Le socialisme :
Le socialisme ce n’est pas la suppression du salariat, c’est le développement des conditions de suppression du salariat, sinon le socialisme ce serait le communisme.
La suppression du salariat ne peut être qu’un processus dans le cadre du développement généralisé du salariat dans le monde. Il faut que le salariat se soit généralisé, c'est-à-dire que le développement des forces productives ait permis son développement généralisé pour qu’il puisse faire place à une autre forme du travail, une transformation qualitative du travail faisant de l’activité humaine autre chose que du travail.
Le socialisme ce n’est pas le capitalisme chinois. Celui-ci s’est développé par incapacité de développer une accumulation primitive sans passer par le capitalisme et sous la pression du capitalisme dominant, de l’impérialisme dominant.
Le socialisme ce n’est pas non plus l’accompagnement du processus du capitalisme dans ses transformations internes, à la suédoise ou à la Léon Blum.
Le socialisme est le développement des forces productives par une forme collective de la propriété des moyens de production, pour les amener au niveau nécessaire, non par un « renoncement » des uns au profit de tous, vision religieuse du progrès humain mais par l’intérêt de tous au développement de tous, c'est-à-dire le communisme.
Le salariat dans le socialisme prend déjà une autre forme mais reste du travail au sens du rapport de la personne à une production qui n’est pas encore libre, mais où l’organisation du travail va dans le sens du développement de cette liberté, d’un rapport concret entre l’activité et les besoins ; va dans le sens d’un effacement de la mesure de la quantité de valeur marchande au profit de la mesure des besoins, transformation qualitative qui dépasse, transforme et remplace la mesure de la valeur.
Le communisme :
C’est la maîtrise du devenir humain par l’humain, sa réalisation et donc, la réalisation du rapport de l’homme avec lui-même et donc du rapport de l’homme avec la nature.
C’est donc un développement de la conscience de l’homme sur lui-même et sur la nature, donc le développement de la nature sur elle-même donc, le développement de la conscience des conditions de son développement, donc du développement de la santé de l’homme et de la nature.
Les contradictions sans lequel le mouvement, donc la matière, donc la nature dans la part du cosmos qui nous est « accessible », n’existerait pas, ne seront pas abolies par l’abolition de la société de classe, mais seront d’une autre nature, d’une nature d’une autre qualité, transformée qualitativement par la transformation qualitative du mode de production, du rapport qu’entretient l’homme avec lui-même et la nature avec elle-même.
L’action communiste :
L’action communiste n’est donc ni un renoncement aux transformations immédiates ni un renoncement à un « horizon lointain ». L’horizon lointain est contenu dans l’action immédiate et vit dans la vie de chacun. Il est indispensable à la vie au quotidien et dès qu’il faiblit, dès qu’un renoncement s’empare d’une part de la vie, s’intègre à la vie, c’est une maladie de l’humain, une maladie sociale comme une maladie de la personne qui s’installe.
Lorsque nous singeons le mode vie de la bourgeoisie, c'est-à-dire la solution individuelle à un problème qui, quelque soit la nécessite de l’autonomie de la personne, est toujours aussi un problème collectif, c’est que le niveau de développement des forces productives nous le permet, mais aussi que ce niveau de développement des forces productives ne permet pas encore le développement de tous.
Le cas de la Chine est révélateur. Le capitalisme et l’impérialisme ne peuvent se maintenir que par son propre développement dans les secteurs mondiaux où il n’a pas encore atteint le développement de sa pointe la plus avancée et où les techniques d’un mode de production et les idées qui les accompagnent dans les moyens de production, qui ouvriraient la voie à un mode de production communiste ne sont pas encore atteintes.
Ainsi les pays émergents assurent une continuité au mode de production capitaliste, avant tout par contrainte du mode de production capitaliste.
Le fait que l’analyse du niveau des forces productives dans la critique des pays dits du socialisme réel ne soit jamais évoqué, est significatif et de la bataille idéologique et du niveau de conscience de l’humanité aujourd’hui, et des difficultés qui en découlent pour le développement d’un processus conscient de socialisation, même si le processus de socialisation est effectif.
Ce qui n’empêche pas l’autonomie relative des diverses conditions matérielles, comme l’autonomie des idées, qui cependant ne peuvent être indépendantes du mode de production et du comment et avec quoi les forces productives, humains avec leurs techniques, assurent la satisfaction des besoins humains dans leurs limites historiques en mouvement.
Action communiste et autonomie des idées.
Marx finit son introduction à la critique de l’économie politique de 1859 par des commentaires sur l’art. C’est révélateur du fait que la pensée matérialiste lorsqu’elle n’est pas mécaniste accorde non toute son importance à la pensée mais considère la pensée comme un mouvement totalement uni à la matière qui la contient, l’un étant l’autre et étant un : la vie arrivée à son stade pensant.
La séparation du corps et de l’âme est un concept qui découle de la hiérarchie de la société marchande de classe multimillénaire. Elle a constitué un progrès dans et pour le développement des forces productives et dont dans le développement de capacités humaines et des capacités de la nature, comme le capitalisme l’a poursuivi en tant que forme la plus avancée de la société marchande.
Mais de même que les contradictions des lois économiques du capitalisme constituent à un moment une cause de frein et à l’extrémité (mais il n’y a pas d’extrémité, il y a transformation), d’arrêt au développement humain, la séparation corps âme tient de la même contradiction, de ses effets, et de la réaction humaine à ces effets et à ces causes. .
Je vous recommande un retour sur les grands textes des recherches marxistes des années 1960 auxquelles l’histoire du communisme, et l’histoire humaine a donné un relatif coup d’arrêt et qui constituent des socles sur lesquels développer un devenir. Mais bien sûr c’est toute la pensée, toute l’histoire humaine qui est une référence pour l’humain.
Je vous renvoie aussi à la recherche ergologique (1) à la lumière du marxisme, la recherche pluridisciplinaire sur le travail (de la philosophie à l’économie, de la psychologie à l’ergonomie….), sur la part visible du travail et la part énigmatique de l’activité accessible en partie et superficiellement à nos observations mais pas à nos mesures, comme beaucoup d’autres éléments de nos recherches éclatées sur la nature en général. Cette part énigmatique est celle que l’on ne mesure pas parce qu’elle contient toutes ces valeurs sans dimension sans lesquelles il ne peut y avoir d’activité, mais qui sont indifférentes au capital parce qu’elle ne déterminent pas la valeur d’échange marchand, la valeur qui est celle de notre mode de production, sa base et notre morale, même lorsque nous tentons de la nier, donc de notre vie, et qui rendent le travail abstrait, à tous les sens de l’abstraction et sous toutes ses formes apparemment éclatées mais qui sont de fait une.
Marx unit dans un même concept de travail abstrait, le salaire représentation de la part de travail et monnaie marchandise d’échange qui est restituée au salarié contre sa force de travail et cette activité contrainte qui ne répond pas à une motivation satisfaisant un besoin concret et qui produit au-delà de la consommation du producteur au profit de la décision et de l’utilisation privée du surproduit.
Mais l’utilisation privée du surproduit n’est que la conséquence, l’effet, la nature, conjoints du système de production et d’échange marchand et qui poussé à son extrémité dans le capitalisme transforme l’échange : produit d’usage-produit d’échange-produit d’usage+, en marchandise-argent-marchandise+, puis en Argent-marchandise-argent+, faisant de l’argent du capital. Ces transformations s’accompagnent de l’accumulation du capital en suraccumulation du capital, et dans une circulation élargie où les forces productives se trouvent devant des capacités surmultipliées depuis les années 1970 par les techniques de production et de gestion mondiales informatisées, conduisent non plus seulement à des crises cycliques mais à une crise globale systémique de la production et de l’échange. Plus l’échange se transforme quantitativement, en volume et en espace, plus les lois qui le régissent se généralisent et se rigidifient et dans le même temps face à leurs contradictions se dissolvent (2).
Et plus se confirme la nécessité d’autre chose pour l’échange que la mesure de la valeur.
C’est cela l’antichambre du communisme et le concept de passages du capitalisme au socialisme et du socialisme au communisme se voit modifié dans le temps et dans le délai, sans pour cela les nier.
La rapidité, son accélération pose le problème de la rapidité de la réaction humaine au paysage de son processus, aux modifications des marges de manœuvre qui ont jusqu’alors conduit les usages politiques et syndicaux par exemple…
C’est tout le débat sur les formes d’organisation que contient cet élément de rapidité, et c’est aussi le constat des éléments du processus, de la vison sur le temps écoulé, le chemin parcouru, qui même effectif rend difficile la conscience des moments, de leur cohérence et de unité. Une vision dispersée, éclatée en découle et une tache première est de la rassembler et pour cela rassembler l’action sur ce que Henri Lefebvre appelle les résidus.
Une autre question essentielle est soulignée par Walter Benjamin à partir de la reproductibilité de l’œuvre qui n’est pas sans effet et sans lien avec l’incohérence de la vision de l’activité dont les caractéristiques de la grande industrie décrite par Marx fournissait la base d’un processus nouveau de production lié au profit et dont l’automatisme et la pensée artificielle qui en découle sont maîtrisées non par une avancée généralisée des savoirs et de la conscience, mais dans une confiscation qui est celle de la confiscation des moyens de production.
Quand à Ernst Bloch, sa maîtrise du raisonnement dialectique nous rend un paysage de la visée communiste qui nous en laisse supposer l’inimaginable et fait éclater le renoncement à la lumière de l’essence humaine qui est la totalité des rapports sociaux dans lesquels le principe espérance est un moteur naturel, au-delà de tout ce qu’on peut saisir dans notre science pratique nécessaire.
L’autonomie des idées par rapport aux conditions matérielles d’un moment historique, c’est ce que nient les idéalistes philosophique au nom des idées, et les matérialistes mécanistes au nom d’une vision structuraliste sans synthèse.
Les capacités humaines sont ainsi soit sous estimées, soit surestimées, ce qui dans les deux cas est une réduction de sa dimension. La vraie mesure des capacités humaines tient dans la capacité de santé de la société et des actes qui la permettent, des soins apportés à son processus et à ses maladies. Au-delà de cela le spiritualisme est une vision bien étriquée, praticiste, réductrice de ce que la matière contient à un morceau de pensée morte, immobile, muséifiée, formolée.
L’homme est quotidien, mimétique, et poïétique nous dit Lefebvre. Ces « dimensions » sont inséparables et si l’une s’étiole, c’est la santé de toutes qui est menacée, celle de l’homme.
Et le révélateur des rapports de l’homme à l’homme est celui de l’homme à la femme, premier rapport de division du travail, premier rapport de domination sociale, au-delà des comportements d’espèce, de support biologique incontournable, comportement que le rapport culturel modifie. Et le rapport culturel étant déterminé en dernière instance par le rapport économique qui détermine la satisfaction des besoins, donc des désirs.
Pierre Assante, 3 avril 2010
(1) Le paradigme ergonomique ou le travail de philosophe, Yves Schwartz.
(2) http://monsite.orange.fr/metamorphose-travail/
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