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Démission de Collomb, symptôme et accélérateur de la crise

ou pourquoi « le roi est nu(l) ».

Par Denis Collin • Actualités • Jeudi 04/10/2018 • 0 commentaires  • Lu 3292 fois • Version imprimable


La démission de Collomb n’est pas un « accroc », une péripétie fâcheuse, ainsi que le toujours peu perspicace Thomas Legrand semblait le penser dans sa chronique du 3 octobre sur Macron-Inter (un ministre ou un cadre macronien par jour minimum dans l’émission de Nicolas Demorand). La démission de Collomb est à la fois un symptôme et un accélérateur de la crise au sommet qui a saisi le gouvernement Macron et déroulera maintenant ses effets. Affaire Benalla, démission de Nicolas Hulot, affaire des photos de Saint-Martin et démission de Collomb : la désagrégation de la maison Macron est si nette que la majorité LREM ne sait plus où elle habite, ainsi que le montrent les embrouillamis auxquels ont donné lieu le jeu de chaises musicales provoqué par la démission de Nicolas Hulot et la multiplication des « affaires » plus ou importantes qui touchent des membres éminents de la majorité présidentielle.

Il y a une dimension psychologique dans cette crise. On est en train de s’apercevoir que Macron a revêtu un habit beaucoup trop grand pour lui, qu’il est curieusement très immature et que les quelques beaux discours que lui ont ficelé ses conseillers en communication ne peuvent pas faire longtemps illusion. En dépit des efforts du bureau central de la propagande, Macron ne pèse rien sur l’arène internationale. Trump peut lui faire toutes sortes de papouilles, il se moque comme d’une guigne de ses proclamations, y compris de celles qu’il fait dans la langue des maîtres à chaque fois qu’il en a l’occasion. À l’échelle européenne, il en est de même et face à un Salvini on s’est aperçu qu’il ne pesait pas lourd. Et sur le plan intérieur, c’est chaque jour un peu plus visible : le « président des riches » est faible avec les forts, fort avec les faibles. Un sommet est atteint quand il renvoie un chômeur l’invitant à traverser la rue pour trouver du travail. Diable ! Personne n’y avait pensé auparavant. Le pire est que le reste du personnel LREM est à l’avenant… Les idiots y côtoient les « crétins éduqués » imbus des préjugés du petit monde de la « upper middle class », les parasites sociaux qui se croient indispensables et tous les faux intellectuels prétentieux et incultes dont la presse, pourtant si enthousiaste voici un an, commence à se délecter.

Mais si désormais « le roi est nu(l) », c’est parce que ce pays n’est pas prêt, pas encore du moins, à avaler la potion thatchérienne que veut lui faire ingurgiter la bande à Macron. Les retraités commencent à trouver l’addition salée. Entre le surcoût de la CSG et le gel des pensions face à une inflation qui a repris (encore un succès des « macronomics ») on voit la colère monter chez des gens, dont certains, amoureux de l’ordre, ont voté à droite toute leur vie et qui trouvent cette fois que trop c’est trop. Cette même colère aussi chez des gens de gauche qui ne se laissent plus abuser et sentent bien que le vernis « multi-culturaliste » et « progressiste » n’est qu’une sinistre farce. Les retraités avaient voté massivement pour Macron. Aujourd’hui, ils le détestent. Les professeurs qui ont voté à 33% au premier tour pour le « modéré progressiste » qui leur épargnerait le « dictateur Mélenchon » autant que l’horrible Fillon s’aperçoivent qu’ils ont été bernés et que la récompense de leur coupable macronisme est l’attaque frontale contre l’enseignement et les enseignants.

Le roi est nu(l) parce que sa base sociale s’est effondrée. Ce qu’a bien compris ce vieux notable provincial qu’est Collomb qui sait qu’une élection ne se gagne pas dans le petit monde macronien mais avec les gens « normaux ». Le roi est nu(l) parce que l’affaire Benalla a mis au grand jour les turpitudes du régime et le caractère foncièrement autoritaire du titulaire du poste à l’Élysée. On ne peut s’empêcher de penser à ce qu’écrivait à propos de Louis Bonaparte, « Napoléon le Petit », « Mais la révolution va jusqu'au fond des choses. (…) elle perfectionne le pouvoir exécutif, le réduit à sa plus simple expression, l'isole, dirige contre lui tous les reproches pour pouvoir concentrer sur lui toutes ses forces de destruction, et, quand elle aura accompli la seconde moitié de son travail de préparation, l'Europe sautera de sa place et jubilera : « Bien creusé, vieille taupe ! »

La vieille taupe creuse sous le pas de Macron. Hier toute la presse l’encensait, sur ordre des patrons de presse qui sont une des composantes du gang qui a organisé l’éviction de Fillon et la prise du pouvoir par le jeune banquier. Aujourd’hui, la presse écrite prend ses distances, il faut bien garder des lecteurs ! Seules les chaînes du service public continuent imperturbablement leur œuvre de propagande avec une impudeur digne des régimes totalitaires, sourire et bienveillance macronistes en plus. Les plus de 50 ans font défaut. Une partie des vieux crabes socialistes qui constituent la colonne vertébrale pratique du macronisme commence à prendre la poudre d’escampette. Un commentateur avisé fait remarquer : s’il y avait des législatives aujourd’hui, il y aurait moins de 30 députés LREM. Pas faux. Le pouvoir repose sur une tête d’épingle, le crâne d’œuf de Macron. Et plus rien ne se passe comme prévu. La marche triomphale vers le pouvoir pourrait d’un moment à l’autre se transformer en Bérézina.

Que sortira-t-il de tout cela ? Le meilleur ou le pire. Avec une option sérieuse pour le pire. Encore que le pire ne soit pas pire que ce que nous avons. Marine Le Pen tirera sans doute les marrons du feu et peut-être aussi Nicolas Dupont-Aignan. Le PS et les hamonistes sont condamnés à végéter dans les basses eaux et avec eux le PCF tant que des invertébrés comme Laurent ou Brossat donneront le « la ». Si la France Insoumise cessait ses gamineries, cessait de jouer avec les diverses variétés de mouvements « sociétaux » décomposés, si elle se présentait comme une candidate sérieuse au pouvoir et non comme l’opposition officielle à Sa Majesté, si, mais avec des si, comme on dit… L’ébranlement final pourrait venir du dehors, par la crise économique, par la crise que le gouvernement italien est en train de mettre en route dans la zone euro et dans l’UE, alors tout vacillera. Bien creusé vieille taupe !

Denis Collin, le 4 oct. 18
 
 
 

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