I.
Que la « mondialisation » soit un terme à peu près vide de contenu mais fonctionnant de manière purement idéologique, je crois avoir donné quelques bons arguments en ce sens dans mon livre de 1997, La fin du travail et la mondialisation[1]. Le monde est mondial depuis au moins le 15e siècle et le capitalisme est par nature émancipé des frontières nationales. Braudel le définit même par ça : le monopole, le commerce lointain et l’excentration par rapport à l’économie de marché traditionnel[2]. Le capitalisme est « l’ensemble des ensembles », dit-il et nullement un processus qui se développerait de manière endogène sur la base des économies de marché locales puis nationales. C’est dans ce commerce mondial que se met en place une division mondiale du travail que Marx analysait déjà de manière très précise. Bien avant l’internet et les places financières fonctionnant en continu, les héros de Balzac spéculent sur les mines africaines ou les matières premières qui se négocient sur le marché de Londres. II.
Les développements actuels de cette soi-disant mondialisation n’apportent aucun élément fondamentalement nouveau-par exemple la domination du capital financier est déjà au centre des analyses de Hilferding, reprises par Lénine dans son opuscule fameux sur L’impérialisme, stade suprême du capitalisme. Le taux d’externalisation des économies (ratio du commerce extérieur / PIB) rejoint celui de 1914 au début des années 80.[3] Et encore faut-il noter que ce commerce extérieur est très largement du commerce intra-firme. On a invoqué les révolutions induites par les nouvelles technologies : c’était à qui promettrait les paradis les plus extravagants. Que reste-t-il aujourd’hui de ces spéculations ? À peu près rien. Les télécommunications, nouvel El Dorado, sont devenues une catastrophe industrielle. La « nouvelle création de valeur » a trouvé sa vérité dans l’affaire Enron : affaires véreuses, délits d’initiés, comptabilités truquées, voilà ce qu’était le « nouvelle création de valeur ». Thuriféraires comme contempteurs, tous voyaient la sphère de la spéculation se substituer à « l’économie réelle », mais ce n’était qu’un mirage. Des milliards de dollars virtuels se sont volatilisés, des gogos ont été ruinés ou continuent de payer mois après mois les sommes qu’ils avaient empruntées pour les placer dans les « startup ». Mais la poule aux œufs d’or n’a rien pondu.
De la même manière qu’on surestime - par un effet d’optique assez fréquent - les transformations de notre époque dans le commerce, de même on surestime grandement les progrès techniques. Il y a encore deux ans, on nous annonçait une « nouvelle grappe d’innovations » à la Schumpeter qui devait être le point de départ d’un nouveau « Kondratiev » ascendant.[4] Une comparaison fera peut-être mieux voir comment nous sommes soumis aux erreurs de perspective. Nous croyons couramment que notre fin de siècle est marquée par une explosion de technologies nouvelles. Mais à la fin du XIXe siècle, les techniques principales sur lesquelles reposait l’économie mondiale étaient inconnues au début du siècle : Napoléon ne connaissait ni l’électricité, ni le téléphone, ni l’avion, ni le train, ni l’automobile, ni la radio... Or ce sont ces techniques qui dominent à la fin du XXe siècle, si on veut bien admettre que l’internet est surtout une perfectionnement du téléphone et du télégraphe... Pour les déplacements, les avions sont plus sûrs et les trains vont plus vite, mais on n’a rien trouvé d’autre. Quant aux grandes théories scientifiques, elles datent toutes du début du XXe siècle et elles étaient absolument inconnues et inimaginables au début du XIXe. Le vrai siècle révolutionnaire est le XIXe et pas le XXe qui apparaîtra au contraire, par comparaison, comme un siècle de stagnation même s’il a connu un fort développement quantitatif de la production. Je ne veux pas trop tordre le bâton dans l’autre sens, mais relativiser les discours euphoriques sur le progrès des sciences et des techniques. III.
Les théories variées et parfois pittoresques sur la nouvelle phase du capitalisme, le « turbo-capitalisme », le capitalisme en « pilotage automatique », l’indépendance de la sphère financière et tutti quanti sont toutes des élucubrations impressionnistes, qui disparaîtront au prochain tournant de la conjoncture. Accessoirement, ces théorisations essaient d’opposer un capitalisme « normal » ou « sain » au capitalisme actuel qui serait « anormal », ou encore un capitalisme dérégulé et inacceptable à un capitalisme régulé et acceptable. On retrouve cela chez les théoriciens d’ATTAC et, sous une autre forme, chez les « mouvementistes » disciples de Negri. Pour ceux-ci, d’une part, l’existence de « l’Empire » - qui remplace l’État-nation « déjà mort », dit Negri - et d’autre part, les nouvelles formes du travail et l’importance majeure du travail intellectuelle font que nous avons un tout autre capitalisme face auquel les perspectives du marxisme et du socialisme traditionnel sont obsolètes. C’est pourquoi d’ailleurs Negri, interrogé par la Stampa le 11 septembre 2002, se voyait déjà en prophète conduisant ses disciples au désert : « Les nouveaux maîtres du monde ont déclenché la guerre contre nous. Mais nous, nous ne voulons pas la guerre, ça ne nous intéresse pas, nous la refusons et nous ne voulons pas non plus répondre avec une autre guerre. Pour cette raison, nous serons désobéissants, nous organiserons l’exode de tout ceci, nous ferons comme les premiers chrétiens qui refusèrent l’Empire. Nous ferons l’éloge de la désertion et nous nous en irons de ce monde dans lequel il n’y a plus de dehors. »
Ces théories s’accompagnent généralement d’un discours sur l’impuissance de l’État et la nécessité de mouvements sociaux nouveaux qui ne prennent plus pour cibles les gouvernements nationaux. La théorie de l’impuissance de l’État face à la « mondialisation » est typiquement un discours idéologique, c’est-à-dire une représentation renversée du réel. Elle a pour fonction de détourner l’attention des citoyens de l’État, de leur État en désignant des cibles fantomatiques, les firmes mondialisées qui seraient des pouvoirs existant indépendamment des États. En réalité la dérégulation comme la re-régulation sont des actions des États nationaux, agissant ou non en concertation. Les firmes multinationales ne peuvent agir politiquement que par leurs bras armés que sont les États nationaux. La « contrainte extérieure » invoquée à tout bout de champ est un truisme : l’existence des États est indissociable de la « contrainte extérieure » ; le fait de construire non pas un État mondial mais des États sur des aires géographiques délimitées crée cette contrainte extérieure. C’est une question de logique si élémentaire qu’on s’étonne que tant de bons esprits ne s’en rendent pas compte. Mais ce truisme sert d’alibi aux gouvernants : « c’est pas moi, c’est l’Europe », voilà le discours que chaque gouvernement tient à ses citoyens dans l’UE. Mais l’UE n’est rien sans l’action des gouvernements nationaux, qui décident en dernière instance à travers les Conférences intergouvernementales, les conseils des ministres ... et la nomination des membres de la Commission. Ce qui est vrai dans l’ensemble le plus intégré qu’est l’UE, l’est a fortiori à l’échelle du monde entier. Le discours de l’impuissance de l’État n’est donc qu’un rideau de fumée, un rhétorique visant à persuader les citoyens de leur propre impuissance. Il s’agit de soustraire les États à la pression des citoyens - essentiellement des citoyens prolétaires ! - pour leur permettre de fonctionner tranquillement comme conseils d’administration des affaires communes de la bourgeoisie. IV.
On doit donc soumettre à la critique les thèses sur la fin des États-nations. Si on veut, la destruction des États-nations commence avec l’impérialisme, c’est-à-dire au 19e siècle. C’est ce que défend Hannah Arendt dans « L’impérialisme » (première partie de son livre sur « Les origines du système totalitaire »). Que veut dire Arendt ? Tout simplement que l’État impérialiste moderne est entièrement dominé par les intérêts financiers privés et qu’il n’est donc pas du tout l’État de la nation-c’est pourquoi elle oppose le nationalisme et l’impérialisme. Si Arendt a raison, ceux qui déplorent la fin présente de l’État-nation retardent de près de deux siècles. Il est clair que la République impériale française n’était plus un État-nation et que la France ressemble à nouveau à un État-nation (avec bien des réserves) depuis la fin de la guerre d’Algérie. On pourrait objecter à Arendt qu’au fond il n’y a jamais eu un État-nation selon son modèle idéal. Ce n’est cependant pas exact : tout le mouvement émancipateur qui commence avec la révolution anglaise, se poursuit avec les révolutions américaines et françaises et les mouvements nationaux dont 1’année 1848 marque un sommet, tout ce mouvement vise à constituer un espace public où prévaut l’intérêt commun : la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie ne peuvent dans ce contexte prendre le pouvoir qu’en se présenter comme les porteuses de cette « liberté publique » qu’il s’agit de conquérir. Mais entre la France révolutionnaire et la France napoléonienne ou louis-philipparde, entre l’Angleterre de Cromwell et celle qui succède à la « glorious revolution » de 1688 (c’est-à-dire la pseudo révolution qui sauvegarde la monarchie, les propriétaires terriens et toute l’arriération anglaise, il y a un fossé. Mettre les deux sous la même étiquette « État-nation », c’est ne rien comprendre au mouvement historique lui-même et remplacer la vie des peuples par des catégories abstraites. Lorsque Negri affirme : « Le vieil État-nation qui avait massacré les citoyens et nous avait dégoûté, avec ce concept de patrie qui est une grande infamie, ou celui de nation qui est une grande honte, a laissé la place à situation tragique et pesante, où se construit une nouvelle forme de souveraineté globale, où les puissants sont en litige pour savoir qui commandera l’Empire et où la guerre commence à fonctionner comme forme de légitimation de l’Empire » il montre clairement son mépris à l’égard des formes historiques de l’émancipation des peuples. V.
Très proche, bien que conduisant à des conclusions politiques opposées est l’analyse de ceux qui pensent que le capitalisme a rompu avec l’État-nation et que, par conséquent, la défense de la nation et de l’État est en elle-même une lutte révolutionnaire. L’idée, donc, que d’un côté on aurait un nouveau « capital a-national » (nouvelle version du « capitalisme cosmopolite » ou « apatride » des années 1900 ou des années 30) qui ferait face à des États-nations, est malheureusement une vue de l’esprit. Il s’agirait donc, selon les tenants de cette orientation, d’unir la bourgeoisie nationale, les PME, et les ouvriers dans la défense de la nation face au capital a-national. Cette théorie « moderne », que ses promoteurs croient adéquate au XXIe siècle sort tout droit du « petit livre rouge » et de la politique maoïste - telle qu’elle avait été théorisée à partir de la politique d’alliances avec la « bourgeoisie nationale » et le Kuomintang que Mao avait cherché à mettre en œuvre face à l’invasion japonaise. Dans les années 60, le PCMLF (le groupuscule maoïste branché directement sur l’ambassade de Chine) appelait à soutenir de Gaulle représentant de la bourgeoisie nationale contre l’impérialisme ; un peu plus tard, ces mêmes dirigeants armés de la « pensée maotsétoung » soutinrent directement Giscard d’Estaing, qui devenait un allié important dans la lutte contre le social-impérialisme soviétique.
Cette orientation, défendue aujourd’hui par une aile du « Pôle républicain » repose une analyse erronée de réalité politique et sociale et conduit à la confusion. Les capitalistes ne cherchent évidemment pas à se débarrasser de l’État - le sauveur suprême de la classe dominante - ni de la nation qui reste la base de départ des diverses fractions nationales du capitalisme. Par contre un État démocratique, réellement sous la pression des revendications des citoyens n’est vraiment le genre d’État que recherchent en priorité les agences de placement du grand capital. Ils veulent bien un État mais sans la souveraineté populaire, et leur opposition à la nation se limite à l’opposition à l’existence de lois et d’institutions nationales dans lesquelles s’incarnent les résultats des luttes démocratiques et sociales.
Pas plus aujourd’hui qu’hier il n’y a de « super-impérialisme ». Même si une partie de la classe dirigeante rêve d’unifier le monde sous sa houlette, ce n’est pas du tout ce qui est en train de se réaliser. Le déclin de la puissance économique américaine[5] ne pourra pas être éternellement compensé par l’énorme puissance militaire. L’énervement de M. Bush reflète simplement les inquiétudes d’une bourgeoisie qui n’a cessé de voir reculer sa place relative dans le monde. La vision genre Astérix et son petit village gaulois résistant au puissant Jules César n’est pas très appropriée pour comprendre la situation internationale réelle. VI.
Le capitalisme a toujours été internationalisé - dans les années 60 et 70, on a multiplié les études sur les FMN (firmes multinationales et leur influence) - mais il continue de dominer à travers les États nationaux et d’exister même à travers ces États nationaux. Si prend les 100 premières FMN, on s’aperçoit clairement que la part d’actifs investie dans les pays d’origine reste très largement dominante. C’est seulement dans la chimie (qui ne représente cependant qu’une part assez faible du total des actifs de ces 100 premières FMN) que la part d’actifs investie à l’extérieur équilibre celle des actifs investis à l’intérieur. Comme le dit F. Chesnais : « les sociétés dites ‘transnationales’ demeurent, à quelques rares exceptions près, des groupes industriels adossés à un État précis »[6] et il ajoute : « C’est fort de leurs avantages-pays d’origine que les groupes industriels construisent leurs stratégies mondiales ». Les grosses firmes françaises, dirigées par des familles bien de chez nous (voir par exemple des groupes comme BSN-Gervais-Danone, Carrefour-Promodes, Peugeot, etc.) ou par l’État (EDF, France-Télécom) sont des multinationales géantes, occupant des positions importantes face aux entreprises états-uniennes. Et elles trouvent dans l’État français le relais de leurs exigences. La famille Riboud- Seydoux est plutôt de « gauche », des groupes comme PPR sont plutôt chiraquiens, mais ils sont ancrés dans la réalité nationale et le marché français constitue leur base arrière indispensable. Les difficultés des firmes françaises sur le marché des USA montrent également que les capitalistes états-uniens n’ont aucune envie d’être « mondialisés » - l’échec de l’aventure Messier est révélateur et vient à la suite d’autres échecs du même genre. La résistance des Italiens aux entreprises d’EDF, la volonté de Berlusconi de nationaliser la FIAT pour qu’elle ne tombe pas dans l’escarcelle de General Motors, l’intervention directe de l’État allemand dans l’affaire MobilCom : ce sont autant de faits qui montrent que la concurrence entre les capitalistes nationaux reste dominante. La concurrence n’exclut pas l’internationalisation du capital et des forces productives ; elle n’est que la forme sous laquelle des processus s’accomplissent. Donc l’opposition entre « nations » et « capitalisme a-national » n’a aucun fondement, sauf dans les esprits qui ne peuvent penser que des catégories séparées et non l’unité des contraires. Dans mon article sur « Souveraineté et démocratie »[7], j’ai soutenu que l’opposition du droit national et du droit international était une absurdité. Mutatis mutandis, il en va de même de l’opposition entre l’économie nationale et l’économie internationale. VII.
Ajoutons ceci : contrairement à la mythologie maoïste ou « néo-populiste », il n’y a pas d’un côté le peuple national opposé aux méchants grands capitalistes apatrides genre Messier. Les PME, dont les patrons forment le pilier de toutes les politiques « nationales », sont souvent parmi les entreprises les plus dépendantes du marché mondiale et donc les moins favorables aux restrictions du libre échange. Cela se voit clairement quand les PME trouvent une expression politique, comme cela a été le cas en Italie à travers « Forza Italia » qui se positionne comme une force ultra-libérale (en fait « libériste » disent nos cousins transalpins) et les réticences vis-à-vis de l’UE visent seulement les règlements de l’UE qui protègent les ouvriers... En outre, l’alliance de « Forza Italia » avec la « Lega » de Bossi revêt un caractère ouvertement anti-national. Les petits et grands capitalistes du Nord sont entièrement dans la sphère économique allemande (ils roulent en Mercédès et non en FIAT !) et considèrent que l’Italie du Sud (le Sud commençant à Rome) est un boulet. Inversement, les « européistes » italiens du « centre-gauche » peuvent être considérés comme des « nationaux », car pour eux l’accélération de l’intégration européenne visait justement à bloquer les tendances centrifuges qui menaçaient l’unité italienne. La politique d’austérité pour entrer dans l’euro, une politique qu’ils ont payée cher électoralement, était conçue comme un moyen d’éviter que l’Italie ne rentre dans la zone mark, par le biais de l’intégration directe la soi-disant « Padanie » à un vaste ensemble germanique.
Si on prend maintenant l’exemple de la France, on remarquera que Chirac, grand défenseur de l’agro-business français ... et de la bureaucratie de la FNSEA, est, pour cela même, favorable au maintien de la PAC sous sa forme actuelle alors que les Allemands considèrent que les paysans en général et les paysans français en particulier, coûtent trop cher et son favorables à une « renationalisation » de la politique agricole.
Le capitalisme fait preuve historiquement d’une remarquable souplesse et d’une capacité d’adaptation souvent surprenante. Il sait « récupérer » les mouvements contestataires (voir l’utilisation des thèmes du mouvement de 68), intégrer ses ennemis (les syndicats associés à la gestion) et ne procède jamais par la mise en oeuvre d’une doctrine décidée a priori. Bourdieu pouvait penser qu’il y avait une sorte de projet du capital mondial d’appliquer « l’utopie néolibérale » (voir http://perso.wanadoo.fr/denis.collin/bourdieu.htm), mais les capitalistes sont tout sauf des utopistes. Après la phase de dérégulation dans laquelle les États se sont investis massivement en termes de privatisations, de réglementations pour contraindre à la concurrence là où elle n’existait pas, on assiste à un retour de l’interventionnisme keynésien, même s’il s’agit d’un keynésianisme antisocial. Mais là encore, seuls ceux qui se bercent d’illusions sur le keynésianisme peuvent être étonnés de cela. Le renouveau du militarisme, aux États-Unis d’abord, en Grande-Bretagne et maintenant en France montre que les États sont bien là pour faire régner l’ordre mondial et défendre en particulier les intérêts des compagnies pétrolières. Mais c’est le retour à la politique la plus traditionnelle du soutien à l’économie par le biais de l’économie d’armement. VIII.
La politique doit être expérimentale - c’est-à-dire procéder en tirant les leçons de l’expérience pratique - et s’appuyer sur l’analyse concrète des situations concrètes. Des formules propagandistes qui pouvaient être efficaces hier ne peuvent pas être maintenues en guise d’analyse. Malheureusement, qu’ils s’agissent des « républicains » ou de la « gauche radicale », la tendance est plus à s’en tenir aux formules toutes faites qu’à essayer de cerner la réalité vivante. La défense de la souveraineté mythique de la « France éternelle », telle qu’on la trouve chez les nostalgiques du gaullisme comme Paul-Marie Couteaux, est une impasse. La nation n’a encore de sens que comme cadre politique dans lequel les peuples peuvent forger leur propre destin. C’est seulement en ce sens, celui de 1789, que la souveraineté nationale peut rester la formule algébrique de la lutte politique, en n’oubliant pas que si la nation reste une idée universelle, elle doit trouver son complément dans l’internationalisme - qui n’est pas le « mondialisme », puisque l’internationalisme présuppose les nations.
Mais les individus partent toujours d’eux-mêmes, comme le dit Marx, et c’est à partir des revendications et des mobilisations concrètes qu’on peut espérer refonder une alternative (et non une alternance) à la politique des gouvernements capitalistes. Or une véritable alternative ne pourra faire l’économie de la mise en cause des rapports capitalistes de propriétés. Et on verra alors que les formules d’union nationale ou républicaine se heurteront à la réalité de la lutte des classes.
le 11 Novembre 2002 - Denis COLLIN
[1] Denis COLLIN : La fin du travail et la mondialisation - Idéologie et réalité sociale. L’Harmattan, 1997
[2] Fernand BRAUDEL : Civilisation matérielle, économie, capitalisme, 15e/18e siècle. Armand Colin. Réédition « Livre de Poche » (3 vol.)
[3] Voir Paul BAIROCH : Victoires et déboires - Histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours. 3 vol. Folio - Gallimard. Un ouvrage remarquable et une mine d’informations qui montre que si l’économie au lieu de vouloir jouer avec les modèles mathématiques se contentait d’être une bonne science historique, elle serait très précieuse.
[4] Selon l’économiste russe Kondratiev, l’économie capitaliste suit des cycles longs environ cinquantenaires. De la fin de 2e guerre à la crise pétrolière de 73, on avait un Kondratiev ascendant ; puis de 1973 à la fin du siècle un Kondratiev descendant. En bonne logique, le nouveau millénaire devait inaugurer un nouveau Kondratiev ascendant... Mais la théorie des cycles de Kondratiev, même si feu Ernest Mandel lui a donné ses lettres de noblesse, est une théorie assez problématique.
[5] Voir Emmanuel TODD : Après l’empire - Gallimard 2002
[6] François CHESNAIS : La mondialisation du capital, Syros, 1997 pour la 2e édition, p.30
[7] voir revue Res Publica n°24 - 2001