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La république sociale sous les feux de l’adversaire

Par Jean-Paul Damaggio • Débat • Jeudi 13/11/2008 • 4 commentaires  • Lu 2339 fois • Version imprimable


Même quand la république sociale n’est pas clairement exprimée, c’est la revendication sous-jacente aux luttes essentielles des temps modernes. L’esprit de domination ne s’y est pas trompé qui a confié à la gauche la mission de nous en défaire !!!
Une des armes favorites, je l’appelle la négociation se décline en médiation, dialogue, vivre-ensemble, pour finir philosophiquement en éthique appliquée. Je m’explique.
Pour les alliés de gauche de l’esprit de domination contre l’esprit de révolte, on ne peut plus rien attendre de la loi (elle a achevé sa mission historique). Il faut la remplacer par la négociation.
Voici un exemple de logique « médiatrice ». Un couple veut divorcer et va devant le juge. Est-ce que la loi règle la question ? Non, car la pension alimentaire non payée donnera lieu à litiges, les enfants restent sous le choc, et la loi tranche sans régler... Inversement, le dialogue soigne les plaies, organise un terrain d’entente, écoute la parole des enfants etc. La loi remue le couteau dans les plaies que le vivre-ensemble s’acharne à faire disparaître.
Que d’exemples possibles, dans des secteurs cruciaux de la société que sont les conflits du travail ! Il m’est arrivé de croiser un responsable des ressources humaines spécialisé dans les licenciements. Il en est convaincu : le licenciement si on l’explique bien (et il est expert en la matière vu son salaire) est gagnant-gagnant. Après s’être entretenu avec lui, le licencié est heureux d’être licencié, d’ailleurs, de plus en plus, quand il y a des « plans sociaux » (vous remarquez la terminologie) le nombre de départs volontaires est plus important que le nombre de licenciés ! Il faut alors démontrer à quelques personnes que de rester dans l’entreprise c’est gagnant-gagnant !
La République serait tellement archaïque que sous Sarkozy, plus de 50% des lois votées n’ont pas eu à ce jour de décrets d’application ! Les législateurs sont des bouffons pendant que les médiateurs sont à la tâche.
Or aujourd’hui l’attaque en règle contre la république venant surtout de pan entiers de la gauche, c’est l’attaque contre l’ultime république possible, la république sociale.
Comment ne pas s’insurger contre ceux qui réduisent la république coloniale à la République elle-même, en oubliant volontairement ou pas, le fait que le propre de la république a été un combat au sein même de la république ! C’est tout aussi vrai pour la république en France ou aux USA. Les Républicains étatsuniens eurent pour fonction d’en finir avec les fédéralistes esclavagistes pour qui le maintien de l’esclavage devait rester compétence des Etats de l’Union, et non de l’Union elle-même.
Le vivre-ensemble ne représente rien de nouveau, on l’appelait la civilité, mais des théoriciens pensent lui apporter un nouveau souffle en lui donnant comme mission, de supplanter le rappel à la loi. Un des exemples c’est la trilogie présente sur les voitures de police à New York : professionnalisme, courtoisie, respect. Que toutes les polices du monde deviennent courtoises et un pas en avant sera fait vers la civilisation ! Chacun sait qu’en effet, au sein de la police française le racisme est souvent monnaie courante donc un stage de formation au respect pour tous les policiers, a sa raison d’être, mais là n’est pas l’essentiel. Si toute une frange de la société n’a pas de droits et le premier s’appelle le droit au travail, il y aura de la délinquance, et s’il vaut mieux que le délinquant soit arrêté avec le sourire qu’avec la matraque, le résultat reste le même : direction la prison. C’est vrai, j’oublie le médiateur qui auraient dû devancer l’acte de délinquance, surtout dans des endroits où l’on dit la république absente…
Négocier entreprise par entreprise la durée du travail c’est garantir à l’esprit de domination des « droits » immenses ! Que la loi nationale puisse s’adapter aux cas particuliers est une chose, que les cas particuliers nous dispensent de la loi nationale en est une autre !

Prenons un autre angle d’attaque contre la république sociale. Tout en reconnaissant les mérites de la négociation, je veux bien retenir les mérites de l’alter mondialisme. Mais ce combat aussi est déjà en lui-même une concession à l’adversaire puisqu’il accepte le principe de la mondialisation qui est un paravent pour empêcher les références à la lutte des classes.
J’appelle « mérites de l’alter mondialisme » le fait de retisser des liens internationaux après les faillites des Internationales, mais je ne suis pas surpris ensuite que Lula puisse participer à la fois aux rassemblements de Porto-Alegre et de Davos. L’échec de l’expérience locale de Porto-Alegre (confirmé par les dernières élections municipales où le Parti des travailleurs n’a pas pu retrouver une majorité) aurait dû en faire réfléchir beaucoup qui, parfois, mettent sur le même plan Porto-Alegre et Chavez, alors qu’avec Porto-Alegre ils célèbrent les relations horizontales, quand Chavez n’a d’yeux que pour les relations pyramidales.
Partout, c’est bien la république sociale qui est l’adversaire majeur et le cas de la Bolivie est emblématique puisque le penseur du gouvernement Morales, le vice-président, est passé d’une admiration sans borne pour l’autonomisme et Toni Negri, à une défense de l’Etat bolivien comme garantie possible de la république sociale (je ne dis pas que tout est devenu clair).
Dernier cas de figure. JMG Le Clézio invité bien avant son Prix Nobel dans un colloque intitulé « Les littératures de langue française à l’heure de la mondialisation » et organisé par l’Académie des Lettres du Québec le 17 octobre 2008, expliqua de manière très claire que si le français, l’espagnol et l’anglais sont devenus de grandes langues, ce n’est pas grâce à leur vertu linguistique (beauté, efficacité, littérature etc.) mais du fait de la puissance des trois colonialisme européens bien connus. : « C’est la puissance économique qui commande la puissance d’une langue ». Comme il fallait évoquer le terme mondialisation, il mentionna deux souvenirs : à l’âge de 5 ans dans une petite commune des Alpes-Maritimes il vit l’arrivée des vainqueurs de la guerre, mais rien ne changea. Quinze ans après, nouveau souvenir en arrivant à Londres et là c’est la mondialisation. Pourquoi ne pas observer qu’il s’agit d’un nouvel impérialisme ?
La dirigeante de la Grande Bibliothèque de Montréal, Lise Bissonnette, qui, par ses convictions, veut défendre la langue française, démontra, avec arguments à l’appui, les menaces qui pèsent sur notre langue. Et qui est cause de telles menaces ? Au débat entre « littérature francophone » et « littérature-monde en français », terme lancé par une pétition dont Le Clézio a été un signataire et visant à se défaire du terme francophonie marqué par le colonialisme, Lise Bissonnette préfère la mise en cause claire et nette de la domination de l’anglais. Parlons des rapports de force d’aujourd’hui non pour faire oublier ceux du passé mais pour agir sérieusement. La république sociale c’est aussi une république qui se bat pour la langue du peuple, à savoir un français en perpétuelle lutte contre les académismes.

15-11-2008 Jean-Paul Damaggio



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Commentaires

La loi par Serge_Gomond le Vendredi 14/11/2008 à 15:11

deux petites choses, la première nul n'est sensé ignoré la loi, lorsque vous signé un contrat de travail vous prenez connaissance de ce qui vous lie avec l'autre "contractant", c'est à dire votre employeur, ensuite si litige il y a les prudhommes (enfin ceux que Sarkozy et son gouvernement n'ont pas fermé) devront se prononcer en fonction du litige qui vous oppose à votre employeur et du contrat qui vous lie. Seconde chose, qui concerne la forme, Chavez a un ego surdimmentionné, d'ailleurs à ce sujet Sarkozy est très admiratif du phénomène, et même l'envie en rêvant d'imposer un "cinéma" à la Chavez. 
PS : si vous avez le temps vous pouvez lire un article du "Canard enchaîné", page 4 (mercredi 1é novembre 2008) intitulé : Gautier-Sauvagnac élevé au blé. Ceci pour justifié un titre : justice (à deux vitesses), auquel le site a échappé.
Concernant, votre article, nous opposerons une détermination innébranlable à toutes leurs manoeuvres, usons et abusons de notre réflexion, comme vous le faites dans cet article. Essayons de rester optimiste (?) 


rectificatif par Serge_Gomond le Vendredi 14/11/2008 à 15:16

je vous prie de bien vouloir me pardonner, mais l'ordinateur a enregistré très rapidement (trop peut-être) le mot surdimensionné, avant relecture, et je corrige l'orthographe de ce mot. merci


rectificatif par Serge_Gomond le Vendredi 14/11/2008 à 15:19

je vous prie de bien vouloir me pardonner, mais l'ordinateur a enregistré très rapidement (trop peut-être) le mot surdimensionné, avant relecture, et je corrige l'orthographe de ce mot. merci


par regis le Samedi 15/11/2008 à 00:56

Pas aussi simple : les négociations collectives ont, en leur temps permis des avancées, la loi aussi  me direz-vous. Et si tout cela n’était qu’affaire de rapport de force à l’instant « T » ?  



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