elle ne sait pas, prétend-elle, soit soutient purement et simplement le régime d'Ahmadinejad. La réunion du G8 a d'ailleurs bien résumé la position des puissances impérialistes d'accord au fond avec les néos staliniens "anti-impérialistes": condamnation des "violences" et reconnaissance de la légitimité d'Ahmadinejad. Les affaires doivent continuer.

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L’Iran est en première des nouvelles internationales. Qu’est ce qui a conduit aux manifestations de masse ? Comment est-ce que la situation a changé si dramatiquement en une semaine ? Qu’est ce que veulent les gens ? Qu’est-ce que le mouvement de protestation va devenir ? Ces questions sont répétées de manière répétitive sur toutes les chaînes de télé et dans la presse. Différents analystes politiques et universitaires européens ou américains d’origine iranienne, avec des degrés d’allégeance variable au soi-disant camp réformiste, sont invités à faire la lumière sur la situation. Tous ces commentateurs partagent l’assomption suivante : « le peuple d’Iran ne veut pas la révolution ». Par là, ils veulent dire que la population ne veut pas jeter par-dessus bord le régime islamique. Ils disent que le peuple veut une évolution, un changement graduel. Ils insistent sur le fait que les gens veulent des changements mineurs dans le système politique, juste un peu plus de liberté. Ils expliquent qu’ils protestent contre Ahmadinejad et l’élection truquée, pas contre le régime islamique.
Donc, que si Mousavi devient président, tout devient normal.

Voilà le noyau de toutes les analyses proposées par les médias internationaux. Depuis le soit disant « anti-impérialiste » de gauche Robert Fisk dans l’Independent, jusqu’aux journalistes de droite du Financial Times, ils répètent tous la même chose. Le premier proclame catégoriquement que le peuple d’Iran « est heureux du régime islamique ». Il répète incessamment le cliché « anti-impérialiste » selon lequel le peuple d’Iran « ne veut pas que l’Occident lui dise ce qu’il doit faire. Ils ne veulent pas être comme en occident » (cité d’après Aljazeera en anglais). Comme si vouloir en finir avec le régime islamique, vouloir en finir avec la tyrannie religieuse, avec l’apartheid sexuel, la répression, la pauvreté et la corruption étaient par défaut des aspirations occidentales et non des aspirations humaines universelles. Comme si, même si on les appelait occidentales, cela les discréditerait. Selon Fisk, le peuple d’Iran est loyal à la révolution « islamique ». Ils veulent seulement en finir avec Ahmadinejad.

Le reporter du Financial Times, aux new du matin sur GMTV, a exprimé son désaccord avec mon communiqué disant que « c’est le début de la fin pour le régime islamique ». Elle a maintenu que le peuple en Iran « ne voulait pas de révolution. Ils veulent une évolution et un peu de liberté. Ils veulent pouvoir mettre des T-shirts s’ils en ont envie ».

Si je ne croyais pas si fortement en ce que je voudrais voir arriver dans mon pays natal, dans celui que j’ai du fuir (avec des milliers
d’autres) pour sauver ma vie, échapper à la torture et à l’exécution, au temps ou M. Mousavi était premier ministre, je pourrais penser que j’étais folle de vouloir le changement, de vouloir renverser cette dictature brutale, misogyne, réactionnaire, religieuse. Je pourrais me dire que tous mes camarades bien-aimés et mes amis qui ont été tués dans les tristement célèbres prisons du régime islamique étaient fous d’avoir perdu leurs vies à se battre contre ce régime. Je pourrais penser que les centaines de milliers de personnes qui risquent leurs vies dans cette aventure doivent être folles également.

Je suis sûre que Messieurs Mousavi, Karoubi et Khatamei ne veulent pas tant de changement. Ils veulent seulement de petits changements. Je n’ai pas de doutes qu’ils soient « heureux avec le régime islamique ».
Mais qu’en est-il de Neda, la jeune fille qui a été tuée à Téhéran ? De cette femme enceinte qui a été tuée dans une manifestation ? De son compagnon qui a perdu deux êtres aimés d’une seule balle ? Qu’en est-il des mères et des pères dont les fils et les filles ont été brutalement tortures et exécutes, qui ne avent même pas où leurs enfants bien-aimés sont enterrés, de ces parents qui, par peur des représailles, ont enterrés leurs enfants au fond de leur jardin ? Qu’en est-il des parents dont les milliers d’enfants ont marché sur des mines pendant la guerre Iran-Irak avec la clef du paradis suspendue au cou ? De ces enfants dont les mères ont été lapidées à mort ? De ces millions de femmes qui ont été forcées à porter le voile et traitées comme des moitiés d’êtres humains ? Est-ce que ces gens sont « heureux » du régime islamique, est-ce qu’ils veulent seulement un peu de liberté, un peu de changement ?

Si je ne connaissais pas, si je ne ressentais pas ces griefs d’aussi près, si je ne les avais pas vus de mes propres yeux, si je ne connaissais pas quelques unes de ces courageuses jeunes filles et jeunes gens qui ont été exécutés par le régime, alors, je pourrais être convaincue. Je n’aurais pas d’autre choix que d’accepter la seule interprétation offerte par les médias internationaux. C’est terrifiant.
Est-ce accidentel, ou est-ce que cela reflète une volonté cachée ?
Est-ce que ces analyses sont le produit d’une compréhension superficielle d’une société sous l’emprise de la dictature et de la censure, ou est-ce que cela fait partie d’une stratégie ?

On y était, voila ce qu’on a vu !

Je suis d’une génération qui a connu les manifestations de masse contre une autre dictature. Je suis d’une génération qui s’est battue contre la dictature du shah. Je me suis battue contre deux dictatures pour l’égalité, la liberté, la justice sociale et économique, la prospérité.
Je suis, comme beaucoup de mes camarades, une militante politique expérimentée. Les médias agissaient de la même manière il y a 30 ans. A cette époque, la technologie n’était pas aussi avancée. Il n’y avait pas YouTube, ni d’internet, ni de télévision par satellite. Mais les gens dépendaient déjà des médias internationaux pour les nouvelles. Il y avait les radios à onde courtes, la BBC, Voice of America, Radio Israël et Radio Moscou pour les informations et les nouvelles.

En 1978, les médias ont joué un rôle important pour transformer Khomeiny en leader – alors qu’il n’était rien d’autre qu’un membre du clergé en exil, presque inconnu de la majorité de la population, et presque oublié même de la plupart de ses fanatiques. Au milieu de la guerre froide, la peur d’un immense mouvement populaire de gauche en Iran, a amené les états occidentaux à se réunir en un sommet à la Guadeloupe, pour influencer le cours des événements du plus vaste mouvement de masse dans l’histoire iranienne. En peu de temps, pour notre plus grande stupeur, les islamistes, qui étaient marginalisés dans la première phase des manifestations, ont pris le leadership dans le mouvement antimonarchiste.

Saddam Hussein avait demandé la déportation de Khomeiny, sous prétexte qu’il était engage dans des activités politiques contre l’état iranien.
La France l’a accueilli. En une nuit, il est devenu une célébrité médiatique internationale. Un « leader » était né. Une révolution pour la liberté, l’égalité et la justice avait avorté. C’était le depuis de 30 années de sang, d’oppression, de misogynie, d’apartheid sexuel, de lapidation, de mutilation et du régime politique le plus abominable.

L’historie est en train de se répéter. Comme toujours, par peur de changements radicaux qui pourraient mener au renforcent de la gauche, la machinerie des médias ne dit que la moitié de la vérité. Leurs « analyses en profondeur » n’égratignent même pas la surface. Peut-être que pour certains journalistes, la surface est tout ce qu’ils sont capable de saisir, mas dans l’ensemble, c’est un plan délibéré pour censurer la gauche, pour ne pas montrer les aspirations profondes et les revendications de la population. Un « leader modéré » et tout ce qu’ils sont prêt à laisser s’exprimer.

La balance du pouvoir

Est-ce que les gens qui manifestent le font seulement contre Ahamdinejad ? Est-ce qu’ils sont vraiment heureux du régime islamique ?
Est-ce qu’ils veulent seulement un peu de changement, un peu de liberté ? Comment est-ce que ces journalistes arrivent à de telles assomptions ? Examinons cette question.

Que s’est passé en Iran Durant les dernières semaines ? Dans la période qui a précédée les élections du 12 juin, les gens ont organisé des rassemblements et des meetings en soutien à l’un des deux candidats soi-disant réformistes et contre Ahmadinejad. Ils ont voté pour Mousavi ou Karoubi. Tout le monde s’attendait à ce que les élections soient truquées donc les gens sont resté vigilants, prêts à descendre dans la rue. Quand les résultats ont été annoncés, seulement deux heures après la fermeture des bureaux de vote, les manifestations massives ont commence. Les gens se sont rues dans les rues par milliers et ont protesté contre la fraude électorale.

C’est comme ça que les événements se sont déroulés. Mais ce n’est pas toute la vérité. Il y a autre chose qui sauté aux yeux. Quand on essaye d’analyser la situation en Iran, on doit prendre en considération un facteur important dans l’équilibre des pouvoirs. Il est évident que les gens ne pouvaient pas descendre dans la rue et crier « à bas la république islamique », tant que la machine répressive brutale et sophistiquée était intacte. Ils ont agi dans le cadre de la balance des pouvoirs et cherché à renverser cette balance en leur faveur.

La plupart des votes pour Mousavi ou Karoubi étaient en réalité un « non » à Ahmadinejad et à la république islamique. Il n’y avait que quatre candidats qui étaient passé à travers le système de veto du Conseil des gardiens. Sous la république islamique, 99% des gens ne sont pas autorisés à être candidats. Selon la loi islamique, une femme ne peut pas être président. Cela exclue d’un seul coup la moitié de la population. Non seulement les gens qui ne croient pas en dieu ne peuvent pas être candidats, mais ils doivent être décapités selon cette même loi. Les membres d’une autre religion que le chiisme sont également exclus. Même dans ce dernier groupe, seuls ceux que sont des véritables partisans de la république islamique peuvent se présenter pour être candidats à la présidence.

Le Conseil des gardiens a le droit de veto sur les candidats à la candidature et décide qui remplit les conditions. Cette fois-ci, seuls quatre homes qui nt été des figures importantes du régime, qui avaient occupé des postes de haut niveau et joué un rôle important dans sa consolidation, ont passé le veto. A part Ahmadinejad, il y avait Mousavi, Karoubi et Rezai. Mousavi était premier ministre pendant la guerre Iran-Irak. C’est sous son ministère que, en août 1988, en moins d’un mois, des milliers de militants de l’opposition, y compris des enfants, ont été exécutés en prison. Karoubi était une figure éminente jadis, proche de Khomeiny, président du Majilis (parlement) à plusieurs reprises. Rezai était le commandeur des Corps de la Garde Islamique (IGC), le principal instrument de répression. Ces hommes ont tous participé à l’élimination violente de l’opposition à la république islamique. Si les iraniens parviennent à ramener la justice, ces hommes devront être jugés pour crimes contre l’humanité.

Est-ce que cela donne un véritable choix au peuple ? C’est la première question qui doit être posée. Si on, alors pourquoi es-ce que les gens ont participé en si grand nombre à cette élection ? Les gens ont utilisé l’opportunité pour exprimer leur mécontentement, leur protestations, et dire un grand « non » au régime. Les mouvements de masse durant la campagne de Mousavi ou de Karoubi ont été une grande surprise pour tout le monde, y compris les candidats eux-mêmes. Dans un pays où le moindre signe de protestation, sans même parler de manifestation, est brutalement réprimé, la campagne présidentielle offert une fenêtre, une opportunité. Le régime islamique est terrifié par ces mouvements de masses et la rapidité avec laquelle ils ont cru en nombre et en radicalisation.

En face de cette rapide escalade de rassemblements contre le gouvernent sous la bannière de la campagne électorale, le Corps de la Garde Islamique (IGC) a émis un communiqué dans que les extrémistes dans le camp des candidats essayaient de renverser le régime. Ils ont menace les gens d’une répression très dure si cela arrivait. Alors, l’IGC et le camp Khamenei-Ahmadinejad ont décide de mettre fin aux élections et de faire avorte tout plan qui risquait d’affaiblir le régime. C’est ça qui a mené à annoncer les résultats seulement quelques heures après que les bureaux aient été fermés.

Ils ont mal compris la situation. Ils ont échoué à identifier les différents aspects de la psychologie collective, l’ambiance dans la population. Ils n’ont pas vu ou pas compris que les temps avaient change. Cette fois, l’ambiance était très différente. Les gens semblaient déterminés à ne pas revenir en arrière. Ce n’était pas nécessairement une décision consciente, exprimée. C’était un sentiment qui résultait plutôt d’un changement profond dans la psychologie collective de la population.

Le gens ne veulent plus de ce régime. Ils ne veulent plus vivre sous une tyrannie religieuse. Ils ne veulent plus de l’apartheid sexuel. Les gens veulent être libres. Ils veulent l’égalité et la prospérité. C’est la volonté du people. Il semble que cette fois ci, ils soient déterminer à continuer le mouvement jusqu’à ce qu’ils obtiennent ce qu’ils veulent. Le développement des événements ces derniers jours, particulièrement après le sermon du vendredi de Khamenei, ont fait basculer la lutte de pouvoir entre le peuple et le régime. En dépit de la lourde répression opérée par les forces de sécurité, du meurtre de près de 200 personnes, d’un nombre plus grand encore de blessés et de l’emprisonnement de centaines de manifestants, malgré l’usage des forces de sécurité et des tueurs des milices lâchées contre des gens désarmés, les gens relèvent le défi. La balance du pouvoir a bascule en faveur du peuple, non pas dans le sens militaire, mais en terme de défi face à l’intimidation et de la peur. Jusqu’à vendredi, les gens marchaient la bouche close, en essayant de ne pas provoquer les violences, mais ces derniers jours, les protestations sont devenue plus violentes, moins contrainte. Déjà, des manifestants crient « à bas la république islamique ». Des sentiments non censures refont surface dans les rues. On entend parler, on voit des vidéos de femmes non-voilées, portant des vêtements totalement non-islamiques dans certains quartiers. Une des caractéristiques les plus significatives de ce mouvement de protestation est qu’il n’est pas organisé ou dirigé par ceux qui disent être ses leaders, ou qui sont identifies par les médias comme ses leaders. C’est un mouvement très spontané. Ce que nous voyons, dans les rues de Téhéran ; mais aussi dans les autres grandes villes, ressemble plutôt à une insurrection. Il semble que le régime islamique soit entré dans une phase où, quelque soit a tactique ou le ton qu’il emploie, l’amène toujours vers sa fin. C’est le début de la fin de l’un des régimes politiques les plus brutaux, les plus horribles, du 20e siècle. Sa chute aura des effets profonds dans le Moyen-Orient et pour l’islam politique les femmes en lutte d’Iran et de toute la région ont tout à gagner de ces événements.

Azar Majedi, 23 juin 2009
Publié sur le site Initiative communiste-ouvrière

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