J'ai, à sa sortie, présenté le livre de Jack Dion Le mépris du peuple que Roger Martelli vient d'évoquer sur le site de Regards : Dans Le mépris du peuple.
Les deux hommes se connaissent bien pour avoir, ensemble, travaillé au sein du PCF. Et la réaction de Roger Martelli n'est que le constat d'une fracture ancienne.
Nation et Europe
Martelli :
"Mais je tiens que le refus d’une dévalorisation frontale du fait national ne vaut aujourd’hui que si on l’accompagne de l’idée que sa survalorisation inverse est une dangereuse impasse."
Traditionnel sens de l'équilibre de Martelli ?
Dans le livre de Jack Dion, le chapitre "la souveraineté tu abdiqueras" qui traite de cette question, ne vise pas à tenir la balance égale entre nation et europe mais à pointer une des façons d'alimenter le mépris du peuple par le mépris de la France.
Combattre cette tendance clairement analysé ne signifie pas d'en appeler au retour du patriotisme d'antan mais on devine chez Martelli, la crainte d'un discours se rapprochant du FN. C'est d'ailleurs une critique qui court le long de son article : le mépris du peuple, qui n'est pas nouveau, peut aussi bien faire le lit du FN, que celui de ses adversaires.
Un des succès du FN consiste à paralyser en partie les démocrates : parce que le NON au TCE en 2005 était un des combats du FN il fallait éviter cette position ?
Et avec les élections régionales nous avons droit à l'autre culpabilisation : tous derrière le PS pour éviter la victoire FN ?
Dans le fonctionnement actuel de l'Europe rien n'est plus marquant que les divergences entre intérêts nationaux.
Il ne suffit pas au PCF de placarder des affiches : "En Europe l'humain d'abord" pour éclaircir le rapport que l'on souhaite entre nation et europe.
Gauche ou pas gauche
Martelli :
"Là encore, la nécessaire verve critique est d’autant plus forte qu’elle s’accompagne, plus nettement que ne le fait Jack Dion, d’une distance avec la tentation du retour à on ne sait quel âge d’or de la République et de la gauche."
"S’il faut rêver, ce n’est pas d’un "retour" à une gauche "vraie" ou à un communisme "authentique", mais de leur refondation."
Pas surprenant chez Martelli, si on en revient à cette alternative : la refondation du communisme, la refondation de la gauche. Dès 1977, j'ai écouté avec grand plaisir l'historien communiste, et dans la foulée j'ai suivi activement les combats pour de telles refondations avec les échecs que l'on connaît. Un tournant s'est produit au début des années 1990 quand justement se créa un mouvement global important appelé "Refondations" mais qui n'a pas tenu, face aux premières échéances électorales : Chevènement partant d'un côté et Fiterman de l'autre.
Refonder oui, mais pas la gauche comme le démontre Denis Collin : refonder l'action sur de nouvelles bases populaires.
Dans un article du même journal, où elle fait le bilan des élections départementales, Clémentine Autain : Combien faudra-t-il d’échecs électoraux écrit : " La France a dans son histoire les ressorts pour que perdure une gauche." Quel drôle de retour de la France !
Elle conclut en célébrant "ce qui a créé de la dynamique et des scores remarquables, ce sont les alliances unissant Front de gauche, EELV, socialistes dissidents et mouvement citoyen. Prenons-en de la graine."
Dans le dernier numéro de Regards Martelli revient sur le constat de l'effacement du clivage droite/gauche… si cher au FN. Il retarde une fois de plus sur la réalité profonde et en tant qu'historien des retards, celui de 1956 ou de 1984, à lire son dernier livre, il révèle que cet effort n'est pas le meilleur moyen pour récupérer des longueurs d'avance !
Voilà deux dates totalement françaises : le PCF fut en effet champion dans la négation du discours de Khrouchtchev (au moment où il votait avec Guy Mollet) et en 1984 le PCF venait de participer à un gouvernement ce qui là aussi me semble une totale exception.
Oui la France a des ressorts pour que l'action sociale retrouve le chemin de la nation et du peuple. Et si le FN a su en faire ses choux gras ne nous laissons pas impressionner en renversant sa logique. J-P Damaggio