Conditions objectives favorables
Je devine que la naissance du PG a été minutieusement programmée et très soigneusement préparée bien avant l’annonce de sa création en novembre 2008. Le timing étant une valeur essentielle en politique, je pense que sur ce point, le succès est total. Pensez un peu si ce parti était né juste avant l’élection présidentielle !
Voilà donc une organisation bien en place qui peut espérer bénéficier des difficultés de la droite et des insuffisances de son opposition nommée Parti socialiste. En contractant dès le départ une alliance majeure avec le Parti communiste, qui s’est montré généreux dans la constitution des listes à l’élection européenne, le PG n’apparaît pas comme une option en plus (donc une source de division) mais comme un élément permettant de renouveler la vie politique en lien avec un de ses acteurs classiques : le PCF. Si je regarde dans ma région Grand Sud-Ouest où Jean-Luc Mélenchon est tête de liste, il peut espérer rogner sur l’électorat PS tout en s’appuyant sur l’électorat du PCF, le tout afin d’arriver à un score honorable pouvant le placer devant… le NPA.
Dans le système politique actuel, les élections sont devenues centrales quant à la permanence d’un projet politique. Le MoDem, par exemple, retrouve avec la période actuelle des conditions favorables car avec les Européennes, Bayrou peut profiter des difficultés de l’UMP, le mode de scrutin et la forme de campagne ne permettant pas le matraquage sur le vote utile, comme à la présidentielle.
Parce qu’en effet, pour le Front de Gauche, comme pour le PCF et d’autres depuis 1979 (FN, Verts, Tapie, Pasqua…), l’élection européenne, sous le nom « d’élection défouloir » laisse un boulevard aux listes externes aux deux grands partis dominants. Mais est-ce bien le Front de Gauche (donc le PG) qui va bénéficier de ce boulevard ?
Parmi les conditions favorables, au-delà des questions électorales il existe un besoin politique fondamental qui alimente la vie du P.G. car la réorganisation du capitalisme démontre que le marché ne pouvant tout régler, le politique reprend droit de cité. En peu de semaines, le PG a su constituer un regroupement qui fait sérieusement de la politique avec des thèmes abandonnés ou mis en veilleuse : laïcité, solidarité, justice sociale, écologie républicaine (voir l’entretien de Jean-Luc Mélecnhon dans La Décroissance de ce mois-ci) et d’autres.
Conditions objectives défavorables
La question tactique ne règle pas tout en politique surtout quand, du point de vue stratégique, il est facile de constater pas mal de conditions défavorables vu la tournure prise par le Parti de gauche.
Premier point inquiétant : l’optimisme irraisonné de Jean-Luc Mélenchon (irraisonné à moins qu’il soit conçu pour doper les militants ce qui prépare des désenchantements). Nous en découvrons la trace dans cette idée d’ouverture proposée « sans conditions » à toutes les forces allant du NPA au PCF, sous prétexte qu’elles avaient lutté ensemble pour le NON au TCE. Le PG est entré en discussion avec tout le monde, des Décroissants au MRC, en passant par le NPA, pour aboutir à un Front de gauche qui rassemble les forces de départ : PCF, PG et dissidents du NPA. Je parle d’un optimisme irraisonné car à lire les textes politiques du PCF et de la NPA, ce vaste front s’avérait impossible dès le départ (mes écrits sur ce point soulevèrent le scepticisme) et il le restera longtemps. Jean-Luc Mélenchon, de par sa personnalité, s’est vu en trait d’union, sauf que le souvenir de 2005, en tant que victoire du NON, n’est plus à l’ordre du jour pour des tas de raisons dont son désastre à la présidentielle. J’ai été sidéré en entendant Mélenchon annoncer qu’une liste unitaire ferait 15% car ce fut exactement le discours de Bové en septembre 2006. Un discours théorique ! Pourquoi recommencer avec les mêmes embrouilles ? Pour dire ensuite que les anti-unitaires ce sont les autres ? En 2006, le premier à entrer en campagne ce fut Besancenot montré du doigt comme briseur d’unité et qui, dans la gauche de gauche, l’emporta ! Avant la question de l’unité, l’électeur aime celle de la clarté : ce fut ma déduction de l’époque.
La deuxième concerne l’analyse que l’on fait du PS puisque là est le problème entre PCF et NPA. Le PCF continue de suivre comme son ombre le PS, ce qui est un élément de sa déconfiture historique, alors que le NPA se tient à l’écart du PS, ce qui est un élément de sa notoriété, comme ce fut un élément de la notoriété de LO. Le PG est en droit de répondre que l’électorat NPA aujourd’hui ne fera pas mieux que l’électorat LO d’hier, et le NPA est en droit de répondre que l’électorat PCF, même du temps de sa grandeur, n’a pas permis de maintenir le PS à gauche. Pour sortir de ce face à face stratégique, il ne s’agit pas de peaufiner un projet politique sur lequel on peut se mettre d’accord, mais de clarifier l’analyse que l’on fait du PS. Dans un émission de Canal +, suite à un meeting à Marseille, la journaliste a poursuivi Mélenchon pour le pousser à répondre à la question sur le PS et en dernier recourt il précisa : « On ne va tout de même pas laisser à la droite des dizaines de municipalité ! ». Si le slogan essentiel reste « battre la droite » alors on n’a pas avancé d’un poil avec le PS actuel ! En se plaçant dans le sillage d’un PCF qui reste globalement à la remorque du PS (les divisions internes aux partis qui nuancent ce point, sont de peu de poids pour le simple citoyen), le PG, malgré des signes de bonne volonté, ne propose pas un choix clair. Dans un meeting (pourquoi maintenir cette forme politique archaïque ?) du Front de Gauche que j’ai suivi, les citoyens ont pu entendre Piquet, ancien de la LCR, tenir un discours ferme contre le PS, M-P Vieu du PCF tendance différente de M-G Buffet, dire qu’il faut continuer de faire l’alliance avec le PS, en entrant dans une gymnastique classique où il faudrait différencier l’électorat et le parti, gymnastique car les alliances se font toujours entre partis et non entre électeurs, et Mélenchon tentant de tenir l’ensemble. A ce sujet, la clarté c’est aussi pour Christian Piquet de quitter clairement le NPA pour se présenter contre le NPA, sinon ça ressemble à un manque de courage.
Hier des électeurs pensant socialistes votaient communistes pour pousser à gauche le PS, puis quand le PCF a géré avec le PS, ils ont alors voté PS, c’était logique. Le PG risque de vérifier que beaucoup d’électeurs vont à présent voter NPA, sans en partager totalement les idées, mais parce que ce parti est perçu comme le vrai moyen de peser sur le PS. Les militants enthousiastes du PG pourront me dire qu’avec d’autres, devenant acteur et non spectateur, nous aurions pu peser plus fort et gagner, car c’est bien connu, les échecs sont dus aux faiblesses des militants, et les réussites à la grandeur des dirigeants. Je vais continuer de suivre avec intérêt les efforts du PG mais, au vu de tant d’expériences passées, je crains que les conditions défavorables ne l’emportent encore sur les favorables. Je crains la douche froide pour beaucoup, qui fera suite à tant d’autres. Je crains que l’alliance PCF-PG ne vole en éclat dès les prochaines régionales qui peuvent même semer la division dans le PG. Il ne suffit pas de se dire « nouveau » pour le NPA comme pour le PG, pour produire du nouveau ! Pas plus que l’usage excessif du terme unitaire (communistes unitaires, collectifs unitaires, gauche unitaire) ne fait avancer l’unité car l’électeur se demande alors : unité ? mais pourquoi faire ? Pour moi, l’unité c’est pour construire une ORGANISATION UNIQUE qui puisse rassembler toute la mouvance en quête de transformation, et ça suppose l’invention de structures adaptées, d’un fonctionnement clair, et d’objectifs à la fois réalistes et ambitieux. Mais je rêve… 15-04-2009 Jean-Paul Damaggio
Il est plus facile d'apporter une critique depuis le "banc de touche" que d'être dans "la mêlée".
Mais tout cela est à entendre, j'en conviens!