Sans vouloir fâcher personne l’idée est totalement ridicule !
En 1956 dans une France grandement politique, Poujade avait juste une idée : accéder au pouvoir suite aux législatives.
En 2018 dans une France en profonde crise politique, les gilets jaunes s’affirment apolitique et je dirai même anti-politique.
Le docte connu pour sa générosité va me répondre aussitôt qu’il est près à accepter cette différence qui ne change rien aux points communs mis en avant.
Caramba ! Mais Monsieur le docte, cette différence est structurelle pour prendre un mot qui vous est cher. Structurelle !
Cette différence conditionne les points que vous jugez communs, comme la lumière conditionne ce que nous voyons !
Prenons le cas de la peur de 1956 qui n’est rien d’autre que la peur des mêmes en 2018 ? Peur d’être déclassé, peur du lendemain etc.
Caramba ! mais il y a peur et peur, comme il y a fidélité et fidélité.
En 1956 la peur c’était celle d’un non-nageur poussé dans une piscine avec des brassards.
En 2018 la peur c’est celle d’un non-nageur poussé dans une piscine sans brassard !
Celui qui réussit à s’en sortir à le droit de vivre et celui qui meurt ne mérite pas mieux !
C’est ce que j’appelle la lutte des classes au sein même de la peur !
Le docte ne bronche pas et après une mine entendue ose la question :
Le facteur brassard par exemple ! En 1956, la politique avait fait en sorte qu’autour du désespoir du poujadiste, il existait encore des repères rassurants par leur solidité et le premier qui me vient à l’esprit c’est le facteur. Vous vous souvenez, il portait des mandats, des lettres, des paquets. Il était connu depuis dix ans et sur sa tournée, à chaque porte, il était de la famille ! Je me souviens d’un facteur des PTT qui, à un moment, avait une forte côte à monter en vélo pour servir son ami, en conséquence il lui suffisait de rentrer, même quand il n’avait pas de courrier, et de s’approcher du verre qui l’attendait à côté d’une bouteille de vin, pour discuter un peu. Il y avait aussi, à l’école, le directeur brassard que tout le monde connaissait depuis quinze ans. Et souvent les amis se disaient : «le temps passe vite !». On les aimait, on ne les aimait pas mais ils étaient là !
Le docte n’a pas envie de pleurer devant tant de nostalgie car la nostalgie est mauvaise conseillère. Quel vieux discours que celui qui dit : on vivait mieux avant !
Caramba ! Mais où trouver la moindre nostalgie quand j’évoque le désespoir des poujadistes ?
Faut-il que je reprenne d’autres éventuelles ressemblances chères au docte pointilliste ? La solitude par exemple ? Pas celle du leader si évidence en 1956 et si absente en 2018 !
Mais posons-nous plutôt cette question plus importante que tout : pourquoi chercher Poujade ou les jacqueries ?
Pour masquer toujours et toujours plus, les réalités d’aujourd’hui, avec des images dégradantes envoyées envers ceux qui ne font que «grogner» ! Depuis des années, mon ami Pierre Ortavent m’a habitué à prendre soin des mots les plus courants qui ne sont que des masques contre lesquels il devient si difficile de lutter tellement ils sont banalisés. Voilà comment les mécontents sont devenus des grognons, le travail est devenu un coût alors que Marx l’a démontré c’est la richesse par excellence.
Tient, justement, un brassard bien connu : la conscience professionnelle ! Mais que peut-elle être, dans un monde où le mensonge n’est plus accidentel mais industriel ?
Je vais me rectifier : la référence à Poujade n’est pas seulement le besoin instinctif et éternel des doctes dominants pour masquer la réalité (ils peuvent être de tous les partis !) mais le témoignage de ce que le premier ministre expliquera le dimanche soir : d’un côté il existe des pauvres ignorants qui continuent une histoire sans lendemain, quand lui, travaille à préparer le monde tout neuf, et tout beau qui nous attend ! Depuis trente ans les autorités développent un effort constant : enfermer les rebelles dans une histoire finie au nom de leur savoir sur le futur génial, sauf que les gilets jaunes les mettent face à face avec leur nouveauté ! De leur côté, les gilets jaunes, dans ce geste imprévu par la machine à sonder, sont aussi face à leurs contradictions. Quand à 6 h 15 du matin j’entends le responsable sur le barrage de Castelsarrasin dire : «ce que nous voulons c’est la dissolution de l’assemblée nationale et la démission du président» j’avais envie de lui demander : mais pour le remplacer par qui ? Les gilets jaunes font l’apprentissage de la révolte qui n’a jamais été une route pavée de bonnes intentions. Mais 68 était une fin de cycle et 2018 est le début d’une nouvelle ère. Pendant la grève des cheminots combien de fois ai-je entendu : « s’ils perdent, alors, comme chez Thatcher, le mouvement syndical sera maté pour longtemps ». Sauf que le peuple est contraint de se réinventer !
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lu sur le blog de Paul Jorion
https://www.pauljorion.com/blog/2018/11/17/gilets-jaunes-le-cauchemar-dun-gouvernement/
"Des manifestants qui affirment manifester pour la première fois.
Ce qui veut dire pas d’organisations qui les représentent et à réunir dans une table-ronde
qui encommisionne celles-ci ad vitam aeternam dans un « groupe de travail ».
Pas de dirigeants.
Ce qui veut dire personne à amadouer par un futur poste de ceci ou cela,
« en vue de résoudre les problèmes ».
C’est-à-dire une jacquerie : le cauchemar d’un gouvernement.