La destitution de Dilma Rousseff par le Sénat conservateur ferme le cycle qui a commencé avec l’arrivée au pouvoir de Luiz Inacio Lula da Silva le 1er janvier 2003. Rappelons que le Parti des Travailleurs a toujours été minoritaire et a donc gouverné par des alliances avec des partis plus ou moins de droite, perdant au fil des années son aile gauche incapable de faire surgir une alternative.
J'entends qu'il s'agit d'un coup d'Etat, sauf que ce coup d'Etat a été conduit par le vice président que Dilma Roussef s'est choisi !
Après la montée du néo-libéralisme des années 90, les années 2000 furent dominées par des victoires de la gauche.
Des victoires pour servir à calmer les ambitions transformatrices des mouvements sociaux, le temps que la droite se refasse une santé ?
Est-ce que nous sommes revenus aux années 90 ?
Non car à cette époque là il y avait justement une espérance à travers la possible victoire de partis de gauche.
Porto Alegre était devenu une destination majeure des forums sociaux et un laboratoire du futur sauf que la victoire nationale de Lula a coïncidé avec l'échec de Porto Alegre !
Aujourd'hui il reste les mouvements sociaux, certes toujours actifs, mais dans une société dépolitisée.
De son côté, la nouvelle droite est, au contraire, politisée pour deux ! Partout le système éducatif est dans le collimateur avec des luttes d'enseignants et d'étudiants considérables ; le système de santé est lui aussi visé comme les systèmes de retraite. En clair, les vestiges de l'Etat sont prêts à tomber.
Donc des luttes se développent mais comment peut-on en revenir à célébrer ces luttes sans débouché politique ?
En plus d'étudiants et enseignants, nous avons des luttes de paysans (surtout au Paraguay), de luttes contre la domination du soja en Argentine, des femmes opposées aux violences machistes, les mouvements indigènes en Equateur et Bolivie, les luttes contre l'extractivisme etc.
Ces résistances peuvent-elles faire reculer les prétentions de la nouvelle droite ? Le Chili fait figure de pays à contre-temps puisque des luttes étudiantes avaient fait tomber la droite, au bénéficie d'une alliance de toute la gauche, mais aujourd'hui les mêmes luttes existent contre Bachelet !
Il me semble urgent de chercher dans les expériences des années 2000 ce qui n'a pas fonctionné afin de reconstruire un discours politique conséquent dans l'intérêt des peuples.
Le mal qui s'appelle la corruption n'est pas une question morale mais, tout comme le développement des mafias, un drame politique, pour la politique elle-même. Le "tous pourris" n'est pas une question en France mais dans le monde. Contre lui, les luttes parcellaires n'aboutiront qu'à renforcer les corrumpteurs, bien plus dangereux que les corrompus. Pour le dire autrement : l'addition des luttes parcellaires ne produira jamais une alternative politique. Pas plus que le dénonciation de l'adversaire comme cause de tous les maux, alors que la gauche a eu le pouvoir pendant plus de dix ans dans les pays décisifs de la région !
Si la nouvelle droite a jugé qu'il était temps qu'elle reprenne les affaire en main, c'est la preuve que le pouvoir politique continue d'être stratégique. Donc les forces progressistes doivent revenir à la charge en travaillant à une nouvelle construction du politique.
Un nom possible pour aider à cette construction politique ? Chico Alencar (sur la photo), historien, député du PSOL (scission de gauche du PT) qui vient lui aussi de la théologie de la libération, et dont le travail politique suscite l'admiration bien au-delà de son camp. A suivre
J-P Damaggio