Ça n’empêche pas la presse et la grande majorité des partis du « monde libre » (sic) qu’Israël prétend défendre en massacrant les habitants de Gaza, de se contenter de déplorations plus ou hypocrites. Et si on s’aventure à trouver qu’Israël y va un peu fort, on s’empresse d’ajouter que le Hamas lance des roquettes et que, de toute façon, ce parti intégriste islamiste n’est pas démocratique.
Nous n’avons jamais été des thuriféraires de cet « anti-impérialisme réactionnaire » qui caractérise le Hamas et nous avons toujours condamné cette « gauche » qui voit dans l’islamisme le substitut parfait d’un mouvement révolutionnaire. Pour autant nous refusons cette symétrie entre massacreurs et victimes que pratiquent avec maestria les pacifistes bêlants. Le Hamas est réactionnaire, c’est un fait. Personne ne souhaite aux Palestiniens quand ils seront libérés d’être gouverné par ce parti. Mais le Hamas est chez lui et il défend les siens. Les agresseurs sont le gouvernement du pourri et corrompu Olmert et de ses alliés dont le « travailliste » (de gauche donc, paraît-il!) Barak.
Pour bien se faire comprendre et parce qu’en ces domaines, il est devenu si difficile de dire les choses : un peuple a le droit inconditionnel de se défendre, quel que soit son gouvernement. Cette vieille canaille réactionnaire de Churchill dirigeait la défense de la Grande-Bretagne contre les nazis (et le courage des Anglais à ce moment-là n’est pas pour rien dans la défaite finale d’Hitler), et cela n’ôtait rien à la légitimité de la lutte des Anglais pour leur liberté, y compris sous la direction de Churchill – d’ailleurs, une fois libérés de la menace des bombes nazies les travailleurs anglais ont renvoyé Churchill dans ses foyers et élu un gouvernement de gauche qui a accompli de profondes réformes sociales. Cette méthode politique était tout aussi valable pour la défense de l’URSS contre Hitler, même si Trotsky avait, très justement, qualifié Hitler et Staline d’« étoiles jumelles ». Plus près de nous : le FLN algérien n’était ni un modèle de démocratie, ni un modèle de socialisme (sauf pour les décérébrés de gauche qui sont toujours à courir derrière le sauveur suprême, exotique si possible). Mais le devoir de tout militant était de défendre les nationalistes algériens contre la « pacification » à la Massu-Bigeard qui torturaient au nom de la lutte contre « les assassins du FLN ». Tout rapprochement avec la situation actuelle au Proche-Orient n’aurait rien de fortuit.
Ici et là on s’inquiète de la montée de l’antisémitisme dans certaines franges de la jeunesse. Le danger est réel. Mais ce danger a deux causes :
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La première cause est le déni du droit des Palestiniens qui conduit à redonner des aliments à la haine antisémite. Ajoutons ceci : grâce à l’action du CRIF et d’autres officines de ce type qui prétendent parler au nom des juifs de France (alors qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes), on fait tout pour identifier Juif, Israélien et gouvernement israélien, exactement comme hier on identifiait Juif et usurier rapace. À la différence que cette identification hier était le fait des antisémites et qu’aujourd’hui elle est le fait des sionistes. Première conclusion: le sionisme et l’antisémitisme sont des frères jumeaux1.
Deuxième cause : l’absence de culture politique internationaliste dans toute cette jeunesse qu’on a gavée uniquement avec la bouillie indigeste moralisante et les espoirs fallacieux de l’intégration. Comme les partis « ouvriers » sont en gros aux abonnés absents, que l’analyse des questions internationales en termes de classes sociales est bannie par tous ces beaux messieurs et dames qui s’occupent de l’émancipation de l’individu ou de la personne humaine mais ignorent les classes sociales et l’exploitation, il n’est resté d’autre choix, pour ces jeunes qui refusaient d’être l’objet de la compassion des nouvelles classes bourgeoises, qu’à vomir cet « amour » dégoulinant, à rejeter les mièvreries du « touche pas à mon pote » pour transformer tout cela en haine.
Déplorer l’antisémitisme et tout faire pour que les causes en restent cachées, c’est se conduire en irresponsable ou en agent conscient de l’antisémitisme.
N’ayant jamais été des partisans du jusqu’au-boutisme, refusant de faire la guerre par procuration, nous avons admis que, faute de la meilleure solution (une Palestine laïque et démocratique pour tous les habitants de ce coin de terre), on pouvait au moins exiger que la « communauté internationale » défende sa propre légalité (deux États sur la base des frontières de 1948 et droit au retour pour les Palestiniens). La direction de l’OLP devenue « Autorité Palestinienne » avait cédé sur ces exigences minimales en acceptant un État palestinien sur moins de 22% du territoire. L’offensive contre Gaza a un seul objectif, c’est de balayer définitivement même cette perspective qui représentait déjà une défaite pour le mouvement national palestinien. L’offensive contre Gaza est l’indispensable complément de la politique de TOUS les gouvernements israéliens depuis le début du prétendu « processus de paix », à savoir la poursuite de la colonisation. Aucun État palestinien, même un État palestinien ultra-minimal n’est possible sans l’arrêt de la colonisation et le démantèlement des colonies.
Les dirigeants israéliens, avec à leur tête le corrompu Olmert, se sont lancés dans une opération jusqu’au-boutiste. Ils jouent leur va-tout, notamment parce qu’ils avaient reçu de l’Union Européenne des assurances et qu’ils croient que les USA ne les laisseront pas tomber. Mais c’est de la folie. Sur cette ligne, les Israéliens peuvent gagner militairement. Mais ils auront fait du Hamas le seul représentant authentique des Palestiniens. Et à brève échéance – une ou deux générations – ils auront démographiquement perdu. Et si les choses tournent mal, à long terme les Américains qui ont d’autres cartes et d’autres intérêts dans la région pourraient très bien laisser tomber Israël (Seuls les gauchistes pensent que les États-Unis sont « islamophobes »). Bref la croyance absurde que seule la terreur peut venir à bout des Palestiniens prépare de nouvelles catastrophes. Que nous paieront tous au prix fort.
Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre.
Combien de divisions
Nous reproduisons ici l’article d’Uri Avnery, Combien de Divisions?, publié sur le site Gush Shalom
Dans cette guerre, comme dans toute guerre moderne, la propagande joue un rôle majeur. La disparité entre les forces, entre l’armée israélienne – avec ses avions, ses hélicoptères de combat, ses drones, ses navires de guerre, son artillerie et ses tanks – et les quelques milliers de combattants du Hamas légèrement armés, est peut-être de un à un million. Sur le plan politique, le fossé entre eux est encore plus grand. Mais en termes de propagande de guerre, le fossé est presque infini.
IL Y A PRÈS de soixante dix ans, au cours de la Seconde guerre mondiale, un crime odieux fut commis dans la ville de Léningrad. Pendant plus de mille jours, une bande d’extrémistes appelée "l’Armée rouge" ont pris les millions d’habitants de la ville en otage et provoqué les représailles de la Wehrmacht allemande dans les centres de population à l’intérieur de la ville. Les Allemands n’ont eu d’autre alternative que de bombarder la population et d’imposer un total blocus qui a causé la mort de centaines de milliers de personnes.
Quelque temps avant cela, un crime semblable avait été commis en Angleterre. La bande à Churchill se cachait dans la population londonnienne, utilisant les millions de citoyens comme boucliers humains. Les Allemands ont été obligés d’envoyer leur Luftwaffe et de réduire la ville en ruines. Ils ont appelé cela le Blitz.
C’est la description qui serait faite dans les livres d’histoire aujourd’hui – si les Allemands avaient gagné la guerre.
Absurde ? Pas plus que les descriptions quotidiennes dans nos médias, qui répètent ad nauseam : Les terroristes du Hamas utilisent les habitants de Gaza comme "otages" et exploitent les femmes et les enfants comme "boucliers humains", ils ne nous laissent aucune alternative que de procéder à des bombardements massifs, dans lesquels, à notre grand regret, des milliers de femmes, d’enfants et d’hommes désarmés sont tués et blessés.
DANS CETTE GUERRE, comme dans toute guerre moderne, la propagande joue un rôle majeur. La disparité entre les forces, entre l’armée israélienne – avec ses avions, ses hélicoptères de combat, ses drones, ses navires de guerre, son artillerie et ses tanks – et les quelques milliers de combattants du Hamas légèrement armés, est peut-être de un à un million. Sur le plan politique, le fossé entre eux est encore plus grand. Mais en termes de propagande de guerre, le fossé est presque infini.
Presque tous les médias occidentaux ont au début répété la ligne de propagande officielle israélienne. Ils ont presque entièrement ignoré la version palestinienne de l’histoire, et n’ont fait aucune mention des manifestations quotidiennes du camp de la paix israélien. La raison avancée par le gouvernement israélien ("l’Etat doit défendre les citoyens contre les roquettes Qassam") a été acceptée comme la pure vérité. L’autre version, selon laquelle les lancements de Qassam sont des représailles pour le siège qui affame le million et demi d’habitants de la bande de Gaza, n’a pas du tout été mentionnée.
C’est seulement quand les horribles scènes venant de Gaza ont commencé à être montrées sur les écrans des télévisions occidentales, que l’opinion publique mondiale a commencé à changer.
Certes, les chaînes occidentales et israéliennes n’ont montré qu’une toute petite partie des événements meurtriers qui apparaissent 24 heures sur 24 chaque jour sur la chaîne arabe Al Jazira, mais une photo d’un enfant mort dans les bras de son père terrifié est plus forte qu’un millier de phrases bien structurées du porte-parole de l’armée israélienne. Et c’est ce qui est décisif à la fin.
La guerre, toute guerre, est le royaume des mensonges. Si on en appelle à la propagande ou à la guerre psychologique, tout le monde accepte l’idée qu’on a le droit de mentir pour son pays. Celui qui dit la vérité prend le risque d’être traité de traître.
L’ennui est que c’est pour celui qui la porte lui-même que cette propagande est la plus convaincante . Et après, vous vous convainquez qu’un mensonge est la vérité, vous falsifiez la réalité, et vous ne pouvez plus prendre de décisions rationnelles.
Un exemple de ce processus entoure l’atrocité la plus choquante de cette guerre : le bombardement de l’école de l’ONU Fakhura dans le camp de réfugiés de Jabaliya.
Dès après que l’événement a commencé à être connu dans le monde, l’armée a "révélé" que des combattants du Hamas avaient tiré des obus de mortier depuis l’entrée de l’école. Pour preuve, ils ont fourni une photo aérienne qui montrait en effet l’école et le mortier. Mais peu de temps après, le menteur officiel de l’armée admettait que la photo datait de plus d’un an. En bref : une falsification.
Par la suite, le menteur officiel a déclaré que "nos soldats étaient ciblés de l’intérieur de l’école". Il fallut à peine un jour pour que l’armée soit obligée d’admettre vis-à-vis d’un agent de l’ONU que c’était un mensonge aussi. Personne n’a tiré de l’intérieur de l’école, et aucun combattant du Hamas ne se trouvait dans l’école, qui était pleine de réfugiés terrifiés.
Mais cette reconnaissance n’avait plus vraiment d’impact. Entre temps, les Israéliens avaient été complètement convaincus qu’"ils tiraient de l’intérieur de l’école", et les présentateurs de télévision avaient annoncé cela comme un fait.
Il en va de même pour les autres atrocités. Chaque bébé est transformé, en mourrant, en terroriste du Hamas. Chaque mosquée bombardée devient instantanément une base du Hamas, chaque immeuble d’habitation une cache d’armes, chaque école un poste de commande terroriste, chaque bâtiment du gouvernement civil un "symbole de l’administration Hamas". Ainsi l’armée israélienne garde sa pureté et reste "l’armée la plus morale du monde".
LA VÉRITÉ est que les atrocités sont le résultat direct du plan de guerre. Il reflète la personnalité d’Ehoud Barak – dont le mode de pensée et les actions sont ce que l’on appelle "alinéation morale", un trouble sociopathe.
L’objectif réel (A part gagner des sièges aux prochaines élections) est de mettre fin au gouvernement Hamas dans la bande de Gaza. Dans l’imagination de ses concepteurs, Hamas est un envahisseur qui a pris le contrôle d’un pays étranger. La réalité est bien sûr toute autre.
Le mouvement Hamas a obtenu la majorité dans des élections éminemment démocratiques qui ont eu lieu en Cisjordanie, à Jérusalem-est et dans la bande de Gaza. Il a gagné parce que les Palestiniens étaient arrivés à la conclusion que l’approche pacifique du Fatah n’avait rien obtenu d’Israël – ni gel de la colonisation, ni libération des prisonniers, ni aucun pas en direction de la fin de l’occupation et de la création d’un Etat palestinien. Le Hamas est profondément enraciné dans la population – pas seulement comme mouvement de résistance qui lutte contre l’occupant étranger, comme l’Irgun et le groupe Stern dans le passé – mais aussi comme organisation politique et religieuse qui fournit des services dans les domaines social, éducationnel et médical.
Pour la population, les combattants du Hamas ne sont pas un corps étranger, mais les fils des familles de la bande de Gaza et d’autres régions de Palestine. Ils ne "se cachent pas derrière la population", la population ne les considère que comme ses défenseurs.
Donc, toute l’opération est basée sur de fausse hypothèses. Transformer sa vie en enfer ne conduit pas la population à se soulever contre le Hamas, mais au contraire, à l’unir derrière le Hamas et à renforcer sa détermination à ne pas se rendre. La population de Léningrad ne s’est pas dressée contre Staline, pas plus que les Londoniens ne se sont retournés contre Churchill.
Celui qui donne l’ordre d’une telle guerre avec de telles méthodes dans un territoire si densément peuplé sait qu’il causera des massacres de civils. Apparemment cela ne l’a pas troublé. Ou il a cru qu’"ils changeront de voie" et que "cela engourdira leur conscience" de sorte qu’à l’avenir ils n’oseront plus résister à Israël.
Une autre priorité pour les donneurs d’ordre de la guerre était de réduire au maximum les victimes parmi les soldats, sachant que l’état d’esprit d’une large partie de l’opinion pro-guerre changerait s’il y avait de telles victimes. C’est ce qui est arrivé dans la première et la seconde guerres du Liban.
Cette considération joue un rôle particulièrement important parce que toute la guerre fait partie de la campagne électorale. Ehoud Barak, qui a remonté dans les sondages dans les premiers jours de la guerre, savait que son score chuterait si des images de soldats morts défilaient sur les écrans de TV.
Donc une nouvelle doctrine a été utilisée : pour éviter les pertes parmi nos soldats, tout détruire sur leur passage. Les auteurs de cette idée n’étaient plus seulement prêts à tuer 80 Palestiniens pour sauver un soldat israélien, come c’était le cas, mais 800. L’économie de victimes de notre côté est le commandement premier, qui cause un record du nombre des victimes civiles de l’autre côté.
Cela signifie le choix conscient d’une sorte de guerre particulièrement cruelle – et c’est son talon d’Achille.
Un homme sans imagination, comme Barak (son slogan électoral : "Pas un brave type, mais un leader") ne peut pas imaginer comment les braves gens à travers le monde réagissent aux actions comme l’assassinat de familles entières, la destruction de maisons sur la tête de leurs habitants, les cortèges de garçons et de filles dans leur linceul blanc prêts à être inhumés, les reportages sur les gens qui trouvent la mort au bout de plusieurs jours parce que les ambulances n’ont pas pu arriver à temps, l’assassinat de médecins et d’infirmiers en route pour sauver des vies, l’assassinat de chauffeurs de l’ONU apportant de la nourriture. Les images des hôpitaux, avec la mort, les morts et les blessés étendus ensemble sur le sol par manque de place, ont choqué le monde. Aucun argument n’est assez fort après l’image d’une petite fille blessée gisant sur le sol, se tordant de douleur en criant "Maman ! Maman !"
Les commanditaires de la guerre ont pensé qu’ils arrêteraient la diffusion de ces images en empêchant la couverture de la presse. Les journalistes israéliens, pour notre honte, ont accepté de se contenter des reportages et photos fournis par le porte parole de l’armée, comme si c’était des informations authentiques, alors qu’eux-mêmes restent à des kilomètres du théâtre des événements. D’autre part, les journalistes étrangers n’étaient pas autorisés, jusqu’à ce qu’ils protestent et soient pris, pour des tours rapides dans des groupes sélectionnés et contrôlés. Mais, dans une guerre moderne, un tel point de vue stérile fabriqué ne peut pas complètement exclure les autres – les cameras sont à l’intérieur de la bande de Gaza, au centre du brasier, et ne peuvent pas être contrôlées. Al Jazira diffuse les images au fil des heures et entre dans toutes les maisons.
LA BATAILLE pour l’écran de télévision est une des batailles décisives de la guerre.
Des centaines de millions d’Arabes, de la Mauritanie à l’Irak, plus d’un milliard de musulmans du Nigéria à l’Indonésie voient les images et sont horrifiés. Ceci a un fort impact sur la guerre. Beaucoup de téléspectateurs considèrent les dirigeants d’Egypte, de Jordanie et de l’Autorité palestinienne comme des collaborateurs d’Israël qui commet ces atrocités contre leurs frères palestiniens.
Les services de sécurité des régimes arabes enregistrent une dangereuse tendance parmi les peuples. Hosni Moubarak, le dirigeant arabe le plus exposé parce qu’il est près du passage de Rafah face aux réfugiés terrifiés, a commencé à faire pression sur les décisionnaires de Washington, qui jusqu’à présent ont bloqué tout appel au cessez-le-feu. Ceux-ci commencent à comprendre la menace pour les intérêts vitaux américains dans le monde arabe et ont soudain changé d’attitude. – ce qui a causé la consternation parmi les diplomates israéliens.
Les gens qui sont en état d’aliénation morale ne peuvent pas comprendre les motivations des gens normaux et deviner leur réactions. "Combien de divisions a le Pape" ironisa Staline. "Combien de division ont les gens de conscience ?" pourra demander Ehoud Barak.
Comme c’est en train d’advenir, ils en ont. Pas nombreuses. Pas très rapides de réaction. Pas très fortes et organisées. Mais, à un certain moment, quand les atrocités dépassent les bornes, et que les masses de protestataires se regroupent, cela peut décider d’une guerre.
L’ERREUR de compréhension de la nature du Hamas a conduit à une erreur d’appréciation des résultats. Non seulement Israël est incapable de gagner la guerre, mais Hamas ne peut pas la perdre.
Même si l’armée israélienne parvient à tuer tous les combattants du Hamas jusqu’au dernier, le Hamas gagnerait. Les combattants du Hamas seraient considérés comme les paragons de la nation arabe, les héros du peuple palestinien, les modèles pour l’émulation de tous les jeunes du monde arabe. La Cisjordanie tomberait dans les mains du Hamas comme un fruit mûr, le Fatah disparaîtrait dans un océan d’oubli, les régimes arabes seraient menacés d’effondrement.
Si la guerre prend fin avec le Hamas encore debout, meurtri mais invaincu, face à la puissante machine militaire israélienne, elle ressemblera à une fantastique victoire, une victoire de l’esprit sur la matière.
Ce qui restera dans la conscience du monde sera l’image d’Israël comme un monstre tâché de sang, prêt à tout moment à commette des crimes de guerre et pas prêt à accepter la moindre contrainte morale. Ceci aura de graves conséquences pour notre avenir à long terme, notre place dans le monde, notre chance de parvenir à la paix et à la tranquillité.
Au final, cette guerre est un crime contre nous-mêmes aussi, un crime contre l’Etat d’Israël.
Article écrit en hébreu et en anglais le 10 janvier 2009, publié le 11 sur le site de Gush Shalom – Traduit de l’anglais "How Many Divisions ?" : SW
1Il est devenu courant dans certains milieux de prendre pour cible la soi-disant « haine de soi » que manifesteraient les Juifs anti-sionistes. C’est exactement l’inverse. Ceux qui connaissent un peu l’histoire savent que les Juifs qui ont courageusement su résister à Hitler, les armes à la main, les héros de l’insurrection du ghetto de Varsovie par exemple ou les militants de la MOI en France, étaient justement des adversaires farouches de l’entreprise sioniste de Herzl, qu’ils aient été militants du Bund ou communistes. Inversement, la droite israélienne, le Likoud de Begin, Sharon et Netanyaou vient en ligne directe du parti sioniste de Jabotinsky qui se disait ouvertement fasciste et dont le slogan était dans les années 30: « l’Italie est à Mussolini, l’Allemagne est Hitler, la Palestine sera à nous ».
Michel Warschawski :
Tout comme l’attaque du Liban en 2006, l’agression israelienne s’inscrit dans la guerre globale permanente et preventive des strateges neo-conservateurs en place a Tel Aviv, et pour quelques mois encore, a la Maison Blanche.
Comme son nom l’indique, cette strategie est preventive, et n’a nul besoin de pretextes immediats et tangibles : l’occident democratique serait menace par un ennemi global que l’on a d’abord identifie comme "le terrrorisme international" puis comme "terrorisme islamiste" pour devenir finalement l’Islam tout court. Le "choc des civilisations" de Huntington n’est pas une description de la realite politique internationale, mais le cadre ideologique de la strategie offensive des neo-conservateurs americains et israeliens, telle qu’elle a été elaboree en commun des la seconde moitie des annees quatre-vingt. Dans cette strategie de guerre, la menace islamiste est venue remplacer ce qu’avait été le danger communiste pendant la guerre froide : un ennemi global qui justifie une guerre globale.
Si le bombardement criminel de Gaza jouit en Israel d’un soutien consensuel, si la gauche institutionnelle, et en particulier le parti Meretz, a joint son petit piccolo a l’orchestre guerrier dirige par Ehoud Barak, c’est precisement parce qu’elle partage cette vision du monde qui fait de l’Islam une menace existentielle qu’il faut imperativement neutraliser avant qu’il ne soit trop tard.
Jean Bricmont :
1. Se défaire de l’illusion selon laquelle Israël est « utile ».
Beaucoup de gens, surtout à gauche, continuent à penser qu’Israël n’est qu’un pion dans une stratégie américaine, capitaliste ou impérialiste de contrôle du Moyen-Orient. Rien n’est plus faux. Israël ne sert pratiquement à personne, sauf à ses propres fantasmes de domination. Il n’y a pas de pétrole en Israël ou au Liban. Les guerres dites pour le pétrole, de 1991 et de 2003, ont été menées par les Etats-Unis sans aucune aide israélienne et, en 1991, avec la demande explicite des Etats-Unis de non-intervention israélienne, parce que celle-ci aurait fait s’effondrer leur coalition arabe. Comme « allié stratégique », on peut trouver mieux. Il n’y a aucun doute que les pétro-monarchies pro-occidentales et les régimes arabes « modérés » sont catastrophés de voir Israël occuper sans arrêt les terres palestiniennes et radicaliser ainsi une bonne partie de leurs populations. C’est Israël qui, par ses politiques absurdes, a provoqué la création à la fois du Hezbollah et du Hamas et qui est indirectement responsable d’une bonne partie de la croissance de « l’islamisme radical ».
Il faut aussi comprendre que les capitalistes, pris dans leur ensemble (il n’y a pas que les marchands d’armes...), gagnent beaucoup plus à la paix qu’à la guerre : il n’y a qu’à voir les fortunes réalisées par les capitalistes occidentaux en Chine et au Vietnam depuis que la paix a été faite avec ces pays, par opposition à l’époque de Mao et de la guerre du Vietnam. Les capitalistes se fichent pas mal de savoir de quel « peuple » Jérusalem est la « capitale éternelle » et, si la paix y régnait, ils se précipiteraient en Cisjordanie et à Gaza pour y exploiter une main d’œuvre qualifiée et n’ayant pas beaucoup d’autres moyens de vivre.
Finalement, n’importe quel américain préoccupé de l’influence de son pays dans le monde voit bien que s’aliéner un milliard de musulmans pour satisfaire tous les caprices d’Israël n’est pas exactement un investissement rationnel dans l’avenir .
Ce sont souvent ceux qui se considèrent comme marxistes qui ne veulent voir dans le soutien à Israël qu’une simple émanation de phénomènes généraux comme le capitalisme ou l’impérialisme (Marx lui-même était beaucoup plus nuancé sur la question du réductionnisme économique). Mais ce n’est pas rendre service au peuple palestinien que de maintenir de telles positions — en effet, le système capitaliste, qu’on l’aime ou non, est un système bien trop robuste pour dépendre de façon significative de l’occupation de la Cisjordanie ; ce système se porte d’ailleurs comme un charme en Afrique du Sud depuis le démantèlement de l’Apartheid.