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La gauche latino-américaine, un modèle ?

Par Jean-Paul Damaggio • Internationale • Dimanche 08/04/2012 • 1 commentaire  • Lu 1860 fois • Version imprimable


L’Europe a « fait » les Amériques (contre les autochtones) et depuis 1945 (environ) les Amériques « font » l’Europe (contre les peuples). Voilà pourquoi tout concept d’Occident me paraît nuisible : il masque ce renversement. Voilà pourquoi nous avons tout intérêt à saisir les évolutions outre-atlantique pour savoir à quelle sauce nous serons mangés.

A gauche, le phénomène est identique et, tout comme la tentation d’hier qui a surtout plaqué un marxisme européen sur les réalités locales (quel regret que Mariategui n’ait pas eu en Europe le succès qu’il méritait !) était néfaste, celle d’aujourd’hui qui voudrait encenser des rébellions pour notre bonheur est une illusion.

Avec l’avancée électorale de Mélenchon, qui a étudié les actions de la gauche latino-américaine, le débat est relancé. Dans un entretien publié sur le site « Mémoires de luttes » il faut référence à cinq pays : Argentine, Brésil, Equateur, Venezuela, Cuba. Il faudrait ajouter le cas de la Bolivie.

Mais que dire du Mexique, du Chili, du Pérou, du Nicaragua pour prendre des pays chargés d’histoire à gauche, sur lesquels je ne l’ai jamais entendu ? On constate très vite que parler en général de « gauche latino-américaine » c’est aller vite en besogne car à ce jour, un des faits dominants, s’appelle le nationalisme de chacun plus que la coopération de tous. Malgré des avancées dans la coopération avec l’ALBA, l’unité latino-américaine reste un mythe.

Mélenchon note d’ailleurs, avec justesse, que les situations sont diverses et il se démarque de l’attitude de Chavez qui pratique le principe bien connu « les ennemis de nos ennemis sont nos amis » au sujet de l’Iran.

Il se trouve qu’au même moment, sur le même site, Sami Naïr fait état d’un colloque tenu à Buenos Aires sur les révolutions arabes où, lui comme Bernard Cassen et d’autres, crurent s’étrangler en entendant des discours de gauche réduisant de telles révolutions à des manœuvres des USA ou de l’Europe. Nous lisons :

« En gros, Ignacio Ramonet, Bernard Cassen, Pierre Conesa, Santiago Alba, la journaliste palestinienne Dima Katib et l’auteur de ces lignes, parce qu’ils soutenaient les révolutions démocratiques arabes, étaient accusés de naïveté, et, n’eût été la courtoisie des échanges, presque de complaisance envers l’impérialisme occidental ! »

Car des gauches latino-américaines, par un juste rejet de l’impérialisme US, s’égarent dans leur vision du monde (c’est vrai en France quand des personnalités pensent que Poutine est un agent de l’anti-impéralisme).

Mais je préfère m’en tenir aux questions proprement continentales. Les intérêts économiques du Brésil ne sont pas ceux de la Bolivie ou même de l’Argentine. Ce dernier pays développant un fort protectionnisme heurte les intérêts de la bourgeoisie brésilienne. Le modèle Lula vient de gagner le Pérou au grand désespoir de la gauche locale qui croyait avoir gagné les élections avec Humala. Peut-on dire que ce modèle Lula est une social-démocratie classique ?

Le point important est cependant le Mexique où le vieux PRI (membre de l’Internationale socialiste) est en passe de reprendre le pouvoir sans aucun souci de gauche et où la rébellion zapatiste reste présente mais concentrée au Chiapas. Cette fois elle n’est pas intervenue comme en 2006, dans l’élection présidentielle. Ce pays est porté par de grandes luttes sociales mais sans débouché politique réel. 

Quand on y regarde de près, il est facile de vérifier que la gauche là-bas est traversée par les mêmes tares qu’en Europe, et qu’il ne sert à rien de réalimenter le rêve d’el dorado, pour se donner des ailes. Le Parti de Gauche avait d’abord pris comme référence l’expérience allemande de Die Linke qui n’a plus les succès d’hier. Alors vivement les latinos, sauf qu’en Bolivie comme en Equateur et au Pérou, la gauche se heurte aux revendications des indigènes qui refusent le modèle du tout économique qui vient piller leurs zones de vie. Les mouvements sociaux qui se produisent, sont désignés par la gauche comme des mouvements manipulés par la droite (même si Correa à Quito accepte de négocier avec la CONAIE des indigènes) or il s’agit bien de vendre à des compagnies étrangères (jamais nord-américaines il est vrai) des ressources minières qui en retour doivent bénéficier au pays. La Constitution équatorienne obligeait d'interroger les habitants du secteur par référendum. Mais la Constitution a été contournée. 

Quand Mélenchon appuie l’idée d’Evo Morales, à savoir la création d’un Tribunal international pour les crimes écologiques, comment ne pas être d’accord. Total pourrait se trouver en première ligne… Mais après des années de pouvoir pour Chavez, Lula (et sa remplaçante), Morales, les pays qu’ils dirigent restent soumis aux forces dominantes, même si c’est moindre au Venezuela. Et que le capitalisme devienne surtout brésilien, chinois ou indien ne changera pas la face du capitalisme même si les USA seront conduits à plonger dans la récession.

8-04-2012 Jean-Paul Damaggio

 

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