Les événements se précipitent et le gouvernement sort de son chapeau un nouveau truc chaque jour pour tenter de faire diversion : ainsi la chasse aux Roms désignés à la vindicte publique, rendus responsables des malheurs du pays et de l’impuissance du gouvernement à garantir la sécurité de nos concitoyens. Dans ce contexte, la menace imminente d’un attentat terroriste tombe à pic. Bartholomé, au nom du PS, s’étonne à juste titre que cette menace si imminente n’ait pas entraîné les concertations nécessaires avec les autorités des collectivités territoriales en vue d’activer le plan vigie-pirate. Si la chose est si grave et si précise, on se demande bien pourquoi la communication gouvernementale passe par un haut fonctionnaire de la police, déjà empêtré dans une histoire de passe-droit. Bref, si nous sommes vraiment menacés par une offensive du terrorisme islamiste – ce qui, bien sûr, n’est pas à exclure du tout – le gouvernement, irresponsable, fait tout pour jeter lui-même le soupçon sur les informations qu’il communique à la population. On n’ose évidemment pas imaginer que cette menace terroriste pût être inventée à des fins de basse politique, car alors, il serait plus tard que nous ne le pensons.
Laissons de côtés gaffes et bévues, laissons Hortefeux en visite au Mali saluer le président de la Guinée, Sékou Touré, mort en 1984…Laissons la bonne conscience de Woerth qui n’a rien à se reprocher dans l’affaire Bettencourt. Il est vrai que la Ve République n’en est pas à son premier scandale et que celui-ci, finalement, n’est pas vraiment pire que les autres. On doit s’habituer à tout et à la dégradation effarante des mœurs publiques.
La vraie question est ailleurs et on s’étonne qu’elle soit aussi peu posée. C’est celle du système, c’est-à-dire des institutions de la Ve République qui non seulement permettent mais encouragent cette dégradation de la démocratie. Emmanuel Todd l’a dit dans une émission agitée sur France 3, Edwy Plenel le dit dans son éditorial de Médiapart du 22 septembre. Mais les ténors de l’opposition se taisent prudemment sur cette question essentielle.
Quand le jour du vote au pas de charge de la loi sur les retraites, massivement rejetée par les Français, l’opposition est privée de son droit de parole, on a un concentré de ce qu’est la Ve République. Le gouvernement, nommé par le président, écrit la loi, écrit les amendements, impose le calendrier parlementaire. Le président de la république convoque les députés de « sa » majorité – pauvres naïfs, ceux qui pensaient qu’ils sont les députés de la nation – et leur transmet les consignes qu’ils doivent appliquer sous peine de sanction aux prochaines élections, infligée par le parti unique du président. Finalement, le président de l’Assemblée, autre homme-lige du président de la République, lève la séance quand l’opposition veut user de son droit de parole et procède au vote à 15 heures, comme l’avait exigé le locataire de l’Élysée. Cette séquence suffit à montrer que la séparation des pouvoirs n’existe pas. Le parlement est un parlement-croupion, une simple chambre d’enregistrement aux ordres du bonaparte du moment, un assemblée de béni-oui-oui sans plus de pouvoir que la Douma d’Empire sous le tsarisme ou le Soviet Suprême du temps de feue l’URSS.
Quand le ministre de l’Intérieur s’en prend avec une incroyable violence à la magistrature et annonce sa mise au pas avec la création de tribunaux populaires, on se dit qu’une nouvelle étape a été franchie. Mais si elle peut être franchie aussi aisément, c’est tout simplement parce que dans la Ve République l’indépendance du pouvoir judiciaire est déjà très largement formelle, puisque la carrière des magistrats dépend du CSM, présidé par le président de la République.
La déclaration de 1789, notre vraie loi fondamentale, la plus fondamentale de toutes, déclaraient sans ambages : « Article XVI -Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a pas de Constitution. » Excellente description de la société française aujourd’hui.
On dira que c’est la faute au président actuel, la faute à ses caractéristiques psychologiques propres, la faute au personnel politique du moment. Rien ne serait plus erroné. Les hommes sont comme ils sont sous toutes les latitudes et toutes les époques et la quantité totale de bien et de mal à peu près constante, comme le disait le grand Machiavel. Ce qui permet aux mauvais penchants de prendre le dessus, c’est une mauvaise constitution et inversement une bonne constitution neutralise les vices et peut même les tourner à l’avantage du bien commun. Mais la constitution de la Ve République est mauvaise par cela même qu’elle rend possible toutes les dérives et que le bien commun n’y peut être sauvegardé que s’il est entre les mains d’un bon prince, condition bien fragile !
Si l’on voulait présenter une véritable alternative politique, il faudrait commencer par-là, par une réforme constitutionnelle majeure qui établisse fermement la séparation des pouvoirs et la garantie des droits – lesquels, soit dit en passant, incluent les droits syndicaux et l’indépendance des syndicats à l’égard de l’État et du gouvernement. Une réforme qui rétablisse les droits des communes et des collectivités locales, garantissent l’auto-administration, seul moyen de développer les vertus civiques et le sens du bien commun en dehors desquels il n’est point de république possible. Bref une réforme qui fasse véritable de la France une république laïque, démocratique et sociale.
DC
Oui, la réforme de la constitution est nécessaire, mais il est indéniable que le Président de la République actuel use de toutes les failles du système pour asseoir son pouvoir personnel sur les institutions. Il n'a ni la vue de la grandeur de la France à la De Gaulle, ni la vue du bien commun d'un Mitterrand. Il ne pense qu'à sa personne, qu'à son argent, qu'aux riches façon Bettancourt. Il ne dirige pas un pays, il fait plaisir à ses amis. Le pouvoir corrompt lui était corrompu d'avance.