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Après la journée du 7 mars, les conditions de la victoire

Par Denis Collin • Lutte de classes • Mercredi 08/03/2006 • 0 commentaires  • Lu 2333 fois • Version imprimable


Le 7 mars, entre 800.000 et million de manifestants dans les rues de toutes les villes de France, bravant souvent le froid et la pluie. Beaucoup de jeunes, mais aussi beaucoup de moins jeunes. Car l’affaire est grave. Après le CNE, le CPE marque un nouveau pas vers la liquidation pure et simple du code du travail.

Si les jeunes et les chômeurs dans le cas du CNE peuvent être embauché pour deux ans à l’essai et licenciés sans motif, les jours du CDI et même du CDD sont comptés. D’ailleurs Villepin et Parisot, les deux têtes de la « joint venture » gouvernement/MEDEF, n’ont pas caché qu’il fallait aller vers le contrat unique modèle CPE, lequel est tout sauf un contrat puisqu’il n’engage le patron à pratiquement rien, sauf, encore pour l’instant, à payer l’employé, mais au train où vont les choses, ça ne durera pas. S’il est admis, en effet, qu’on peut licencier quelqu’un sans motif, toutes les autres protections légales (en matière d’horaires, de sécurité, etc.) s’effondreront dans la foulée. La seule force du travailleur c’est son travail. S’il peut en être privé sans motif, comment ira-t-il se plaindre des heures supplémentaires non payées, des conditions de sécurité défaillantes, etc..

Depuis quelques jours, les patrons défilent sur les médias pour soutenir leur chargé d’affaires, le sieur Galouzeau. Flexibilité, risque, changement clament-ils sur tous les tons. Eux sont inflexibles pour la défense de leur pouvoir, de leur privilèges et de leurs revenus en hausses continuelles (encore +12% en 2005 pour les PDG du CAC40 et sans compter les « stock options »). Les actionnaires ne doivent prendre aucun risque et sont inflexibles sur le montant du dividende. Le conflit du CPE est révélateur d’une situation d’ensemble. Le capital est à l’offensive et, comme toujours, prêt à dévorer la société tout entière. La richesse sociale n’a cessé d’augmenter, mais l’entièreté de cette augmentation et même bien au-delà tombe dans la poche de la classe dirigeante. Avec une constance et une énergie remarquables, les capitalistes administrent une leçon sévère à leurs valets de plume idéologiques, économistes et journalistes en vue : c’est qui a raison et non les benêts apologistes des splendeurs du marché.

Tout le monde sent la gravité de ce qui est en cause. Et la violence et l’arrogance incroyables avec laquelle la classe dirigeante s’attaque au peuple. Chaque jour un peu plus, les tondeurs de coupons et leurs agents font monter les enchères et ferment la voie à tout compromis, toute négociation. Du mouvement ouvrier et syndical, ils attendent une rédition sans condition. Or, nous le savons, la multiplication des grandes journées de manifestation ne suffira pas. Malgré une mobilisation formidable, Fillon n’a pas reculé sur les retraites. La décentralisation se poursuit dans l’éducation nationale. Avec la nouvelle étape vers la privatisation complète de GDF, la privatisation rampante de la SNCF, tous le secteur public est en voie de disparition. Les suppressions de poste se multiplient dans la Fonction Publique.

Pour gagner face à ce gouvernement, les luttes ne suffisent pas. Il faut une perspective d’ensemble. Une perspective politique sérieuse. Or, c’est là que le bât blesse. Si Galouzeau de Villepin ose ce qu’il ose, c’est 1° parce que le temps presse - il a compris la signification du vote du 29 mai et 2° que justement la victoire populaire du 29 mai a été escamotée, pas par la droite mais tout simplement par la « gauche », par le Parti Socialiste qui s’est réconcilié dans une synthèse qui n’a pas d’autre fin que le partage des places en 2007 et se moque comme d’une guigne des salariés, des chômeurs et de la volonté populaire. Que penser en effet quand le PS oppose au CPE un contrat première embauche auquel il ajoute simplement de la formation ? Que penser sinon que c’est un gadget qui permet, en ressortant une formule éculée, de faire semblant de s’opposer au gouvernement, mais de le soutenir en pratique puisqu’on admet avec lui les prémisses selon lesquels il n’est pas possible d’embaucher directement un jeune en CDI ? Que penser quand on voit une candidate « socialiste » virtuelle, Mme Royal, qui fait l’éloge de la flexibilité de l’emploi pratiquée au Royaume-Uni ? Que penser quand on voit l’inexistence politique de tous ceux qui s’étaient opposés avant le 29 mai à la direction du PS et sont maintenant sagement rentrés dans le rang - peut-être parce que l’on choisira en juin et juillet les investitures pour les législatives de 2007 ?

Le 29 mai, la majorité de notre peuple a condamné sans discussion possible l’orientation européiste de destruction des acquis sociaux, de liquidation des services publics et de mépris de la volonté populaire. La majorité de notre peuple condamne le CPE et la mort programmée du code du travail. Les manifestations du 7 mars montrent que les forces existent pour affronter victorieusement ce gouvernement de menteurs et de tricheurs, uniquement au service de la minorité fortunée qui met le pays en coupe réglée. La seule question est celle de la construction d’une force politique large qui puisse se faire le porteur de ces aspirations. Il ne s’agit pas de soutenir je ne sais quelle candidature de la gauche de la gauche ni de choisir entre l’une ou l’autre des multiples candidatures de témoignage, fort médiatisées et toutes plus radicales les unes que les autres. Il s’agit tout simplement de construire un front de tous ceux qui veulent défendre la République, la souveraineté populaire et l’ensemble des droits qui figurent dans notre constitution : droit au travail, droit à santé, droit à l’éducation, nationalisations.

C’est là tout le sens de la réunion du 25 mars à Paris, à l’initiative des signataires de l’appel « Sauvons la démocratie ». Toute initiative qui ira dans ce sens sera bienvenue. Il n’y a pas de meilleure manière d’apporter son soutien au développement des luttes sociales.

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