Après les dirigeants de l’Equateur et de la Bolivie, c’est donc au tour de Chavez d’emporter la majorité au cours d’un référendum. Aussitôt, avec Rafael Ramirez et Asdrubal Chavez, il s’est envolé vers Cuba pour faire le point de la coopération des deux pays au regard de la crise mondiale.
Au sud des Amériques où la croissance du PIB était presque partout très forte jusqu’en 2008, quelques économistes pensèrent que la crise financière ne les toucherait pas. Peu coupables de crédits à risques (ils pratiquèrent plutôt la dette étatique à risque), chaque pays pensa pouvoir se défendre avec ses propres moyens. Comme si la crise financière était juste un mauvais cap à franchir et non la manifestation d’une crise plus globale, plus profonde !
Sans analyser ici la dite crise, je vais m’en tenir aux constats : les pays des Amériques se préparent à leur tour à traverser la tempête. Ils y sont plus habitués que la France ou l’Allemagne mais ils sont cependant socialement plus fragiles. Juste deux mots par exemple sur la crise financière du Mexique qui débuta en décembre 1994. Michel Camdessus président alors du FMI, parla aussitôt de « première crise financière du XXIe siècle ». Les USA versent aussitôt à leur voisin 260 milliards de francs d’alors. Analyse d’alors : « Ce n’est pas la libéralisation de l’économie qui est en cause, mais les erreurs idéologiques grossières commises en son nom. On est passé d’un modèle étatique interventionniste à une conception doctrinaire du libéralisme ». Bilan final reconnut même le représentant du MEDEF local (Coparmex) : « Il y a un fosse énorme dans ce pays entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas, et il s’aggrave à chaque nouvelle secousse ».Pour le Venezuela d’aujourd’hui, Chavez a gagné sur deux tableaux : l’opposition qui pouvait s’unir sur le référendum sort divisée de l’épreuve, et en contre-partie Chavez se sent les mains libres. Mais économiquement que peut-il se passer ? Pas besoin d’être savant pour noter que la chute du prix du baril va frapper de face la politique de redistribution sociale de la manne pétrolière (même si les réserves financières sont importantes). La crise, en replaçant le politique et l’étatique au cœur du « sauvetage » économique, confirme le chavisme dans son orientation. Les multinationales et leurs intellectuels affiliés (aux tendances multiples) qui pensaient qu’on allait pouvoir se passer de l’Etat, de la nation et du politique, sont contraints de revoir leur copie. Il n’y a d’économie que politique si bien que ceux qui prétendirent que les lois de marché pouvaient tout régler, démontraient ainsi leur mépris du politique, sans pouvoir imposer le strict pouvoir de l’économique.
La tendance actuelle vers un capitalisme d’Etat « social » à la chinoise ne peut suffire en elle-même, pour changer réellement le système vu que « social » signifie seulement charité pour les pauvres.
Comment Chavez articulera sa domination politique et une autre forme de construction économique ? Que va faire Obama ? Pour le moment le gouvernement US regarde surtout du côté du Pacifique (c’est là le premier voyage d’Hillary). Cependant, dès le succès de Moralès en Bolivie, Obama envoya un message de félicitations. Son discours de rétablissement du politique face à l’économique n’est-il pas en phase avec ce qu’a fait Lula au Brésil par exemple ? Mais on ne peut confondre les deux situations.
Le capitalisme n’est capitalisme que dans la mesure où il fait disparaître toute l’économie des « petits » : petits paysans, petits artisans, petits commerçants, petits entrepreneurs, petits intellectuels, afin de changer chacun en salarié. Généralement, le politique reposait en Amérique du Sud sur l’existence des « petits » comme exigence de « coordination » sociale. Ce sont les « petits » qui ont permis le retour d’idées de centre-gauche. Dans le cas US, tous les « petits » sont des « sous-traitants » et le succès d’Obama c’est le désir de voir l’Etat faire jeu égal avec les « puissants » qu’ils ne peuvent plus affronter. Or, en Amérique du Sud, dans des contextes très différents d’un pays à l’autre, il reste encore des tonnes de petits à faire disparaître. Cette machine capitaliste a encore de beaux jours devant elle (en y mettant les formes), ce qui n’est plus le cas aux USA. Le politique est donc dans deux configurations opposées, même si dans les deux cas, on demande à l’Etat de faire du charitable. C’est un peu le syndrome « Guadeloupe ». Un fossé énorme entre des « petits » et des « puissants » et le mouvement social demande à l’Etat d’arbitrer, ce qui n’est pas le même cas, que les pays à très forte classe moyenne où la bataille est beaucoup plus au sein même de l’Etat et autres sphères du pouvoir (entre le MEDEF de Parisot et celui de l’UIMM par exemple).
Face à la crise, l’Etat brésilien ou vénézuélien peut-il seulement aider les pauvres pour que les puissants conduisent plus aisément leurs machines ? Et l’Etat français ou étasunien peut-il seulement se transformer pour « contrôler » les puissants en laissant la machine suivre son chemin ? A quel moment va-t-on considérer qu’il est indispensable de produire autre chose, autrement, pour changer l’idée de redistribution ? En Guadeloupe, la redistribution de l’existant est une priorité, vu le constat social. En métropole, même si cette priorité est réelle vu l’augmentation du nombre de pauvres, il s’agit AUSSI de reconsidérer la notion de richesse économique pour qu’existe une autre redistribution, et pour cela il ne suffit pas que l’Etat place des contrôleurs dans les banques. Le gouvernement du Venezuela peut-il aujourd’hui se poser les deux questions (produire autre chose et redistribuer autrement) pour les affronter de manière novatrice et ainsi apporter sa pierre à la construction d’une véritable révolution sociale ? Vu qu’il a tous les pouvoirs, s’il ne réussit pas il ne pourra pas invoquer ses limites sur ce point !24-02-2009 Jean-Paul Damaggio