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May Chidiac : journaliste libanaise

Par Jean-Paul Damaggio • Internationale • Vendredi 06/03/2009 • 0 commentaires  • Lu 1900 fois • Version imprimable


Aujourd’hui, 5 mars 2009, May Chidiac, une très importante journaliste libanaise sur LBC, est à Montauban pour parrainer un Colloque Olympe de Gouges. A quoi bon la présenter diront certains, il suffit de lire son livre : Le ciel m’attendra, où elle raconte sa vie ! Sauf que les coïncidences du calendrier ont rendu cette rencontre historique. Sauf que peut-être, son livre publié par un petit éditeur, Florent Massot, vous aura échappé même si le succès fut tel qu’il se trouva aussitôt en livre de poche J’ai lu !

 

May Chidiac s’avance vers la scène, s’appuyant sur une canne, aidée de sa sœur, et quand elle prend la parole, en son français impeccable, la salle reste comme figée. Elle est journaliste en arabe, mais, avec le français, parle aussi l’anglais, d’ailleurs elle a la double nationalité : franco-libanaise. Son infirmité est le résultat d’un attentat à la voiture piégée dont elle a survécu par miracle, en y laissant cependant la moitié de son corps, tout en gardant son courage intact.

Une femme journaliste que l’on a essayé de faire taire, et ceux qui écoutent sagement assis dans le Théâtre Olympe de Gouges n’ont pas besoin d’un dessin pour comprendre pourquoi. A l’officiel qui lui fait remettre un bouquet de roses, elle indique aussitôt : « pour les roses roses j’aime beaucoup mais pas du tout les roses oranges. » Avec le franc-parler comme clef, depuis des années elle occupe une place de journaliste politique qui ouvrit les portes de milliers de cœurs, heureux de l’entendre. Son audimat d’avant l’attentat et le soutien populaire après l’aidèrent à supporter l’épreuve atroce. Elle venait de prier juste avant que sa voiture explose et pense que c’est une intervention divine qui lui laissa la vie sauve et son visage parfait.

May Chidiac est une Libanaise et à ce titre, elle est d’une communauté qu’elle affiche clairement, la communauté chrétienne membre du Mouvement du 14 mars qui se bat pour l’indépendance de son pays, indépendance qu’ils sont toujours très nombreux à vouloir lui voler, le gouvernement syrien en premier lieu.

Et vous avez le premier élément crucial du calendrier : depuis quatre jours le Tribunal international est ouvert pour faire toute la lumière sur l’assassinat de Rafic Hariri. Depuis des mois, au Liban, tout a été mis en œuvre pour empêcher l’ouverture de ce procès mais voilà la machine est en route et du côté de Bachar El-Assad, c’est l’inquiétude.

Malgré la difficulté, May Chidiac se lance dans l’explication de la situation politique de son pays. Depuis 2005 les divisions sont passées de l’horizontale (chrétiens contre musulmans) à la verticale (une union chrétiens-musulmans contre une union chrétiens musulmans). Le Liban est le théâtre d’affrontement entre Chiites et Sunnites, les premiers financés par l’Iran ayant tout tenté pour soumettre les seconds par les « services sociaux » que leur richesse permettait de couvrir ou par les armes. Mais la division reste, et des chrétiens (le général Aoun) ont décidé de rejoindre le Hezbollah qui a conservé toutes ses armes alors que les autres factions les ont déposées auprès de l’armée libanaise.

Une des conséquences de cette division verticale c’est, d’après May Chidiac, la réalité de quelques couples mixtes. Pour se marier, chacun des membres du couple ne souhaitant pas renier sa religion, est obligé d’aller faire un mariage civil à Chypre. Au Liban, le mariage civil est interdit et quand on lui demande pourquoi elle répond toujours directement : « Pour les clergés c’est une source très importante de revenus alors c’est simple ils empêchent le mariage civil, donc, comme le divorce est impossible, pour se séparer, il faut en conséquence demander l’annulation du mariage, et c’est une longue opération.» Pour elle, un mois et demi de mariage et cinq ans pour annuler !

Dans son exposé, tout va devenir plus émouvant quand elle aborde cette autre date qui n’est pas dans son livre de 2007 : l’annonce en direct à la télévision, le 3 février 2009, qu’elle cesse son émission ! Après son attentat elle mena un combat héroïque pour, dix mois après, reprendre son travail. Pour dix mois après dire : je suis toujours là, toujours debout, toujours rebelle. Du 25 juillet 2006 à cette date fatale du 3 février, elle a continué de poser les questions qui fâchent, à mettre les pieds dans le plat, mais à un moment la goutte a fait déborder le vase. Elle venait de subir une nouvelle opération à l’oreille, de subir de nouvelles souffrances et face aux incessantes attaques, elle perdait le soutien de ses supérieurs, alors elle a plié avant de casser, elle a plié mais sans abdiquer. Elle va continuer de se jeter au cœur des événements, elle va continuer de parler, de répondre aux questions et même mieux, déchargée de la nécessaire objectivité du journaliste, elle va dire plus fort encore son combat pour la paix, la justice, la démocratie et le Liban. Elle reste professeure à l’Université et je ne serais pas surpris de la retrouver demain sur la scène politique.

Sa présence physique à Montauban, son langage, sa combativité en font pour moi la preuve qu’elle est une ambassadrice parfaite du Liban exemplaire. Sur un autre plan, il m’arriva de découvrir un spectacle de Darina Al Joundi, une Libanaise elle aussi d’une force époustouflante. Que ces femmes là continuent de défier les obscurantistes, et même en France nous nous en porterons beaucoup mieux ! Surtout si nous relevons les défis de Madame May Chidiac, car ils sont des défis universels. Comme ceux lancés par Olympe de Gouges dès 1788.

5-03-2009 Jean-Paul Damaggio

 


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