Le Hamas et le gouvernement Netanyahou (dont le fanatique ministre des affaires étrangères Avigdor Lieberman) se renvoient la responsabilité de l’escalade après l’assassinat de trois jeunes Israéliens, suivi du meurtre d’un jeune Palestinien. Ces assassinats sont de grossiers prétextes, pour les uns et les autres. Israël déplore quinze victimes, les tirs sur et à Gaza ont tué plus de 400 Palestiniens, des femmes et des enfants surtout. Le bombardement de quatre enfants palestiniens sur une plage, à proximité d’une cabane de pêcheur, est une singulière « bavure ». La proximité d’un hôtel hébergeant des journalistes étrangers en a permis une couverture médiatique inattendue.
Sedorot, aujourd’hui visé par le Hamas, fut jadis peuplé d’Arabes palestiniens expulsés à Gaza, ce camp sordide à ciel ouvert. Mieux lotie, La Cisjordanie est mutilée par le mur « de sécurité » érigé par Israël.
Le Hamas, prétexte du martyre imposé au peuple palestinien, fut reconnu par Israël en 1979, pour contrer le Fatah d’Arafat. Vielle tactique du diviser pour régner. Il continuera à être soutenu en sous-main. Le blocus de Gaza par Israël et par l’Egypte, dénoncé par plusieurs organisations internationales, est une atteintes aux droits élémentaires des populations, ainsi davantage cyniquement livrées au bon-vouloir du Hamas. Renforcer la tension pour mieux la réprimer est une autre tactique éprouvée.
Le prétendu « processus de paix » est une farce diplomatique autant que langagière. Les Etats-Unis livrent des avions à Israël pour détruire et des engins de chantier aux Palestiniens pour reconstruire, bel exemple de « destruction créatrice » selon Schumpeter. Le président Obama se montre partial. Avant même son accession au pouvoir, choisissant son camp, il avait déclaré Jérusalem capitale d’Israël, inaugurant mal la construction de la paix entre Israéliens et Palestiniens, dont il se prétendit le héraut. Après avoir froncé les sourcils, il ferme les yeux sur l’extension des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Son Nobel de la paix s’avère pacotille, celui de la complaisante Union européenne ne vaut, en l’espèce, guère mieux.
Les dirigeants israéliens s’offusquent de l’emploi du terme génocide. Les Palestiniens sont assurément victimes d’un ethnocide doublé de crimes de guerres qui ne disent pas leur nom. Un porte-parole du ministère israélien des affaires étrangères rétorque effrontément que, contre le Hamas, il n’y a pas de règle. Or, il existe des règles (dont les Conventions de Genève) pour protéger les civils, qu’Israël viole continument, protégé par le véto permanent des Etats-Unis au sein du Conseil de sécurité.
Genève et la Suisse ont fait leur possible. L’initiative de Genève (débouchant sur l’accord signé le 1er décembre 2003) a mis en évidence la faisabilité d’une solution pacifique durable au conflit israélo-palestinien, nonobstant la question du retour des Palestiniens. Le GIPRI a pris sa part en lançant une étude sur l’eau comme source de conflit et de coopération, accueillant dans ses murs, à Genève, une géographe israélienne et une hydraulicienne palestinienne, qui coopérèrent efficacement. Le livre De l’eau et de la paix – Conflit et coopération israélo-palestiniens (L’Harmattan, 2008) en rend compte.
En vain. La duplicité étasunienne, la pleutrerie européenne, les dissensions arabes habilement attisées, les armes sophistiquées (dont des ogives nucléaires détenues contre la légalité internationale), procurent à Israël un factice sentiment d’impunité.
Les chancelleries versent leurs sempiternelles larmes de crocodiles. Le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon donne de la voix. Le CICR s’active. Les affaires continuent. Sans doute les accords de coopération militaire et commerciale entre la Suisse et Israël ne crédibilisent-ils ni la paix ni la neutralité. La Suisse abrite plusieurs conceptions de la neutralité ; elle peut se targuer, à défaut d’être irréprochable, de ne pas faire pire que les autres.
Deux enseignements peuvent être tirés.
Le premier est que seule manque la volonté politique des puissances pour résoudre un conflit de plus en plus inextricable. Chacun s’en accommode, les pays arabes inclusivement, plus préoccupés par leurs rivalités régionales, maquillées en querelles religieuses, que par les Palestiniens, abandonnés de tous.
La seconde leçon est que les peuples paient les déraisons de leurs dirigeants, hier les populations allemandes victimes de bombes au phosphore à Dresde et ailleurs, les civils japonais victimes de bombes atomiques, aujourd’hui les Palestiniens otages des extrémistes des deux bords, demain le peuple israélien victime de l’expansionnisme belliqueux de ses gouvernements successifs.
Le 21 juillet 2014.
* Gabriel Galice est Président de l’Institut International de Recherches pour la Paix à Genève (GIPRI)