La discrimination positive, le rôle de « l’Islam de France », le mariage gay ... ces thèmes du début de la campagne électorale se sont un peu perdus en cours de route. Pourtant la question du communautarisme continue de hanter le débat politique français, mais si c’est, pour l’heure, de manière bien plus indirecte. Le livre de Julien Landfried (un des animateurs du très pertinent « Observatoire du communautarisme ») est une utile mise au point.
À la différence de certains politiques qui ne parlent de communautarisme que pour dénoncer l’Islam, Landfried pratique la justice égalitaire et commence par donner un catalogue assez exhaustif du communautarisme en n’omettant le communautarisme juif. Quand on rapproche les manifestes des « Indigènes de la République » et l’idéologie du CRIF, on comprend nettement mieux ce qui est en question : la place du « bouillon de culture victimaire ».
Cependant, Landfried ne s’en tient pas là. Il cherche à comprendre, d’abord, ce dont il est réellement question et, ensuite, quelles sont les raisons sociales et politiques qui ont permis la percée en France d’une idéologie qui semble directement importée des États-Unis - qu’on songe à la place qu’y ont prise les « cultural and gender studies ». Sur le premier point, Landfried montre clairement que le communautarisme ne naît de la cristallisation des sentiments communautaires dans tel ou tel partie de la population. En réalité le communautarisme est l’exploitation, par une petite couche de gens habiles, d’un « filon communautaire » dont la consistance réelle est souvent très mince. L’UOIF ne représente pas plus les Français de confession musulmane que le CRIF ne représente les Français juifs ou que les quelques dizaines de militants d’Act Up ne représentent les homosexuels. Landfrief crève fort justement un certain nombre de baudruches médiatiques et, ne serait-ce que cela, son livre doit être lu.
Mais l’auteur de « Contre le communautarisme » ne s’en tient pas là. Il montre combien le communautarisme s’enracine dans un certain antiracisme qui réclame le « droit à la différence », lequel exprime le consentement croissant d’une partie des classes moyennes à l’inégalité. La lutte contre les discriminations, réelles ou supposées, dont est victime telle ou telle communauté constitue un substitut fort utile au moment où la lutte sociale est discréditée et où la société se proclame ouvertement comme le terrain de la lutte de chacun contre chacun.
Julien Landfried, on l’aura deviné, défend un point de vue républicain : la République ne reconnaît que des individus libres et égaux. Il analyse cependant les raisons qui ont conduit à l’affaissement de l’idéal républicain. Les discriminations à caractère racial sont aussi une réalité contre laquelle on doit lutter sans merci si justement on veut éviter l’importation massive en France d’un système emprunté à des États-Unis (d’ailleurs en partie imaginaire : car il y a bien outre Atlantique une super-communauté indiscutée, la nation américaine). Mais c’est encore en traitant les questions sur le terrain social, celui de l’emploi, des salaires, de l’instruction, que le communautarisme pourra être combattu.