Que de tintamarre ! Que d’indignations ! La planète entière fait écho à la votation suisse contre les minarets. Si 57,6% des votants ont refusé les minarets, ce sont 68,2% des électeurs suisses qui ont approuvé la poursuite des exportations d’armes.
De cela, nul ne s’émeut parmi les bonnes consciences charitables, chez nos voisins français et allemands notamment. La vie des hommes vaudrait-elle moins que la sauvegarde des paysages réservés aux clochers ? Ou nos sentencieux voisins n’ont-ils pas pris la peine de scruter l’ensemble des votations ? L’argument de l’emploi est un peu court. Faut-il affecter les chômeurs à des tâches dégradantes, indignes, obscènes, au nom de l’emploi ? Jusqu’où aller ? L’autre argument est que d’autres le feront à la place de
la Suisse si elle abandonne ses parts de marché dans le domaine des ventes d’armes. Exporter des armes, c’est vendre la mort, les mutilations, la destruction physique mais aussi psychique et sociale.
Un autre aspect de la question consiste à savoir ce qu’il faut soumettre ou pas à la votation populaire directe. Les politiciens français sont passés outre le non de leur peuple au Traité Constitutionnel européen, prétextant savoir mieux que l’électeur ce qui est bon pour lui. N’est ce pas la forme modernisée du despotisme éclairé ? Des dirigeants allemands se flattent de l’impossibilité constitutionnelle du référendum populaire dans leur pays. Les choses sérieuses se débattent entre gens autoproclamés sérieux. C’est sans doute vrai pour une question aussi grave que la peine de mort, véritable déni des droits de l’homme. Pour le reste, la question vaut d’être posée avec circonspection. Le peuple peut se tromper, il est vrai. Et leurs mandataires ? Ne se trompent-ils pas souvent ? Doit-on dresser la liste des impérities des élus de tous bords et de tous pays ?
Ah Dieu ! Que la guerre est jolie ! (Titre du film de Richard Attenborough, sorti en 1969, sous le titre Oh ! What a Lovely War !, tiré de la comédie musicale de Joan Littlewood, en 1963)
Les chercheurs pour la paix sont enclins à proposer des créations d’emploi dans leur domaine, où la tendance est plutôt (le GIPRI en fait l’amère expérience) à la suppression. Tout compte fait, la guerre vaut mieux que la paix et elle rapporte bien plus. Emmanuel Kant disait que ce qui a un prix n’a pas de dignité. Aujourd’hui, que vaut la dignité ? Pour qui ?
On connaissait les arbres qui cachent la forêt, on a aussi, maintenant, les minarets qui dissimulent les ventes d’armes.
Gabriel Galice
Vice-président de l'Institut International de Recherches pour la Paix à Genève (GIPRI)