La réunion s’est tenue en présence de Marc Dolez et de ses camarades de Forces Militantes et d’une délégation de PRS conduite par Jean Luc Mélenchon lui-même.
Le projet de déclaration de principes, qui a été soumis aux participants, se situe dans la ligne naturellement de l’Appel, et aujourd’hui face à la crise sur une orientation régulationiste. Je cite :
« Face à l’actuelle crise financière, il n’est pas tolérable que l’on en revienne à mobiliser les moyens de l’intervention étatique dans le but de faire payer au plus grand nombre une crise dont il n’est nullement responsable. Il faut rompre avec la logique dévastatrice qui cède le pouvoir au marché, replacer le secteur bancaire et le crédit sous l’autorité de la collectivité afin de le mettre au service du développement économique et social, retrouver de politiques publiques planifiées et définies au terme d’un vaste débat citoyen. Il faut en finir avec les privatisations, à commencer par celle de la poste, et revenir sur celles qui ont affecté les services publics, interdire les licenciements boursiers. Et il faut immédiatement contrôler les mouvements de capitaux et les circuits financiers, taxer les activités spéculatives, ainsi que le demande depuis des années le mouvement altermondialiste… »
Si on reprend sur la question de la crise le contenu de ce qu’on dit les nombreux intervenants qui se sont succédés à la tribune, il y a ceux et celles qui se situent dans la ligne de l’appel de Politis, à savoir un nouveau réformisme et des positions globalement visant à donner à l’Etat le pouvoir de réguler, bref la continuité de l’antilibéralisme classique. Je pense que cette position a déjà du plomb dans l’aile au regard de la gravité de la crise, et dans de nombreuses intervention la question de l’anticapitalisme affleure. C’est une responsable nationale d’ATTAC qui a développé dans le détail le point de vue convergent avec l’Appel de Politis de mesures dites démocratiques de contrôle de l’appareil bancaire. Ce qui a permis à Sieffert de rebondir et de recentrer le débat de son point de vue en disant que cette intervention s’inscrivait vraiment dans le projet de Politis. Défendre la poste, a-t-il ajouté, c’est faire de l’anticapitalisme.
En fait se sont succédés à la tribune des camarades de divers départements, qui ont posé la question des questions : qui va payer la crise ? Le salariat ou les capitalistes ? Et c’est bien là-dessus que se pose aujourd’hui la question de la reconstruction de la société sur d’autres bases, c'est-à-dire le socialisme.
- Les « amis de l’émancipation sociale », association politique de Franche Comté, posent la question de construction d’une autre culture politique, au-delà de la question des élections européennes de 2009.
- Un militant démissionnaire du PS dit que le système ne s’auto-réformera pas, l’auto-régulation ne marchera pas. Il faut sortir des jeux d’appareil et faire de la politique autrement, mettre en place un cadre qui permette au maximum de citoyens d’exercer des responsabilités publiques.
- Le syndicaliste Claude Debons explique qu’il faut prendre la mesure de la profondeur de la crise et des conséquences sociales qu’elle va générer. Qui va payer la facture ? En appelant l’Etat au secours, les libéraux nous fournissent des outils. Mais ils vont utiliser l’Etat pour faire payer la note au salariat. L’Europe est impuissante et le repli sur les Etats-Nations conduira à la renaissance des nationalismes. C’est la porte ouverte au retour du populisme d’extrême droite. Il faut une traduction politique maintenant.
- Serge Goudard (Forces Militantes Lyons), déclare que face à cette crise historique du capitalisme, la nécessité d’un parti se pose. Il ne croit pas à un programme qui se décline comme un catalogue de revendications catégorielles… Il faut une organisation en capacité par exemple de combattre pour le retrait des troupes françaises d’Afganistan, de s’opposer au projet de réforme des lycées de Darcos, de prendre des mesures anticapitalistes précises sur le plan économique (publication des livres de compte, levée du secret bancaire…) Et poser la question quel gouvernement appliquera ce programme ?
C’est ce militant de PRS Marseille qui explique qu’il faut tracer le cadre d’une force nouvelle maintenant, ce sur quoi il s’estime en accord avec l’orientation se son organisation. Je souligne du reste, qu’étant en contact avec les militants de PRS, dans plusieurs départements et en région parisienne, son état d’esprit est loin d’être isolé.
Jean Luc Mélenchon s’est exprimé sur la crise en soulignant qu’il s’agit d’une catastrophe, le prix à payer sera très élevé. Il va y avoir des tensions entre les nations, des conséquences politiques redoutables sur la question de la paix et de la guerre. Nous sommes en face de l’échéance des européennes, quatre organisations de gauche vont tenir leur congrès. Mélenchon se félicite que pour le congrès de Reims, la gauche du PS soit aujourd’hui enfin rassemblée.
Deux remarques sur l’intervention de Mélenchon : le rassemblement de la gauche du PS est-il comme l’a titré « A Gauche », journal de PRS, « une chance historique » ? Se rassembler pour faire quoi dans et après le congrès ? Un Linke à la française ou la synthèse avec Martine Aubry, ou pire encore… (Je me suis laissé dire qu’Hamon discutait avec Delanoë) une gauche du PS propre sous elle et en position de conquérir des positions gouvernementales lorsque Sarkozy s’effondrera ? D’autre part la question posée par de nombreux intervenants de qui va payer la crise, n’a pas été posée, mais « le prix à payer sera très élevé »… Qui paie, les salariés, les petits épargnants, les patrons de PME en faillite… ou les capitalistes ?
Un militant des Communistes Unitaires dit : si la direction du PCF ne veut pas faire le Linke, que fait-on ? Yves Salesse déclare : Mélenchon dite que sans le PCF on ne peut pas construire le Linke… et si le PCF actuel continue à refuser, on fait quoi… on abandonne…
Clémentine Autain pose la question, est ce qu’on va enfin passer au stade supérieur, rassembler la gauche de transformation sociale pour faire une force nouvelle, ou rester au stade de l’appel et ne donner comme perspective que la prochaine date de réunion.
La discussion traine, traine, le président Sieffert prend toujours de nouvelles inscriptions, laisse la discussion s’éterniser et annonce à 16 h 30 que l’AG n’est pas en mesure de discuter l’ensemble des amendements proposés au projet de « déclaration de principe » distribué en début de réunion. Il y a 2 types d’amendements, ceux qui son compatibles avec l’esprit du texte, et ceux qui posent problème… on ne saura pas d’ailleurs pourquoi ils posent problème. La discussion est renvoyé au comité de pilotage (1 représentant par courant politique et 1 par région) qui tranchera. On a là encore l’illustration vivante qu’à la gauche de la gauche, les mini-appareils sont aussi forts que les gros pour déposséder les militants du contrôle de ce qu’ils entendent faire…
En fait le développement de la discussion politique posait la question de l’urgence d’une force nouvelle face à la crise, dont les organisateurs ne voulaient pas présentement entendre parler, ils s’en remettent en fait à ce que vont décider les différents congrès, principalement du reste la gauche du PS. La réunion s’est terminée par des réactions de désapprobation accentuée, et dans la confusion politique : une réaction d’une jeune militante du Mars (Gauche Républicaine) m’a particulièrement marqué. Celle-ci a interpellé violemment la tribune en disant : « Nous voulons un parti ! Nous avons besoin d’un parti ! » Curieusement c’est une militante de la LCR, membre de Unir, la tendance de Picquet, qui est monté au créneau pour défendre le point de vue originel de l’Appel de Politis, un front constitué par plusieurs organisations sur un appel. Elle s’est opposée à ce que la question d’une force nouvelle soit posée dans la déclaration de principe.
On peut tirer de cette réunion quelques leçons pour l’avenir immédiat :
- C’est la première réunion politique importante, sur une base de mobilisation significative, après le déclenchement de la crise financière. Elle traduit une réaction motivée du tissu militant : tous les appareils, de la gauche social-libérale à l’extrême gauche, vont être secoués en profondeur par la question politique qui commence à émerger.
- On peut résumer cette question par la formule qui a été utilisée par un intervenant : « peut-on combattre le social-libéralisme en se situant sur le même terrain que lui ? »
- Il faut une force nouvelle : cette exigence ne s’arrêtera pas à ce qu’il sortira des congrès à venir, et particulièrement de celui du PS. Avec ou sans Mélenchon, il faudra faire. On préfèrerait avec.
- L’idée de construction d’une force nouvelle à partir d’un cartel de mini-appareils de la gauche de la gauche m’apparait comme totalement impraticable. On peut faire front sur des combats précis, par exemple la bataille pour le non au TCE est un bel exemple, entre organisations. De là à vouloir construire une alternative à partir d’un accord entre mini-appareils s’oppose directement au contrôle des militants sur l’organisation qu’ils veulent construire. La façon dont s’est terminée la réunion de samedi en est encore une fois une bonne illustration.
Tout cela est bien lassant. On a même plus envie de rire. Mélanchon a appartenu au gouvernement qui a le plus privatisé d'entreprises ces vingt dernières années ; un gouvernement qui a défiscalisé les stocks options et baissé massivement les impôts des couches "supérieures" de la population. Il appartient à un parti qui était au pouvoir quand le grand décrochage de la part des salaires dans la valeur ajoutée a eu lieu. Le parti du sale boulot comme le proclamait Fabius.
Il faut rompre radicalement avec le cadavre puant de la social-démocratie (d'ailleurs, le PS mérite-t-il encore ce titre ?) et avec ceux qui ne se décident pas à abandonner leur rôle de caution. Quant aux pleurnicheries de ceux qui font semblant de s'apercevoir à la faveur de la crise financière que l'Etat n'est rien d'autre que l'Etat du capital, elles sont pathétiques et hypocrites. L'Etat est le garant en dernier ressort de l'accumulation du capital et ces dernières années celui-ci n'avait pas disparu. Loin de là. Parler d'ultra libéralisme, comme le fait ATTAC et consorts, dans des sociétés ou les pouvoirs publics prélèvent 40 voire 50 % de la richesse produite sous forme d'impôts et de cotisations est un non sens.
J'espère que ce qui va s'effondrer aujourd'hui c'est un certain anti-libéralisme démagogique, qui se refuse comme le disait Marx de prendre les choses de la critique à la racine.