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Le vote au Venezuela.

Par Jean-Paul Damaggio • Internationale • Dimanche 19/09/2010 • 0 commentaires  • Lu 2312 fois • Version imprimable


Le 26 septembre nouvelle élection au Venezuela : celle des députés. En plus des 165 députés pour l’Assemblée nationale il y aura les 12 députés pour le Parlement latino-américain (je pensais que le Venezuela avait quitté cet organisme factice). En 2005 l’opposition s’était distinguée en refusant d’y participer rendant ainsi la victoire de Chavez et de son parti d’alors, plus facile. Depuis, elle a reconnu son erreur et cette fois la bataille fait rage. A partir du moment où le président a obtenu le droit de se représenter en 2012 (avec de grandes chances de gagner), les législatives deviennent plus cruciales. C’est le seul moment capable de permettre une victoire de l’opposition qui, à cette fin, a su s’unir avec des dissidents du chavisme comme le parti Podemos (il a refusé de rejoindre le parti-état qu’est devenu le PSUV fondé par le président). Sous le titre de Mesa de Unidad Democrática (MUD), cette opposition présente donc des candidats uniques face à ceux du PSUV, condition indispensable vu le mode de scrutin, pour s’imposer (si en nombre de voix l’opposition peut espérer 50%, en nombre de sièges elle n’arrivera pas à plus de 30%).

 

Comme partout aux Amériques les sondages jouent un rôle majeur car ils ne visent pas seulement à rendre compte de l’état de l’opinion mais tentent de la fabriquer (chez nous aussi mais à un degré moindre). En conséquence les sondages de l’opposition la donnent souvent gagnante quand ceux du pouvoir lui sont plutôt favorables (entre 50,6% et 54,6%). Mais qu’est-ce qui peut faire bouger l’opinion ?

La situation économique

Comme au Brésil la pauvreté a reculé grâce aux politiques sociales, la redistribution étant issue au Venezuela des bénéfices du pétrole (l’entreprise PDVSA). Mais le système semble s’essouffler. Si le « capitalisme à visage humain » qu’a choisi Lula peut s’inscrire dans le système, celui du socialisme du XXIè siècle propre aux Bolivariens hésite entre le recours au « collectivisme », et la marge laissée au capitalisme. Cette hésitation n’a pas que des effets bénéfiques. Dans le gouvernement Lula, la corruption est devenue un fait du système avec ses hauts et ses bas, tandis que dans le gouvernement Chavez toute corruption est un handicap majeur du système. Les Vénézuéliens l’ont vérifié avec PDVSA qu’ils ont dû renationaliser tellement elle échappait à la nation elle-même. La corruption dans un système qui tend à nationaliser, multiplie ses effets puisqu’ils passent du monde politique au monde en général. Or le système n’a pas encore trouvé les moyens de lutter sérieusement contre la corruption aussi plusieurs institutions para-étatiques donnent souvent le mauvais exemple.

Mais le problème majeur reste celui de la politique économique globale qui reste malheureusement trop soumise à la rente pétrolière. Les politiques industrielles et agricoles ne décollent pas et l’inflation prend des allures de catastrophe à un moment où la croissance est en panne (l’ensemble de ces trois phénomènes s’imbriquent). Bref, le bilan est contrasté.

La situation politique

Aristóbulo Istúriz, chef de la campagne du PSUV, n’est pas le dernier à « présidentialiser » la l’élection. Chavez en « président-député » se montre plus indispensable que jamais. Cette personnalisation de plus en plus marquée de la vie politique nous rappelle malheureusement que le culte de la personnalité conduit à des impasses politiques. La plus importante touche à l’appauvrissement du débat démocratique qui se réduit alors à la question : pour ou contre Chavez. Cette dérive est largement vécue au sein même du parti-état : le PSUV. Pour lutter contre cette dérive, le parti a décidé de faire en sorte que les candidats soient choisis par des primaires qui eurent lieu le 2 mai 2010. Elles concernaient 100 candidats et il y eut 3527 prétendants au poste. Les autres 65 candidats furent désignés par la direction.

Ce qui dérange un peu Chavez pour le moment c’est qu’il ne connaît pas son adversaire de 2012 et ne peut donc en jouer pour développer la personnalisation. Il a donc désigné à ce poste María Corina Machado en précisant qu’affronter une femme « ce serait la bataille idéale » et en ajoutant qu’il a toujours souhaité laisser la présidence à une femme à condition bien sûr « qu’elle soit plus révolutionnaire que lui ».

Il faut mentionner ici un troisième parti qui, dans le système en place, a refusé de s’aligner derrière les deux forces en présence, mais qui, pour les présidentielles peut créer une grande surprise. Il s’agit du PTT (Patria Para Todos) qui à l’inverse de la coalition hétéroclite de droite a un leader très populaire, très bien implanté dans un Etat du pays, l’Etat de Lara : Henri Falcón. Si ce parti arrive à démontrer que tout ne se joue pas seulement entre Chavez et la droite, il fera sortir le pays du manichéisme.

La question de l’insécurité

Cette question s’impose dans la campagne plus qu’auparavant car pendant des années le discours chaviste a été simple : « Par le progrès social, la violence reculera ». Or, s’il y a eu un recul de la pauvreté, le développement de la violence est très fort. Donc la politique suivie n’était pas suffisante. Cette violence n’est pas propre au Venezuela et quand on regarde le Mexique proche, elle devient presque minime. Sauf que le système bolivarien ne peut pas se comparer à celui de la droite mexicaine. Les autorités du Venezuela considèrent que par la révolution en cours, tout doit aller de mieux en mieux or ce n’est pas le cas pour une violence quotidienne qui touche autant les classes moyennes que les classes pauvres.

En conclusion, l’expérience vénézuélienne continue son histoire chaotique et si une nouvelle victoire de Chavez est bien plus souhaitable que celle de son opposition, après le 26 septembre le pays entrera dans une nouvelle étape.

18-09-2010 Jean-Paul Damaggio


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