L’intervention directe du président de la république au conseil national de l’UMP de dimanche dernier a eu l’avantage de ne pas entretenir l’hypocrisie sur laquelle repose le régime de la Ve République. Comme le dit Hortefeux, Sarkozy a tout de même bien le droit d’aller dans « sa famille ». On laissera au ministre de l’intérieur le choix de ce substantif équivoque pour qualifier le parti du président de la république. Le président de la république n’est pas au-dessus des partis, il n’est pas « l’homme de la nation » et encore moins un père bienveillant. Il est un chef de parti et même un chef de clan qui emmène à la bataille son clan contre le reste du pays. Au moins les choses sont claires.
Le bonapartisme jette à bas tous les masques honorables que portait la pseudo-démocratie issue du coup de mai 1958. Avec Sarkozy, on proclame haut et fort le coup d’État permanent. Quand le Parlement fait mine de voter en son âme et conscience, les mal-pensants sont convoqués à l’Élysée, sermonnés comme des petits enfants surpris à faire des bêtises et on les refait voter et tout rentre dans l’ordre. Après le prétendu renforcement du Parlement, jamais la chape de plomb d’exécutif n’a pesé aussi lourd. Jamais la séparation des pouvoirs n’a autant été réduite à une sinistre comédie.
Dans un pays où le mensonge est la règle, où il faut toujours comprendre le contraire de ce qui est dit officiellement, la franchise du président qui s’engage dans la bataille pour les élections régionales est donc à saluer. Le bonapartisme montre son vrai visage : c’est un régime de combat, un régime de lutte de classes dont le président assume la direction.
Car c’est bien de cela dont il s’agit. Imposer à marche forcée la poursuite des « réformes », c’est-à-dire des contre-réformes indispensables à un système capitaliste dont l’effondrement des Bourses de Dubaï et d’Abu Dabi ce matin montre qu’il est en dans une situation périlleuse. Aller jusqu’au bout de l’offensive contre « l’État providence », c’est-à-dire contre les acquis sociaux, tel est l’impératif catégorique du capitalisme aujourd'hui. Voilà pourquoi les gouvernements sont asservis comme jamais à barons voleurs et aux maîtres de la finance.La privatisation de la poste, une nouvelle phase de la privatisation d’EDF qu’implique le rapprochement avec Veolia, la mise à sac de la santé publique – fermetures massives de bloc opératoires sur tout le territoire – et la privatisation progressive de la protection sociale, une nouvelle étape dans la « réforme des retraites » … La liste est interminable.
Il faut maintenant y ajouter la réforme Chatel des lycées. Dans cette réforme la stratégie poursuivie par le ministère est celle du chaos. Non seulement les réductions d’horaires frappent aveuglément dans toutes les séries mais encore l’introduction de contingents d’heures annualisées ou semestrialisées, les réorientations par des stages pendant les vacances et le tronc commun de première qui finit de disloquer les classes vont créer une jolie pagaille dans les lycées, dans les emplois du temps et dans la gestion globale. Le gouvernement sait qu’une attaque trop frontale est risquée : le projet Darcos n’était qu’un leurre destiné à rendre possible ce qui se passe aujourd’hui : le gouvernement recule, tout le monde crie victoire et nous avons la réforme Chatel ; cela fait penser à ce classique du polar : le flic qui cogne et celui offre la cigarette au prévenu épuisé.
C’est l’ensemble du cursus du lycée qui est menacé. Car cette réforme devrait être complétée par une réforme du bac – et du reste si on supprime les redoublements, on ne voit pas bien comment on pourra encore accepter que des élèves échouent au bac.Après bien des tergiversations tous les syndicats viennent de demander dans un communiqué commun le retrait pur et simple de la réforme Chatel. C’est un premier pas positif qui devrait servir de point d’appui pour une mobilisation sérieuse.
Mais comme pour la lutte contre la privatisation de la poste, les problèmes qui se posent aujourd'hui à propos du lycée sont fondamentalement des problèmes politiques. Les « réformes » du gouvernement Sarkozy n’ont pas de soutien sérieux dans la population mais tous les citoyens ont l’impression que leur protestation n’a aucune chance de vaincre et que face au rouleau compresseur d’un système politique dans lequel toutes les voies de la pression démocratique semblent inefficaces, la défaite est assurée.Pourtant Sarkozy lui-même a montré la voie. En se portant pratiquement comme tête de liste UMP dans toutes les régions il a lui-même fait du scrutin des régionales un référendum pour ou contre sa politique. Il serait donc irresponsable de ne pas répondre à cet appel : aux régionales, il faut dire « non » à Sarkozy.
Jusqu’à présent les partis d’opposition semblent décidés à se présenter en ordre dispersé et plutôt que de partir de la bataille pour la mobilisation des citoyens, ils se disputent sur des questions purement organisationnelles, de la cuisine électorale peu ragoûtante. Le PS joue avec le Modem une drôle de partie : on refuse l’alliance avec le Modem avec qui on est allié par ailleurs au niveau municipal à Lille – chez la première secrétaire – et en d’autres lieux. Le Modem prétend mener sa vie autonome mais Marielle de Sarnez se rend à toutes les invitations de Peillon et Robert Hue. Plus à gauche, c’est la confusion. Le Front de Gauche a décidé l’autonomie – pas d’alliance avec le PS – mais seulement au premier tour, pour se compter. Au second, on nous jouera « embrassons-nous Folleville » avec un petit suspense lors des négociations de fusion qui seront d’autant plus difficiles que les écologistes, autonomes au premier tour, eux aussi, feront payer très cher leur éventuel ralliement aux majorités régionales. En pour couronner le tout, le NPA a décidé une nouvelle fois de faire cavalier seul tout en appelant à « barrer la route à la droite ».
Pourtant la nécessité d’un front commun pour la défense de la démocratie et de l’organisation républicaine du pays est patente. Plutôt que débattre à n’en plus finir pour savoir si on s’allie avec Tartempion ou avec un autre, il serait beaucoup plus simple de proposer une large base de rassemblement, dont le contenu serait saisissable par tout électeur. Et en premier lieu, il faudrait exiger le retrait pur et simple de la réforme Balladur-Sarkozy des collectivités locales, et pas seulement le retrait de la réforme de la TP. Non, c’est tout le paquet qui doit être retiré et sans mégoter: ni réforme de la TP, ni réduction du nombre d’élus, ni changement du mode de scrutin, ni euthanasie des départements, ni les « métropoles ».
En second lieu, la défense des services publics. L’UMP mène campagne contre le fait que les régions ont embauché. Et pour cause, quand l’État central se décharge de ses responsabilités, les collectivités territoriales ont souvent pris la relève et il faut de l’argent et des agents. Défendre les services et défendre l’emploi. En commençant par donner un coup d’arrêt à l’application de la grande faucheuse, le RGPP, un monstre technocratique qu’on ne peut comparer qu’à cette extravagante machine à moissonner les forêts qu’ont inventées les scénaristes du film « Le barbier de Sibérie ».Et surtout, des collectivités territoriales qui sur les terrains apportent leur soutien aux travailleurs en lutte, aux artisans et aux paysans qui luttent pour leur survie. Des élus qui ne soient pas des technocrates de gauche, essayant d’arranger le coup avec Paris et Bruxelles, mais des élus qui disent la vérité et constituent des points d’appui à la résistance du pays profond, des campagnes et des villes moyennes notamment que ces messieurs de la haute trouvent totalement ringardes et qu’il faut rayer de la carte de leur nouvelle Europe de la finance réduite à des mégalopoles parasitaires, d’un pays où l’agriculture et l’industrie auront été réduites à la portion congrue.
Inutile de faire des plates-formes ultra-révolutionnaires. Quelques points d’accord précis pour sauvegarder ce qui reste de la république. On devrait pouvoir tous s’entendre là-dessus, non ?
La contribution de l'ami Collin me parait tout à fait opportune, tant dans nos rangs est forte la tendance à parler d'autre chose au moment où des échéances politiques précises se profilent.
J'ignore quelle sera ma position finale et celle de mes camarades de République Sociale. Voici quelques premières réflexions.
- un an après un juste départ du PS, la direction Mélenchon semble réduire le PG à un fédérateur électoral des personalités et organisations qui cultivent l'opposition au PS considéré comme un tout homogène de ses leaders ouistes à ses militants et élus de base. Cela ressemble fort à la coalition des adversaires de l'appel Politis du 15 mai 2008. Je ne crois pas au futur de cette entreprise.
- le programme régional de cette coalition reste flou autant que celui du PG dont la convention de programme est reportée en juin 2010. En particulier, pas un mot des projets politiquement décisifs de Sarkozy contre les collectivités locales, alors même qu'il s'agit de tenter d'utiliser les futurs conseils et élus régionaux contre les assemblées actuellement élues des départements et des communes. Cette politique fiction ne pourra pas durablement ignorer les réalités d'une crise politique majeure de toute la classe politique française.
- Espérer faire des élections régionales de 2010 un "référendum" contre Sakozy me rappelle les espoirs de faire des élections européennes de 2009 une sanction contre le même Sarkozy. En pire - Car l'Union européenne n'avait pas réellement besoin d'une impossible onction populaire, désavouée qu'elle avair été aux européennes de 2004 et par le NON de 2005, alors que la promotion des régions contre les départements, les communes, leurs "fonctionnaires" et leurs "dépenses" est au centre des premiers discours de l'UMP. Au bénéfice de qui?
- La mobilisation des salariés, des usines aux bureaux, des chantiers aux écoles a suffisamment souffert des divisions, des concurrences des organisations et de leur isolement, notamment à l'égard des assemblées locales. Que l'on pense au refus de certains de continuer à enregistrer les votations organisées par les conseils municipaux contre la privatisation de la poste. Le salarié, le chômeur, le retraité, l'assuré social est aussi citoyen dans sa commune. Dans la grande majorité des communes, il n'y a ni parti, ni syndicat. Les élus n'en sont plus membre et non sans raison. Il est temps de reconnaitre le role des conseils municipaux, organe permanent des assemblées communales qui ont surgit aux moments decisifs de l'histoire du peuple français.
- ceci écrit, il est tout à fait fondé de rapprocher comme le fait Collin les régionales de la guerre aux collectivités locales que font Sarkozy...et Bruxelles. Force est de constater qu'aucune des récentes déclarations des négociateurs de la "gauche de la gauche" ne fait ce rapprochement. Silence complice?