Le profit de cette société a donc été multiplié par 5,58 !!! ... Cette annonce pose un sérieux problème.
Pourquoi une entreprise qui multiplie par plus de 5 ses profits en 1 an voit-elle dans le même temps son DRH, porte-parole de la Direction, réclamer une «augmentation de productivité» à ses pilotes mais aussi aux stewards et aux personnels de sol ? Pourquoi, ce même DRH, présente-t-il aussi un plan de 2.900 suppressions de postes ?
Cette situation totalement aberrante se double d’un incroyable cynisme.
Ainsi, une énorme pression avait été mise sur les pilotes de cette compagnie, depuis le mois de Septembre, pour les contraindre à travailler plus sans aucune augmentation de salaire, ou compensation. Il s’agissait de «sauver l’entreprise». Ils ont refusé de céder aux pressions et à la culpabilisation de leur profession par la Direction qui laissait clairement entendre qu’un refus de leur part menaçait l’existence même de l’entreprise.
Rien n’y a fait, … les pilotes ont tenu bon.
La Direction d’AIR FRANCE est donc passée à la phase 2 de sa stratégie. Elle a indiqué que ce refus entrainerait des conséquences pour toutes les catégories de personnel … du fait de ce refus des pilotes.
Manière, au passage, de tenter de monter les catégories les unes contre les autres.
Et de fait, le 12 Octobre dernier, la Direction AIR FRANCE présentait en CCE un plan de 2.900 suppressions de postes, provoquant la colère des salariés avec envahissement du Comité Central d’Entreprise, échauffourée et … arrachage de la chemise du DRH.
Images retransmises en boucle sur toutes les télévisions du monde avec émotion planétaire. L’image de la France en étant même écornée selon certains …
Dans notre beau pays, rares sont ceux qui n’ont pas condamné «l’odieuse agression de ce DRH», rares sont les médias qui n’ont pas faits des gorges chaudes sur cette «violence inacceptable» de la part de ces salariés. Quant au personnel politique, à la quasi-unanimité, il a fustigé ces faits et comportements odieux.
Maintenant, reprenons tout cela à la lumière de l’annonce faite ce matin sur les profits d’AIR FRANCE.
On aura du mal à nous faire croire que la Direction de cette société n’a pas d’indicateur lui permettant de connaître sa situation financière au fil de l’eau. Bien naïf serait celui qui croirait que la Direction attend LE chiffre trimestre sortant de ses ordinateurs pour savoir où elle en est.
Mais alors … quand la Direction a commencé à faire pression sur les pilotes, elle était donc déjà au courant de sa vraie situation, qui était loin d’être aussi noire qu’elle voulait bien le dire.
Pire encore, … le 12 Octobre, cette même Direction avait les idées encore plus claires sur l’état des comptes et le niveau de ses profits au moment où elle a annoncé son plan social.
C’est donc avec un cynisme achevé que le DRH a annoncé au CCE le plan de 2.900 suppressions de postes pour «sauver l’entreprise» qui était soi-disant en danger de disparition.
Et nos fameux moralistes qui s’offusquaient de la légitime volonté des salariés de sauver leurs emplois … où sont-ils aujourd’hui ?
On ne les entend guère dénoncer cette démarche honteuse de la Direction qui veut jeter à la rue des milliers de salariés alors que rien ne le justifie et même que le niveau des profits annoncés prouve qu’il n’y en a nullement besoin ?
On ne les entend pas non plus dire que la colère des salariés était justifiée face aux agissements de cette Direction cynique, menteuse et truqueuse qui ne recule devant aucun moyen pour arriver à ses fins.
Alors, si ce DRH se fait à nouveau arracher la chemise … se trouvera-t-il encore quelqu’un pour dire que c’est inexplicable et inacceptable ?
Reste qu’au-delà de ces faits révoltants, une tendance se confirme. Elle est d’ailleurs très inquiétante.
Souvenons-nous de ce qui s’est passé chez SMART. Un référendum y a été organisé par la Direction, il y a quelques semaines, pour savoir si les salariés acceptaient de travailler 39 heures payées 37 … en échange d’une garantie d’emploi jusqu’en 2020.
Le plus extraordinaire étant l’argumentation de la DRH de ce Groupe pour justifier cette demande :
«La situation de notre entreprise ne justifie pas ce référendum. La mise en oeuvre des mesures souhaitées est uniquement préventive !».
Ce qui est train de se passer à AIR FRANCE est de même nature. Les faits ne se sont pas déroulés de la même manière mais on retrouve les mêmes éléments : … des comptes d’entreprise au beau fixe, des efforts de productivité supplémentaires demandés aux salariés et même des suppressions de postes demandées (mais pas encore obtenues).
Ces deux entreprises indiquent sans équivoque le sens de l’histoire.
Au final, la tendance qui se confirme est que le Capital Financier qui a pris les commandes à l’échelle planétaire n’en a jamais assez. Il lui faut toujours plus de profits et toujours plus vite.
Pour parvenir à ses fins, tous les moyens seront bons. L’objectif est clairement confirmé : remettre en cause les acquis, obtenir une productivité maximum, culpabiliser en permanence les salariés, jeter aux orties tout ce qui entrave la réalisation de ses projets mercantiles et anti sociaux. En France, au premier rang de ces obstacles figure le Code du Travail, qui règle les relations entre salariés et employeurs, dont le Gouvernement Valls-Hollande veut une modification en profondeur avant Juin 2016. Montrant ainsi, s’il en était encore besoin, qu’ils ne sont que de zélés serviteurs de l’Union Européenne et du Capital Financier.
Le capital financier ne prend même plus la peine de faire de l'habillage pour justifier sa volonté de tout remettre en cause ...
Avant, ils prétextaient d'une situation "difficile", de la mondialisation, de la concurrence féroce ... etc. Et les médias de relayer ces messages sans s'émouvoir du sort réservés aux salariés.
Aujourd'hui, les responsables politiques, le gouvernement, les médias et tous ceux qui sont aux ordres de l'UE et du capital financier n'ont pas un mot pour dénoncer ces pratiques. Encore moins pour dire que les salariés ont raison de se battre pour leurs emplois, leurs acquis, le Code du Travail, la Sécurité Sociale ... bref notre modèle social.
Les mois à venir seront inévitablement le théâtre de sévères affrontements. Et comme les salariés et leurs organisations ne sont pas que des imbéciles, ils sauront se souvenir de ces éléments constatés chez SMART et AIR FRANCE.
Il risque fort d’y avoir encore des chemises arrachées …