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Que sont devenues les confédérations ouvrières et la classe ouvrière ?

Par Jean-Louis Ernis • Débat • Lundi 28/09/2009 • 5 commentaires  • Lu 2685 fois • Version imprimable


Dans cette période troublée et, à bien des égards, dangereuse pour la démocratie et pour la paix, l’une des grandes interrogations est celle de savoir s’il existe encore en France des confédérations ouvrières et une classe ouvrière.

 

Au cas précis, poser la question est déjà y répondre.
Pour moi, converti aux valeurs de la Charte d’Amiens (j’utilise le mot converti pour montrer que pour moi la Charte d’Amiens n’est pas un dogme, mais une posture syndicale indispensable) l’attitude des confédérations françaises n’est plus représentative du syndicalisme de classes.

Le dernier bastion, mais il serait peut-être plus exact de dire le seul rempart que constituait cette Charte est tombé au cours de ces dernières années.

Il reste peut-être quelques croyants mais assurément plus aucun pratiquant.

C’est ainsi que l’on est passé du délégué syndical au partenaire social et par conséquent de la lutte de classes à la collaboration de classes, sans pour autant tomber dans la pratique de l’encyclique Rerum novarum.

Curieusement et paradoxalement, les dernières batailles de classes de 1995, dont l’ampleur équivalait aux mobilisations de 1968, ont sonné le glas de la lutte de classes. Les mois et les années qui suivirent ont vu les revendications s’estomper et progressivement disparaître.

A titre d’exemple, les 37 ans et demi pour les retraites figuraient de moins en moins sur les calicots dans les manifs.

Le dernier coup de grâce à cette revendication fut donné en 2003 où les appareils syndicaux ont fait petits bras lors des mouvements organisés pour s’opposer à l’alignement des retraites de la Fonction Publique sur le régime général.

Depuis, la généralisation des 40 ans fut actée par les confédérations syndicales, ce qui a permis au pouvoir politique de pousser les feux des 41 ans dès 2012 et repousser la limite d’activité à 70 ans d’âge.

Opportunément le pouvoir avait conduit parallèlement la réforme des retraites de la Fonction Publique et l’acte II de la décentralisation/régionalisation, ce qui a eu pour effet de scinder les raisons de l’action et par conséquent d’en réduire l’ampleur. Il restait à faire tomber les régimes spéciaux, ce fut fait quelques mois plus tard.

Par la suite, les acquis sociaux arrachés essentiellement pendant les dites « trente glorieuses » s’appuyant sur les principes du Conseil National de la Résistance, disparurent les uns après les autres. Le dernier en date fut l’instance paritaire de l’UNEDIC créée en 1958.

Puis le mouvement syndical, après une relative passivité devant l’avidité patronale, opéra un nouveau tournant, celui de la contractualisation des reculs sociaux au prétexte de moderniser les rapports au travail.

De ce point de vue, 2008 restera une période marquante.

L’accord sur la dite modernisation du marché du travail (rien que le titre… « marché du travail » est sans ambiguïté) a fragilisé l’assurance de pérennité dans l’emploi  par l’allongement de la période d’essai et risque d’endommager les conditions de travail par la promulgation du contrat de mission.

Faut-il souligner que ces reculs sociaux ont été couverts par la fumeuse flexicurité ?

Le deuxième acte de contractualisation des reculs sociaux et plus exactement des reculs syndicaux fut la « Déclaration commune » (patronat et des confédérations syndicales) conduisant à une forte remise en cause du droit syndical en France. En résumé, le seul acquis syndical (je précise bien syndical) de 1968, la reconnaissance de la section syndicale dans l’entreprise par la libre désignation du délégué syndical est, de ce fait, enterrée.

Cette dite Déclaration commune a permis au Parlement, à la demande du Gouvernement de légaliser cette déclaration qui n’avait pas reçu le label « accord » pour ne pas s’exposer à une contestation juridique des non signataires.

La loi du 20 août 2008 marque un fort recul du droit syndical d’autant, qu’en plus, elle permet à des listes non syndicales de présenter des candidats dès le 1er tour des élections (C.E./D.P/C.A.P. et C.TP.….) C’est le risque d’un retour du syndicalisme jaune.

Sous la pression de la base, les confédérations ont organisé les manifestations des 29 janvier et 16 mars 2009.

Ces deux journées de mobilisation, d’une ampleur rarement atteinte, n’ont pas trouvé de suite positive pour la satisfaction des revendications. Encore aurait-il fallu que les revendications fussent claires et précises !!!

Comment peut-on mettre quasiment un point final à ces immenses mobilisations ? Ne parlons pas de la comédie des 1er mai et 16 juin. Mesure t’on la déception des milliers de manifestants laissés à l’abandon ? Comment s’étonner que des syndicats d’entreprises livrés à eux-mêmes en viennent à des solutions extrêmes et sans lendemain ?

Le sommet n’a-t-il pas été atteint quand des salariés d’une entreprise de fabrication de chaudières conscients de la fin du site industriel se sont fait photographier quasiment nus, pendant que d’autres composaient une chanson tournant en boucle sur internet pour attirer l’attention sur leur sort ? La lutte prend, dans ce cas, des formes surréalistes.

 

Il paraît également curieux de revendiquer la grève interprofessionnelle quand on se qualifie de partenaire social. Et pourtant, la grève générale devient urgente, mais cela se prépare au-delà des incantations.

Tout ceci ne doit rien au hasard. On ne peut oublier le rôle de chaperon que joue la confédération européenne qui connaît davantage les membres de la commission et du patronat européen que les salariés de France Télécom, les ouvriers des manufactures de pneus en difficultés, ainsi que ceux des équipementiers automobiles…

La deuxième interrogation est celle de savoir s’il existe encore une classe ouvrière. Une fois de plus, ma réponse est non. Pourquoi non ?

Est-ce que parce que la situation du monde ouvrier s’est à ce point améliorée que l’abolition du salariat et du patronat serait à portée ? Bien évidemment, non.

Est-ce parce qu’il n’y a plus de mineurs de fond exposés à la silicose, d’ouvriers de forge, poitrail à nu face à la fournaise des hauts fourneaux, d’ouvriers agricoles coupant les blés à la faux sous le cagnard ? La réponse est non.

Certes, globalement, le travail physique a disparu, remplacé par l’activité cérébrale. L’un des exemples les plus frappants est celui du chef mécanicien de locomotive à vapeur roulant à 120 km/h remplacé par le machiniste de TGV frôlant les 300 km/h soumis à une concentration de tous les instants.

Dans les deux cas, activité physique et activité cérébrale, le lien de subordination du salarié à l’employeur est resté rigoureusement identique. Dans certains cas, il s’est même renforcé.

Si l’appellation « classe ouvrière » devient de plus en plus difficile à utiliser, c’est que progressivement la technologie aidant, la barrière de classes est artificiellement tombée.

A ce stade, je voudrai rappeler ce que disait à la fin du 19ième siècle Fernand Pelloutier, secrétaire général de le Fédération des Bourses du Travail «ce qui manque à l’ouvrier, c’est la science de son malheur »

Plus d’un siècle s’est écoulé depuis cette déclaration et nous en sommes toujours au même point.

Bien conscient de cet état de fait, le capitalisme a mis en place une stratégie perverse, même si elle n’est pas nouvelle dans son principe, faire croire au salarié qu’il est l’égal de son employeur sous la formule très collaboratrice « Nous sommes tous dans le même bateau »

La concrétisation de cette vision est l’actionnariat dit populaire dont on sait qu’il conduit directement à l’auto exploitation. L’objectif de toujours améliorer la rentabilité des dividendes des actionnaires conduisant à durcir les conditions de travail des salariés, voire à les exclure de l’entreprise.

Puis progressivement, l’affairisme a enfermé le salarié dans la camisole du consumériste. L’exemple de salariés organisés pour imposer le travail du dimanche s’opposant aux syndicats de salariés défendant le droit au repos dominical est très éclairant.

Cette « conquête » serait sans objet si les magasins ouverts le dimanche et les jours fériés ne faisaient pas le plein de consommateurs/salariés.

Est-ce la bourgeoisie qui forme le gros des troupes ? Certainement pas. Elle préfère les greens de golf, les salles de théâtre, les opéras etc…

Ce sont donc bien les salariés qui transforment les lieux de chalandises en centre de loisirs.

 

Les dérives en matière de pouvoir d’achat minent également la pratique de classes.

En refusant de se battre collectivement sur le lieu de travail pour obtenir des augmentations générales de salaire, les salariés ont préféré la formule individuelle du crédit, même pour les achats les plus modestes.

Des banques et des compagnies d’assurances (ce sont les mêmes) se sont organisées pour faciliter les contacts. Ainsi apparurent les établissements financiers par téléphone et par internet.

L’ « avantage » de ce système fait que ces entreprises peuvent alléger leurs coûts de fonctionnement, dit plus clairement licencier du personnel ou ne pas embaucher.

Ainsi, l’avantage est double pour l’affairisme, renforcer la dépendance du salarié/consommateur au capital et licencier des salariés ou pour le moins ne pas embaucher au prétexte du comportement du consommateur.

On retrouve d’ailleurs cette logique avec la future robotisation des caisses d’hypermarchés.

Je pourrai citer d’autres exemples, mais cela ne me paraît pas utile. Cette présentation rapide suffit à démontrer dans quelle situation nous nous trouvons.

 

Je considère que la période actuelle est plus complexe que celle vécue à la fin du 19ième siècle.

A cette époque, les ouvriers avaient faim de libertés. Ils étaient combatifs et solidaires, ils étaient dans une période de conquêtes. Ils voulaient définitivement ancrer la République, le sommet en fut la Commune, la liberté de coalition fut arrachée en 1864, la première confédération ouvrière fut créée en 1895 et la section française de l’internationale ouvrière a vu le jour en 1905.

Aujourd’hui, la situation est très différente. L’individualisme a investi la société et miné la solidarité ouvrière. Le progrès technologique a conduit à privilégier une société gadgétisée au détriment des fondamentaux humanistes.

Je considère que pour construire une société plus solidaire, plus juste, plus humaine, il faudra accepter des remises en cause.

Mais pour reprendre une expression populaire « c’est pas gagné »

Cependant, il faut craindre que même si la bonne volonté existe, les organisations politiques et syndicales ne peuvent porter à leurs programmes de telles remises en cause au risque de le payer au prix fort au plan électoral. Or, notre système repose quasi exclusivement sur le verdict des urnes et la conscience populaire n’est pas en situation d’entendre ces vérités.

Il faut donc multiplier les structures d’émancipation et le secteur associatif est adapté pour assumer ce rôle.

Ceci étant, j’ai quelques craintes quant à la mise en place de comités de correspondance liés entre eux.

Depuis une bonne dizaine d’années, je fréquente ces lieux. Ils sont, certes, des endroits d’expression libre mais, on y entend parfois de curieux avis, souvent de bons bilans, de bons constats et rarement, pour ne pas dire jamais, de propositions crédibles. J’ai été sidéré un jour dans une réunion où le thème était les privilèges, quand un homme se réclamant de gauche déclara qu’il était contre les privilèges, contre tous les privilèges précisant sa pensée en affirmant que le RMI est un privilège à abolir !!!

Il faudrait trancher une bonne fois pour toute. Quelle gauche a notre faveur ? La collectivisation des moyens de production ou la libre entreprise régulée à l’exemple des acquis du Conseil National de la Résistance.

Pour ma part, le choix est définitivement fait. J’attends toujours l’exemple d’une société collectiviste qui ne se transforme pas en régime liberticide.

L’homme est ainsi fait, sauf à lui imposer un format, le pouvoir doit obligatoirement s’adjoindre un contre-pouvoir.

Par ailleurs, il me semble injuste, pour ne pas dire inconvenant, de critiquer des initiatives comme « la planification écologique » Avant de porter un jugement de valeur, ayons la patience d’attendre la publication du contenu. Cependant, par exemple, si la sortie planifiée du nucléaire est une banalité parce que cette énergie ne recèlerait aucun danger, alors le problème des déchets est réglé. Il y aura bien des défenseurs de cette énergie pour stocker quelques fûts radioactifs dans leur jardin ou sur leur balcon !

 

EVREUX, le 28 sept. 09


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Commentaires

par Pierre Delvaux le Mardi 29/09/2009 à 13:11

Je partage à peu près ce diagnostic d'extinction de la classe ouvrière et j'irai plus loin : la lutte des classes a-t-elle encore un sens aujourd'hui ? Si on peut considérer qu'elle fut "le moteur de l'Histoire " du XVIIIe au XXe siècle, est-ce toujours le cas aujourd'hui ? L'exploitation capitaliste est plus que jamais d'actualité mais qui, aujourd'hui, remet encore en cause l'extorsion de la plus value par les propriétaires-actionnaires ? Je ne partage pas, là-dessus, l'avis de Denis qui voit dans les luttes pour les indemnités de licenciement la subsistance d'une conscience de classe pardessus les appareils syndicaux et leur politique d'accompagnement. Je pense que c'est exactement le contraire. Considérer comme une victoire l'obtention de 30.000 euros (et on est là dans le haut de la fourchette...) en se retrouvant jeté à la rue marque pour moi l'aboutissement de l'intégration du libéralisme par les individus. Nous en sommes là aujourd'hui. C'est pourquoi la revendication d'appropriation collective des moyens de production ne peut plus résonner que comme un slogan surréaliste. Il n'y a plus aujourd'hui en France d'ouvriers qui remettent en cause la logique de profit et la propriété privée de la production. Et la série de contre-réformes évoquées par Jean-Louis ouvre grand la voie à l'abolition du salariat. Mais version capitaliste : le travail indépendant, hors entreprise avec rémunération à la mission. C'est cette réalité qui se dissimule dans les dispositifs en préparation de "SECURITE SOCIALE PROFESSIONNELLE" ou "SECURISATION DES PARCOURS". Et nous ne pourrons pas l'empêcher en anonant inlassablement comme Besancenot et Laguiller : convergence des luttes, grève générale, socialisation des moyens de production. Car les travailleurs d'aujourd'hui ne sont pas demandeurs de tout cela. Comme le sous-entend Jean-Louis, une seule chose compte : consommer. Certes, c'est une revendication basique et incontestable. Mais en en faisant la seule entendable, les gouvernement successifs sont parvenus à atomiser les travailleurs. Des "restos du coeur" aux banques alimentaires, du RMI au RSA, une seule chose compte : pouvoir consommer. Beaucoup si on est riche, juste assez pour ne pas mourir si on est démuni. Tout ce qui ne consiste pas à remplir plus ou moins le caddy est accessoire (se soigner, s'instruire, avoir son propre logement, etc...). Devons nous pour autant nous résigner ? Sommmes nous à la fin de l'Histoire ? Certainement pas. Et c'est justement en comprenant ce singulier moment de l'Histoire et les hommes qui le vivent que nous pourrons dégager les voies d'une alternative. C'est le but du 3 octobre.

Bien amicalement.

 

Pierre Delvaux


Re: par FABRE Gilles le Mardi 29/09/2009 à 15:20

Bonjour Jean-Louis,
Bonjour Pierre,

Le problème posé à la classe ouvrière est celle de sa pleine émancipation et libération des contraintes, des opressions, des exploitations que lui impose le système du capitalisme transnational.

Les directions syndicales comme beaucoup de partis à gauche, n'ont que simples revendications qui touchent au pouvoir d'achat et à l'emploi. 

Je pense qu'en rester à une demande de pouvoir d'achat et à la revendications de l'emploi sont soit insufisantes soit à terme infécondes.

Les syndicats (dans leur rôle et dans le mouvement social), les partis politiques qui se situent dans la Gauche de rupture (dans leurs projets et leurs démarches, les citoyens doivent aussi revendiquer une autre société, un autre avenir. ILs doivent se poser la question de l'alternative au système économique capitaliste, à l'hyper consumérisme, au productivisme, au libéralisme.

Les syndicats de salariés et les partis de gauche doivent se poser la question de la propriété des moyens de production, d'investissements, d'échanges, des limités à cette propriété. Ils doivent envisager un autre type de propriété alternative à la propriété privée. Ils doivent aborder l'appropriation ou la réappropriation collective et sociale des moyens de productions, d'investissemetns et d'échanges, la propriété coopérative et la propriété corporative (comme l'envisageait Jaurès).

La revendication  du pouvoir d'achat est pour moi insufisante, parfois limite le mouvement social ou l'action politique. Nous devons aborder la question du travail dans son ensemble : revalorisation du Smic, rémunérations, salaire maximum, grilles, ancienneté,  métier et revolorisation du métier, durée, qualification et diplômes, droit du salarié, protection, retraite, formation continue..., citoyenneté et souveraineté dans l'entreprise, etc...

Le salarié doit devenir un citoyen plein et entier, souverain et égal en droits. 

Depuis 40 ans, la question salariale tourne autour du seul pouvoir d'achat. Certes les salariés ont besoin de la juste rémunération de leur force de travail qui ont louée au capitaliste. Mais ils ne doivent pas rester que de simples consommateurs, clients ou acheteurs (pouvoir d'achat). Ils doivent aussi devenir des citoyens avec d'autres projets, d'autres envies, d'autres souhaits, d'autres perpectives que de consommer rapidement, excessivement (et souvent en s'endettant, la consommation à crédit) comme les y invite la société capitaliste. 

L'état qu'il soit dirigé par la gauche (Jospin et Fabuis : la prime pour l'emploi), ou par la droite chiraquienne ou sarkozyste ( défiscalisation des heures supplémentaires, baisses d'impôts, suppression de tiers prévisionnels. etc...) transfert du pouvoir d'achat de l'Etat au salarié. Le patronat et les entreprises s'exonérent de promouvoir de justes rémunérations du travail salarié ou ne donnent pas suite aux réclamations de pouvoirs d'achats. L'Etat se sert de la fiscalité pour octroyer du pouvoir d'achat aux salariés pour éviter que les entreprises (qui ne veulent rien céder sur les hausses de salaires) continuent dans leur objectif de baisse des coûts de la masse salariale.

Les pouvoirs publics, l'Etat en l'occurence au lieu de gaspiller l'argent des contribuables devrait mettre en place une politique sociale (échelle mobile des salaires, réduction de l'éventail des salaires de 1 à 20 puis de 1 à 7, contrôle des marges et des prix allant jusqu'au blocage, réforme des circuits de distribution, etc...)

Un gouvernement de gauche devrait se servir de la fiscalité pour qu'elle soit redistributive (partage et redistribution des richesses), qu'elle finance les objectifs et les programmes d'une planification économique, sociale et écologique, qu'elle soit la source des ressources permettant la présente des services publics partout sur tout le territoire et pour tous citoyens. Bref, l'outil fiscal et budgétaire au service de la solidarité, de l'intérêt général, du développement humain et durable.

De même pour la revendication de l'emploi. Leitmotiv des syndicats, des partis politiques. Des pactes pour l'emploi barriste en passant par les Tuc Fabuisiens pour finir par les Contrats aidés et le Rsa tout tourne autour de l'emploi pour financer un pouvoir d'acheteur d'un futur salarié précaire.

La lutte contre les licenciements doit se faire dans le cadre d'une lutte globale du système. Certes il faut refuser, combattre, dénoncer les licenciements dans les entreprises qui font des profits, des turbo profits. Il faut prévoir l'alternative dans l'urgence sociale. C'est à dire accorder aux salariés la possibilité d'avoir un droit de veto, ou dans le cas de difficultés, les salariès puissent avoir la possibilité de reprendre leur entreprise en la transformant en coopérative bénéficiant de financement d'une banque publique (secteur bancaire à nationaliser), etc...

La lutte contre le chômage tourne autour de la création d'emploi. Peu importe la qualité, le métier, le diplôme, la juste rémunération de la force de travail.... bref, l'objectif a toujours été de dégonfler les statistiques mensuelles du chômage et de donner un peu de pouvoir d'achat à un précaire pour qu'il puisse consommer devenir client dans cette société capitaliste ou bientôt tout se vendra tout s'achètera et tout disparaitra rapidement. Le turbo capitalisme, le turbo consumérisme, le turboproductivisme, le turboclientélisme en quelque sorte.

Nous devons sortir, nous militants de gauche, de cette idéologique de consommateur, de client qui ne permet en rien la rupture avec le capitalisme. Nous devons proposer une autre façon d'être citoyen, une autre façon de produire, une autre façon de partager, une autre façon de consommer.

Proposer l'alternative c'est proposer la pleine émancipation de la personne humaine.


 


La classe introuvable par Alain Quesnel le Mardi 29/09/2009 à 18:33

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt et de sympathie le texte de Jean-Louis ERNIS, d'autant que je partage avec lui l'objectif (ou le désir) d'une société qui mette en commun toutes ses forces productives (donc une société collectiviste) tout en respectant, et même en étendant, les droits des individus (mot par lequel j'entends bien des êtres réels, concrets, vivants... à propos desquels on ne saurait formuler aucune loi générale).
Je ne partage cependant ni le constat qu'il croit devoir faire du décès de la classe ouvrière, ni celui, encore plus radical, de la lutte des classes dressé par ceux qui le commentent.
Commençons par le concept de "classe ouvrière" : il date clairement de la première moitié du XIXe siècle et est systématiquement repris par des penseurs socialistes et/ou révolutionnaires comme Saint-Simon, Marx, Engels, Bakounine, Kropotkine, et j'en passe. Si l'on veut s'en donner la peine, on remarquera que l'expression "classe ouvrière", chez tous les auteurs cités, est exactement synonyme du mot "prolétariat." Au fil du temps, d'ailleurs, dans la majorité des textes issus du mouvement ouvrier, on parle de "prolétariat" plus que de "classe ouvrière" (je n'ai pas encore fait de recherches sur ce point, mais je suis sûr du résultat). Il est évident que, pour les premiers penseurs du socialisme, du communisme, de l'anarchisme et du syndicalisme, le prolétaire était d'abord l'ouvrier (l'ouvrière) qui vendait sa force de travail à  un industriel. 
Les choses ont changé : il n'y a pratiquement plus d'industries dans les pays dits développés ; en revanche, dans la société mondiale, il n'y a plus que des prolétaires, c'est-à-dire des gens qui n'ont pour subsister ou pour vivre plus ou mois bien, que le produit de la vente de leur force de travail. De cette vente, certains retirent (sur la base de l'exploitation des autres) des bénéfices certains : les traders, par exemple. Un trader vend cher sa force de travail (destructive par ailleurs, mais à peine moins que celle d'un commandant de bombardier) : il la vend toutefois. 
A propos du capitalisme (générateur du prolétariat), Marx note (préface au livre I du Capital) : "Pour éviter des malentendus possibles, encore un mot. Je n'ai pas peint en rose le capitaliste ou le propriétaire foncier. Mais il ne s'agit ici de personnes, qu'autant qu'elles sont la personnification de catégories économiques, les supports d'intérêts et de rapports de classes déterminés." C'est dire que ce qui est en cause, c'est un système ou, pour être plus précis, un mode de production. On a longtemps parlé de la prolétarisation des classes moyennes, de ce que l'on appelait, au XIXe siècle, la "petite bourgeoisie." Ces classes sociales n'existent plus, sauf au niveau du fantasme qui fait qu'un prof (on ne dit plus que rarement : professeur) se croit autre chose qu'un maçon ou qu'un clerc de notaire.
Il y a un mode de production capitaliste dont une infime minorité de la population mondiale profite. Il y a un prolétariat privilégié et l'immense masse des exploités. La classe ouvrière, au sens traditionnel (mineurs, métallurgistes, sidérurgistes...) a effectivement disparu du monde dit "occidental" : les rangs du prolétariat n'ont cessé de gonfler. Un employé dans la restauration qui gagne un salaire de 1200 euros par mois, pour des heures de travail "appréciées" plus que comptabilisées, n'est sans doute pas un "ouvrier". C'est néanmoins un prolétaire (qui rapporte de la plus-value) et un asservi.

Ma seconde remarque porte sur la "lutte des classes" : si j'ai bien compris l'un des commentateurs du texte de Jean-Louis ERNIS, il faudrait la passer par pertes et profits et ce ne serait qu'une vieille lune idéologique, aujourd'hui dépassée.
Il faudrait peut-être s'interroger une seconde sur ce concept de "luttes des classes" et on s'apercevrait vite qu'il n'a absolument rien d'idéologique. C'est simplement une réalité : les humains, dans notre société ont des intérêts (matériels et autres) qui peuvent parfois converger mais qui le plus souvent divergent et peuvent devenir contradictoires. Ni Marx, ni Bakounine ne "prônent" la lutte des classes : ils la constatent et décident de prendre parti pour une classe contre une autre. De l'aveu même de Marx, il n'a pas inventé le concept : il l'a trouvé chez un historien français, parfaitement réactionnaire, Augustin Thierry. La lutte des classes n'est pas, à mes yeux, un objet de discussion théorique : c'est un fait.
A partir de cette constatation, la réflexion de Jean-Louis ERNIS prend toute sa valeur. En effet, nous sommes dans une situation de lutte des classes féroce. En 2008, le milliardaire Warren BUFFETT (première fortune mondiale, paraît-il) a pu déclarer : "La guerre des classes existe, c'est un fait, mais c'est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre et nous sommes en train de la gagner." On ne peut que lui donner raison. Si la lutte des classes se manifeste tous les jours, c'est - du point de vue du prolétariat - dans le plus grand désordre, voire à la limite du désespoir. Une à une, les conquêtes sociales, acquises au prix de luttes longues et ardues, disparaissent, avec l'aval de certaines directions syndicales. Les partis de gauche, l'oeil rivé sur les échéances électorales (2010, 2012...pourquoi pas 3554 ?), laissent en déshérence ce qu'on appelle du nom très laid de "terrain social"  (laid parce qu'on prend des personnes pour un "terrain" !). Vous les chômeurs, les miséreux, les mal-payés, les suicidés de France-Télécom, prenez patience, votez pour nous en 2012.
Je me rappelle un certain mois de mai, où je faisais mes toutes premières armes dans la lutte des classes, non contre les syndicats mais à coup sûr contre leurs directions bureaucratiques qui sont parvenues, coalisées avec le pouvoir gaulliste, à tuer ce qui aurait pu être une révolution. La lutte des classes est un fait : comme le Saint-Esprit des Evangiles (!!!!), elle souffle où et quand elle le veut. Les directions des syndicats ou des partis n'y peuvent rien et devraient s'y soumettre (au lieu de la combattre pour protéger leur "pouvoir")

Amitiés communistes libertaires
Alain Quesnel


 


 


Direction n'égale pas organisation par c_berthier le Jeudi 01/10/2009 à 16:36

Parmi tous les problàmes abordés par le camarade Ernis, il en est un sur lequel je voudrais apporter une contribution, c'est celui d'une certaine confusion entre les organisations syndicales, la classe ouvriere et les directions de ces organisations.  Pour moi, c'est plus affaire d'observation et de bon sens que d'une théorie politique. 
J'observe d'abord une importante décrue des effectifs et des implantations des syndicats par rapport aux 20 premières glorieuses, décrue accélérée dans les années 70 et un vieillissement des adhérents et cadres. Au total, il doit bien y avoir une trentaine de millions de citoyens qui ont "vécu" les syndicats de l'intérieur et qui en sont partis pour un "solde" actuel d'environ 2 millions. Ces millions d'ex-syndiqués savent pourquoi ils se sont syndiqués et pourquoi ils sont partis. Leur expérience vit encore dans la vie politique et aussi dans l'expérience qu'ils ont transmise à leurs enfants. Cette expérience est aussi une part de la conscience de classe qui a produit de grandes grèves et manifestations, le NON du 29-5-2005, les abstentions aux européennes de 2004 et 21009, etc, etc. Cette expérience et cette contraction militante se retrouve aggravée dans les organisations politiques grandes ou petites, réformistes ou extrèmes. Non, le camarade Ernis n'est pas seul avec ses doutes.
Parallèlement, nous, les salariés, les syndiqués, Ernis, avons observé une dérive constante des directions et des thèmes revendicatifs dans le sens négatif que décrit assez bien le camarade. D'où une coupure croissante entre les leaders médiatisés, les adhérents et les besoins des salariés.
Car ces derniers ont toujours des problèmes de fins de mois difficiles, d'endettement, d'emploi pour eux et les membres de leurs familles...pour 64 millions de Français et pas 40. Ces mêmes français qui ont fait 6 révolutions, des vraies, avec mise en cause de l'Etat et créé les communes et la Commune. 
D'un coté un peuple, de l'autre des "sommets". Pourquoi? La raison tient en un mot :"corruption" . Celle que tente un patron pour se mettre dans la poche un délégué, les milliers de positions du dialogue social du "grain à moudre", les retraites avantageuses au moment des privatisations, les ascenseurs syndicaux et politiques, en France ou en Europe, les CHSCT où on détourne le regard des salariés blessés, des situations à risques et des rapports de complaisance.
Car, et c'est une deuxieme raison qui fait que la classe salariée existe encore. C'est que le patronat existe aussi et encore, disputant chaque euro de salaire et chaque avantage acquis, de sorte que je crains qu'en 2012, échéance intangible pour tous, y compris le PG, il fasse reconstruire et reconquerrir le programme du CNR, alors que les "permanents" auront été exclus par Sarkozy de tous les lieux de "concertation" en France, sinon de l'Europe. Je crains qu'aucun des partis y pense. La classe ouvriere n'est pas solluble dans le crédit par lequel le salarié est contraint
d'hypothéquer son salaire futur et son domicile et maintenant de payer à crédit les études de ses enfants, puis de les garder chez lui. Il tend à être réduit à la situation d'un débiteur sans droit. Donc de ce coté là aussi, il n'y a pas à craindre d'embourgeoisement de la classe ouvrière et du salariat.
En conclusion, je n'ai aucun doute que s'accumule dans la classe salariée une force vitale considérable de résistance que ne pourront guider les organisations dont se plaint Ernis. Il n'y a pas lieu de s'alarmer de la multiplication des clubs, associations, partis petits ou moins petits, réseaux au prétexte que leurs efforts seraient plus efficaces dans telle "federation" ou tel "front", telle était la situation en 1788, 1829, 1847, 1870, 1944  lorsque les "grandes" institutions se vidaient de leur substance active. La force est en nous!


Faut-il mettre en cause le "matérialisme sordide des masses"? par d_collin le Vendredi 02/10/2009 à 10:59

Je ne vais pas revenir sur ce que Quesnel et Berthier ont déjà dit. Mais il me semble que la déscription de la classe ouvrière soumise à l'idéologie de la consommation mériterait d'être questionnée et j'avoue que tant la contribution de Jean-Louis Ernis que le commentaire de Pierre Delvaux me mettent mal à l'aise.

Quand on regarde un peu sérieusement la situation des classes laborieuses en France (voir, par exemple, le livre de Jacques Cotta, "Sept millions de travailleurs pauvres"), on n'a pas l'impression d'avoir affaire à des ouvriers goinfrés par la consommation. Qu'une certaine classe moyenne qui atteint un niveau de confort respectable refuse de poursuivre la course aux nouveautés et l'accumulation des choses vendues par la publicité, cela se comprend très bien. Mais il n'en va pas de même pour ceux pour qui la fin de mois commence le 15 et doivent parfois se priver de l'essentiel, compte tenu des normes de la vie d'aujourd'hui. Je sais bien que Latouche dans "Politis" peut proclamer qu'on vit très bien avec 600 euros par mois et qu'on y peut même connaître "l'ivresse de la frugalité" ... mais Damaggio a dit ici même ce qu'il fallait penser de ces sornettes.

Si on veut comprendre le désarroi d'un prolétariat qui semble réduit à la recherche d'un impossible salut individuel dans la société capitaliste d'aujourd'hui, il me semble plus juste d'essayer de comprendre comment les organisations ouvrières se sont intégrées à cette société capitaliste au point d'en devenir l'un des rouages. C"'est vrai des "partis ouvriers" mais aussi des syndicats, sans en excepter aucun. Or l'affaire est ancienne.  Roberto Michels dans son livre sur les partis politiques paru au début du siècle dernier montrait le conservatisme inhérent à la social-démocratie. En France, c'est Sorel qui faisait le même constat et écrivait sur la crise du marxisme. J'ai essayé dans mon Comprendre Marx de donner une explication d'ensemble. Peut-être pourrions-nous en discuter sans que je recopie ici les chapitres sur cette question.

En tout cas, dès lors qu'il n'y a plus de perspective hors le capitalisme, dès lors que la "libre entreprise" borne notre horizon, qu'y a-t-il de mieux à faire que tenter de sauver de peau? La régulation du capitalisme est une mauvaise blague. L'histoire le démontre. Si on ne se résigne pas à ce monde, si on croit que l'émancipation humaine, c'est-à-dire la destruction du système de l'aliénation capitaliste qui transforme le travail vivant en travail mort, alors il faut repenser les questions théoriques de la cave au grenier et non essayer de "panser" une vieille gauche dont l'agonie est maintenant un fait patent. Même si on repeint cette vieille gauche en vert, si on la rebadigeonne au "développement durable" ou à la "planification écologique".

Je reviendrai prochainement sur ces questions.

Denis Collin



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