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Régionales : Exemple de tromperie

Par Jean-Paul Damaggio • Actualités • Jeudi 11/03/2010 • 3 commentaires  • Lu 2301 fois • Version imprimable


Nous savons depuis le 2 décembre 1851 que la question politique n’est plus celle du droit de vote mais celle des conditions d’exercice de ce droit. Toutes les dictatures de la planète en conviennent elles-mêmes, il faut organiser des élections ! Mais comment ? De là est née toute l’importance des moyens d’information capables d’éclairer les habitants d’un pays. Et qui dit information dit souvent « tromperie » sur la marchandise !

Le mot « tromperie » n’est pas employé ici dans un sens moral mais bien dans un sens politique d’où l’exemple qui va suivre.

Dans le Sud-Ouest deux grands projets de ligne à grande vitesse (LGV) sont en débat depuis 2009, Bordeaux-Bayonne et Bordeaux-Toulouse. Au début, par souci de défense du rail, j’étais plutôt favorable à de tels projets mais la campagne des élections régionales a réussi à me faire changer d’avis. Le tronçon Bordeaux-Toulouse, que je me suis mis à étudier, a d’abord été contesté par les habitants de Sud-Gironde. D’une contestation classique du tracé, ils sont passés à une contestation de la LGV elle-même. Réaction ordinaire : ils ne seront en rien bénéficiaires de cette ligne puisqu’ils continueront d’aller à Bordeaux prendre le TGV. Puis la contestation a gagné le Lot-et-Garonne où là, des élus ont mis en lumière un phénomène qui nous renvoie aux élections régionales, et donc à un débat classique sur ce site, concernant les rapports entre Etat et Région.

S’il y a eu 2000 manifestants à Langon, 4000 à Nérac et 1200 à Castelsarrasin, c’est en partie, lié à la découverte que cette ligne allait être payée à 50% par les collectivités territoriales qui n’ont pourtant compétence que pour les Transports Régionaux ! (je n’oublie pas la revendication de ceux qui veulent la LGV mais dans le jardin du voisin). A partir du moment où ce n’est plus l’Etat qui fixe l’intérêt général, qui démontre le bienfondé d’un projet national, et qui s’engage à le payer, les habitants des régions sont plus en droit de faire valoir leurs droits particuliers ! 

Où est la tromperie ?

Si des élus du Lot-et-Garonne ont pu révéler aux citoyens le mode de financement, il n’en a pas été de même en Midi-Pyrénées où TOUS les candidats importants de droite, de gauche, du Front de Gauche ou d’Europe Ecologie ont refusé systématiquement de répondre à la question du financement tellement ils craignaient une réaction défavorable des citoyens. Comme l’outil médiatique est entre les mains du pouvoir politique régional, la contestation de la LGV a été réduite à une contestation du tracé. C’est après des recherches parallèles qu’on en arrive à découvrir qu’un département comme le Lot qui subit une détérioration considérable de la ligne Toulouse-Paris par Limoges est sommé de financer la LGV Toulouse-Paris par Bordeaux… ce qui va aggraver le désert de ce département ! 

Mais pourquoi l’Etat et RFF renvoie le financement aux régions ?

Il ne s’agit pas d’une simple opération comptable qu’on appelle habituellement « désengagement de l’Etat » mais bien d’un autre élément de la tromperie politique. Le désengagement financier de l’Etat est tout aussi important que la déstructuration politique du pays ! En Midi-Pyrénées, deux féodaux Martin Malvy PS et Jean-Michel Baylet PRG souhaitent mettre Toulouse à trois heures de Paris (je ne traite pas ici le mobile de la vitesse) et sont prêts à faire payer les habitants de la région. Pour atteindre cet objectif, plutôt que de donner en main tous les éléments du dossier, ils biaisent. Alors qu’ils sont les commanditaires du projet, ils montrent du doigt les méchants de RFF qui ne les écoutent pas en matière de tracé comme si le client n’écoutait pas le financeur ! Ainsi, sous leur contrôle, tout le débat politique devient une querelle de clocher ! Et le plus savant en la matière devient l’homme d’une classe politique imbuvable, Gérard Onesta, tête de liste d’Europe Ecologie qui très jeune, en 1989, a commencé une carrière au Parlement européen qu’il vient de quitter pour se lancer dans la conquête de l’autre pôle cher à sa conception du politique : la région. Pensant prendre en tenaille la Nation, il dit OUI à la LGV tout en contestant « la logique centraliste de RFF » et tout en annonçant une ouverture vers le Sud mythique. Malheureusement sur les trois points il fait fausse route, comme l’explique parfaitement Noël Mamère, responsable d’Europe Ecologie côté Aquitaine mais en même temps député à Paris, qui dit NON au principe de la LGV car dans les conditions actuelles c’est demander aux collectivités locales de financer une ligne (et donc les géants du BTP) où vont ensuite rouler des trains Véolia ! Quant au lien avec Madrid et Barcelone, il ne passera pas de sitôt par Toulouse ! Voilà comment, sur deux régions voisines, pour un même sujet, la même organisation politique prend des positions totalement opposées ! Pour compléter le tableau sachez que si en Midi-Pyrénées le PCF affiche un soutien sans faille aux féodaux de la LGV, le même PCF en Aquitaine se bat contre la LGV en mettant en place une association d’élus en charge de financer une étude pour voir comment augmenter la vitesse en utilisant les lignes existantes (pour arriver à 220 km/h plutôt qu’à 300). Car les anti-LGV ne sont pas opposés à des investissements importants en faveur du rail, mais à des investissements plus conformes aux intérêts des divers citoyens et à une efficacité économique plus claire. Ce n’est pas la régionalisation qui par elle-même déstructure le pays, mais l’usage qu’en fait la mise en concurrence des territoires que l’Etat organise, en lieu et place d’une rationalisation de l’effort national.

 

11-03-2010 Jean-Paul Damaggio

 


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Commentaires

Errare humanus est... par Peretz le Vendredi 12/03/2010 à 10:43

Dans tous les cas de figure les investissements en faveur d'un tgv ou lgv se font au détriment des TER, ce qui est une aberration. On rencontre ici les lobbys habituels industriels et financiers (il faudra certainement emprunter) qui ont prévalu lors de la première ligne Paris Lyon.


humanum et non humanus, bien entendu par Peretz le Vendredi 12/03/2010 à 10:45

Erreur de frappe


par gilles le Vendredi 19/03/2010 à 22:35

Le Peuple Français, dans sa plus totale souveraineté, après avoir subi une campagne de propagande médiatique sans comparaison en faveur du vote oui, avait voté non à plus de 54% au traité constitutionnel européen le 29 mai 2005. Le 8 février 2008, le Parlement français, réuni en congrès, approuvait le traité de Lisbonne, à savoir une copie amoindrie mais reprenant les pires aspects du traité constitutionnel rejeté par les Français. Jamais la République n’avait eu à subir un tel déni de démocratie et tout le monde s’est tu. Tout le monde.



Que l’on remette en cause le résultat d’un référendum, qui plus est au bout de deux ans seulement, constitue une forfaiture politique inacceptable pour tout démocrate qui se respecte. Certes, Nicolas Sarkozy avait prévenu durant la campagne présidentielle de 2007 qu’il contournerait la décision populaire par une procédure parlementaire, mais cela ne légitime pas pour autant une violation aussi grossière du suffrage universel, particulièrement dans une grande démocratie comme la France. Avec 53,65% d’abstention au soir du 14 mars 2010, notre pays paye le prix lourd de cette violation morale de la souveraineté populaire. Car rien n’est pire que de dégoûter le citoyen de sa mission électorale, rien n’est plus dangereux que de priver un électorat de sa victoire.



C’est pourtant ce qui s’est passé, en 2008, dans notre bonne vieille république. Les électeurs auxquels les partisans du oui en 2005, l’UMP, le PS, le sommet de l’Etat, ont répondu « cause toujours », en s’asseyant sur leur vote, ont répondu « merde » à l’occasion de ces élections régionales. Ces électeurs constituent à nouveau une majorité, quasiment comparable à celle de mai 2005, manifestant son rejet d’un système qui ne sait plus que passer en force, et les leaders politiques ont beau donner toutes les explications possibles à ce désaveu populaire, aucun n’a eu le courage de reconnaître que cette abstention massive, dramatique, inquiétante, a pour principale origine ce mensonge historique qu’est l’approbation du traité de Lisbonne par ce que l’on hésite encore à qualifier de « représentation nationale ». En se détournant majoritairement des urnes, en ce 14 mars 2010, alors que les enjeux politiques n’étaient pas escamotés, bien au contraire, le peuple Français a craché à la gueule de ceux qui le méprisent. Au delà des analyses politiciennes du moment, navrées ou triomphantes quant aux résultats de ce scrutin régional, cette situation est très grave. Très grave pour notre démocratie, très grave pour la France. Si un débat de fond sur cette tragédie politique ne s’ouvre pas sur la place publique, nous en paierons plus chèrement encore les conséquences.
 



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