L’origine du conflit est connue : c’est le fait colonial israélien. Quand la prétendue « communauté internationale » (URSS en tête, faut-il le rappeler ?) a organisé le partage de la Palestine, aboutissant à la création de l’État d’Israël, a été validé le mensonge de base du sionisme : la Palestine serait « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Un mensonge que pendant très longtemps les Juifs d’Europe refusèrent jusqu’à ce que l’extermination des Juifs par les nazis semble ne plus laisser d’autre issue. Les grandes puissances coloniales, racistes, souvent très antisémites et que le sort des Juifs d’Europe a longtemps laissées indifférentes, purent ainsi s’acheter une bonne conscience sur le dos des Palestiniens. Bénéfice non secondaire de l’opération : l’État d’Israël devenait une sorte de fortin implanté au cœur de ces territoires arabes riches de pétrole et dont les peuples manifestaient de puissantes aspirations nationales. L’oubli de cette histoire conduit à ne rien comprendre à la situation présente. Quand les sionistes et leurs agents répètent qu’Israël est le seul pays démocratique garant des droits de l’homme dans cette région, ils manifestent une curieuse conception de la démocratie et des droits de l’homme ! Leur démocratie est la démocratie de la race des seigneurs et visiblement les Palestiniens ne sont pas comptés au nombre des hommes jouissants de droits naturels imprescriptibles. Peut-être sont-ils des sous-hommes qu’il faudrait exterminer comme le réclament certains partis israéliens ou leurs émules à l’étranger, telle la LDJ ?
Si on se place du point de vue non plus de la légitimité historique mais du point de vue de la « légalité internationale », Israël aurait dû évacuer depuis longtemps tous les territoires occupés depuis la « guerre des six jours » de 1967, ce qui inclut la Cisjordanie et Gaza. Au contraire, après avoir négocié avec l’Égypte l’évacuation du Sinaï et transformé l’État égyptien en garde-chiourme auxiliaire de l’armée israélienne, le gouvernement israélien n’a eu de cesse de développer la colonisation des territoires conquis. La concession d’une autorité autonome palestinienne à Ramallah loin d’être le point de départ de la reconnaissance d’État palestinien souverain n’a été rien d’autre que l’adaptation locale de la stratégie du bantoustan, appliquée par le régime raciste de l’apartheid en Afrique du Sud. Rapprochement non fortuit : le régime de l’apartheid et le régime Tel-Aviv collaboraient étroitement notamment dans le domaine militaire et policier…
Tous ceux qui vont chantant les sirupeuses tromperies de la « communauté internationale » devraient se contenter d’exiger d’Israël l’application de la résolution 242 de l’ONU, prise le 22 novembre 1967 :
« Le Conseil de sécurité,
Exprimant l'inquiétude que continue de lui causer la grave situation au Proche-Orient,
Soulignant l'inadmissibilité de l'acquisition de territoires par la guerre et la nécessité d'œuvrer pour une paix juste et durable permettant à chaque État de la région de vivre en sécurité,
Soulignant en outre que tous les États Membres, en acceptant la Charte des Nations unies, ont contracté l'engagement d'agir conformément à l'Article 2 de la Charte,
1. Affirme que l'accomplissement des principes de la Charte exige l'instauration d'une paix juste et durable au Proche-Orient qui devrait comprendre l'application des deux principes suivants :
a. Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit ;
b. Fin de toute revendication ou de tout état de belligérance, respect et reconnaissance de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de chaque État de la région et de son droit de vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, à l'abri de menaces ou d'actes de violence ;
2. Affirme d'autre part la nécessité
a. De garantir la liberté de navigation sur les voies d'eau internationales de la région ;
b. De réaliser un juste règlement du problème des réfugiés ;
c. De garantir l'inviolabilité territoriale et l'indépendance politique de chaque État de la région, par des mesures comprenant la création de zones démilitarisées ;
3. Prie le Secrétaire général de désigner un représentant spécial pour se rendre au Proche-Orient afin d'y établir et d'y maintenir des rapports avec les États concernés en vue de favoriser un accord et de seconder les efforts tendant à aboutir à un règlement pacifique et accepté, conformément aux dispositions et aux principes de la présente résolution ;
4. Prie le Secrétaire général de présenter aussitôt que possible au Conseil de sécurité un rapport d'activité sur les efforts du représentant spécial. »
Depuis cette date, l’OLP, principale organisation représentant politiquement le peuple palestinien a renoncé à sa revendication d’un seul État palestinien laïque et démocratique pour admettre la coexistence de deux États. Mais rien n’y a fait : chaque concession, chaque recul des Palestiniens a été interprété comme une preuve de faiblesse par les gouvernements israéliens, quelle que soit leur couleur politique. Leurs puissants soutiens américains ne les ont d’ailleurs jamais laissé tomber, reconnaissant dans la tactique israélienne la copie conforme de l’attitude fourbe et cynique des colons américains face aux nations indiennes, signant un traité de paix pour mieux le violer le lendemain et réduire à presque rien les natifs américains.
Pour camoufler la réalité, on assiste depuis trop longtemps à une opération d’enfumage consistant à assimiler toute critique d’Israël à de l’antisémitisme. Comme on l’a rappelé plus haut, judaïsme et sionisme ne sont nullement équivalents. Pendant très longtemps, la grande masse des Juifs d’Europe refusa le projet sioniste. Le principal parti ouvrier juif, le Bund, était résolument antisioniste. Et c’est pourtant ce parti qui organisa la résistance héroïque des Juifs polonais qui culmina avec l’insurrection du ghetto de Varsovie. Ceux qui assimilent judaïsme et sionisme crachent donc sur la mémoire de ces héros.
Si le projet des kibboutz et les discours socialisants de l’Israël de Ben Gourion ont pu valoir à l’État israélien quelques sympathies du côté des groupes révolutionnaires, on doit aussi rappeler que les partis adversaires du sionisme ont souvent été animés par des militants d’origine juive – qu’on pense aux groupes trotskistes.
Enfin l’assimilation judaïsme/sionisme et donc antisionisme/antisémitisme repose sur la confusion entre le gouvernement israélien, les Israéliens dans leur ensemble – qui ne partagent pas tous, loin de là, la politique d’expansion coloniale – et les Juifs en général. Les Juifs de France – s’il existe quelque chose de ce genre dans une république qui ne reconnaît ni ne salarie aucun culte – ne sont pas des Israéliens et ne sont pas non plus des sionistes tout simplement parce qu’ils vivent en France et n’ont pas émigré en Israël. Il faut remarquer que les défenseurs de Netanyahou partagent au fond les mêmes thèses que les antisémites traditionnels ou les nouveaux antisémites à la Dieudonné-Soral.
Cette situation montre que l’antisionisme d’aujourd’hui n’est pas une politique, mais une réaction ambiguë et incapable de s’opposer réellement à l’entreprise colonialiste.
Soutenir les droits imprescriptibles du peuple palestinien ne signifie nullement devenir un partisan du Hamas. Ce groupe est, comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer il y a pas mal de temps, un parti anti-impérialiste réactionnaire. Soutenu par les monarchies pétrolières arabes, valorisé par Israël, ce groupe a profondément divisé le peuple palestinien. Incapable de s’appuyer sur un mouvement de masse, il pratique une politique militaire de provocation absurde qui donne au gouvernement israélien les prétextes dont il a besoin pour se maintenir. On se dit parfois que si le Hamas n’existait pas, il aurait fallu l’inventer !
En même temps, le Hamas garde son emprise sur la population de Gaza grâce aux bombardements ; Telle est l’étreinte mortelle dans laquelle les peuples de la région sont pris.
Ajoutons que le Hamas a pris de l’ascendant aussi en raison de la profonde corruption de « l’autorité palestinienne » et de l’incapacité de ce qui fut jadis l’OLP à définir une stratégie efficace dès lors que la ligne impulsée par les accords Rabin-Arafat débouchait sur une impasse. Après le refus justifié d’Arafat de signer avec Barak les accords de Camp David, proposés sous l’égide Clinton, et après la deuxième « intifada », le mouvement s’est trouvé dans l’impasse. Une impasse dont il n’est pas sorti.
Pour terminer ce tableau, on remarquera que les bombardements sur Gaza n’ont pas entrainé de soulèvement en Cisjordanie et que les États arabes ont une nouvelle fois montré qu’ils se souciaient du peuple palestinien comme de leur dernière paire de babouches.
Bref, entre un sionisme entièrement transformé une pure entreprise colonialiste (ce qu’il n’a pas toujours été) et un antisionisme impuissant et travaillé par la réaction cléricale islamiste, le sort du peuple palestinien est proprement tragique.
Au-delà de l’indignation et des réactions passionnelles – pas toujours bien mesurées – que pouvons-nous faire ?
Manifester son indignation, évidemment ! Et sur ce point les mesures d’interdictions des manifestations à Paris après les incidents provoqués par des éléments troubles (LDJ ou autres) montrent à la fois que ce gouvernement non seulement n’a aucun rapport avec le socialisme mais même aucun rapport avec ce qui fut la ligne traditionnelle de la France depuis De Gaulle, mais encore qu’il n’hésite pas à bafouer les libertés constitutionnelles fondamentales au nom d’un « ordre public » dont M. Valls s’est fait le grand administrateur.
Manifester mais aussi et surtout contribuer à clarifier les idées, à lutter contre la désinformation, à rappeler les faits, ceux d’aujourd’hui mais ceux d’hier encore plus car ils sont la clé pour comprendre ceux d’aujourd’hui.
Je crois savoir que depuis longue date le problème des territoires occupés, donc des frontières, a été résolu entre les deux parties. Ce qui reste une impasse c'est le statut de Jerusalem, et peut-être aussi celui du retour (des réfugiés). Les extrêmistes du côté arabe n'accepteront jamais la présence d'un Etat juif de type occidental, démocratique ou non. C'est pourquoi je ne vois pas d'issue.