Derrière la déclaration de candidature d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, un fait fort peu commenté et pourtant d’une grande importance vient d’éclater au grand jour. L’explosion du parti socialiste est programmée. Macron évidemment n’a rien de socialiste. Il ne l’est pas plus, pas moins que la plupart des responsables de ce parti, ou de ses membres pour qui le socialisme est rangé aux accessoires de l’histoire. Macron en soi est de peu d’importance et sans doute son annonce fera-t-elle un pschitt aussi retentissant que souhaitable. Mais à y regarder de plus près sa candidature en 2017 dépasse de loin pour ses effets prévisibles l’importance du personnage.
Avec son annonce, c’est le positionnement d’une quarantaine d’élus, de députés, sénateurs ou maires, qui formaient un des socles du PS qui indique une rupture au sein de ce parti. On y compte par exemple Gérard Collomb, le sénateur-maire de Lyon, et parmi les députés Richard Ferrand rapporteur de la loi Macron, ancien soutien de Martine Aubry, Arnaud Leroy, ex-soutien de Montebourg, Christophe Castaner, Stéphane Travert et Corinne Erhel, le sénateur François Patriat. Chez les Radicaux de gauche, le député Alain Tourret. Le 12 juillet dernier, 43 parlementaires se sont affichés à la Mutualité pour le meeting parisien de Macron qui marquait de fait le lancement de son opération. Parmi les soutiens confirmés de Macron, on note[1] encore les élus socialistes Jean-Claude Boulard, sénateur-maire du Mans, Nicole Bricq, élue en Seine et Marne comme Vincent Eblé, Jean-Jacques Filleul d’Indre-et-Loire, Bariza Khiari de Paris, Gérard Miquel du Lot, Jeanny Lorgeoux du Loir-et-Cher, Daniel Percheron du Pas-de-Calais, Daniel Raoul du Maine-et-Loire, Claude Raynal de Haute-Garonne, Yves Rome de l’Oise, Patricia Schillinger du Haut-Rhin, Jean-Pierre Sueur du Loiret, Catherine Tasca des Yvelines et Richard Yung , le sénateur représentant les Français de l'étranger….
En faisant ce choix, ils entérinent la disparition pure et simple en 2017 de tout candidat du parti socialiste. Et derrière sans doute de la plupart des députés dont déjà un bon nombre a décidé de ne pas se représenter. En cascade, ce sont les positions du parti socialiste, notamment les municipalités, qui seront atteintes, voire balayées. Si ce processus va à terme, le Parti socialiste verra signer son arrêt de mort. Car le processus engagé est celui de la scission qui inévitablement en annonce d’autres.
Ce qui déroute le plus, c’est le contenu, la forme de cette explosion annoncée. Il était courant de penser que le parti socialiste exploserait dans l’affrontement entre ses deux courants diamétralement opposés, historiquement ancrés en son sein, courant droitier d’une part, enclin à une adaptation rapide et directe aux impératifs du capital, courant de gauche d’autre part porteur d’une résistance à la liquidation engagée par les premiers. Ce à quoi on assiste n’a rien à voir avec cela. L’éclatement annoncé s’opère entre les deux ailes les plus réactionnaires du parti socialiste. Et pour cause. Le courant dit « de gauche » n’existe plus au sein du PS. C’est cela que sanctionne l’opération Macron. Les pérégrinations des différents frondeurs dans les deux dernières années sur les textes phares du gouvernement Hollande Valls Macron ont démontré l’incapacité de tous ceux qui ont crié très fort dans un premier temps pour se coucher dans un second d’infléchir et « redresser » la ligne du parti socialiste, comme ils en affichaient l’ambition.
Les commentateurs, éditorialistes, politologues, journalistes « spécialisés » sont au niveau de la décomposition politique générale à laquelle on assiste. Ainsi affublent-ils du qualificatif « candidat de gauche » le nouveau venu parmi les prétendants à l’Elysée. Cela n’a évidemment pas de sens. Pas plus d’ailleurs que d’attribuer ces qualificatifs à Hollande, Valls et compagnie. Ce qui devrait permettre d’apprécier la nature politique des hommes et femmes qui se présentent devant les français, ce n’est évidemment pas une étiquette, mais bien une orientation, surtout lorsqu’elle a été mise en pratique durant des années et que les français ont eu le loisir » de tester. C’est aussi leur trajectoire qui doit être prise en compte, permettant de saisir l’évolution. Sur Emmanuel Macron, sa personnalité, son origine, sa pensée, j’écrivais dans « l’Imposteur » en 2015 ces quelques lignes auxquelles je n’ai pas grand-chose à ajouter :
« Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint de l’Elysée qui a la haute main sur l’économie, le social et l’Europe est loué, adulé, admiré par une pléiade de grands patrons. Il rassure par sa seule présence les « inquiets » qui auraient pu prendre au mot le candidat Hollande lorsqu’il déclarait « la finance est mon ennemi ». Car la finance, Macron, l’ancien banquier d’affaires chez Rothschild connaît. A peine introduit dans la banque par Serge Weinberg[2], « socialiste » très proche de François Pinault, il devient banquier associé, conseille Lagardère pour la vente de ses magazines internationaux ou encore la société Atos pour le rachat de Siemens IT, permet via son entregent à la banque d’être de la partie dans le rachat par Nestlé de la division nutrition de Pfizer pour un montant de 9 milliards d’euros. Les qualificatifs ne manquent pas. Macron est « notre relai, notre porte d’entrée auprès du président », que « j’ai vu chez Rothschild », qui va « rassurer tout le monde » se lâche Stéphane Richard, l’ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde[3], PDG de France Télécom Orange[4]. Agé de seulement 34 ans, Emmanuel Macron est l’œil du président sur les dossiers économiques et financiers. Il succède à François Pérol –lui aussi un ancien de chez Rothschild- et Xavier Musca qui remplissaient ses fonctions sous Nicolas Sarkozy. 34 ans et déjà le fonctionnement propre aux politiques. Ses « portraitistes[5] » sont unanimes. Il est « chaleureux », apparemment « décontracté », affiche un sourire « franc et amical », fait croire à l’interlocuteur qu’il est « son meilleur ami et le centre de son attention », s’attire des compliments sans retenu, du camp « adverse » notamment, de son prédécesseur du temps de Sarkozy comme de l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Jean Pierre Jouyet, par ailleurs ami proche de François Hollande, qui facilita le rapprochement entre les deux hommes. Emmanuel Macron connait François Hollande qui lui « apparaissait comme le meilleur candidat capable d’apaiser et de rassembler les français » depuis 2005. Il est un des maitres d’œuvre du projet « hollandien ». Il a coordonné le groupe « d’économistes de la Rotonde[6] », « fait appel à de jeunes technos pour trouver les points de compromis et faire la synthèse[7] ». L’exercice n’est pas une première. Déjà en 2007 il utilisait les mêmes recettes dans la commission de l’ancien conseiller de François Mitterrand, Jacques Attali, célèbre pour les 316 mesures contenues dans le rapport à destination de Nicolas Sarkozy et qui pour les plus importantes sont aujourd’hui mises en œuvre à travers « la compétitivité », « la réduction de la dépense publique », « l’alignement sur les impératifs de Bruxelles », « la réforme des retraites »… En fait, la nomination d’Emmanuel Macron au poste clé qu’il occupe à l’Elysée indique bien l’orientation hollandienne. Entre les deux hommes les rapports comme les points d’accord sont étroits. »
Les amitiés politiques et personnelles de Macron sonnent comme un programme. Une surprise ? Dès le départ les choses sont établies :
« ... Emmanuel Macron participe activement au think tank « En temps réel » aux côtés notamment des banquiers Stéphane Boujnah et François Villeroy de Galhau[8], de patrons comme Philippe Crouzet ou Gilles de Margerie[9], d’hommes et de femmes de médias tels Laurent Joffrin ou Catherine Sueur[10], de représentants d’organisations patronales tel Bernard Spitz le président de la fédération française des sociétés d’assurances, ou encore de personnalités de la deuxième gauche, tels Nicole Notat, l’ancienne patronne de la CFDT ou Jean Pisani Ferry, sans oublier Pascal Lamy, l’ancien directeur général de l’OMC, Jean-François Rischard l’ancien vice-président de la banque mondiale et quelques autres… Parmi ses activités, des « colloques » et des « ateliers ». (…) En temps réel, le think tank d’Emmanuel Macron, s’est d’ailleurs félicité. « A la suite de cet atelier » indique l’association, « le magazine le Point a publié il y a quelques jours une interview de Peter Hartz intitulé « le miracle allemand, c’est lui ! » »…
Lorsque François Hollande a intégré à son équipe à un poste clé le jeune banquier de chez Rothschild, c’est sur cette orientation qu’il l’a fait. Nul n’a alors réagi, fait état d’une rupture avec le socialisme traditionnel, avec la social-démocratie. L’intronisation de Macron annonçait le début de la fin du parti socialiste. Avec sa candidature aux futures présidentielles, c’est la fin qui est là… Les plus optimistes parleront d’une recomposition en vue. La seule possible ne pourra partir que des positions, du programme et laisser de côté les « combinazione » si chères au monde politique qui s’interroge sur sa propre survie. Partir du programme, voilà ce à quoi nous nous employons sur ce site « la sociale » et ce sur quoi nous comptons dans les semaines qui viennent prendre les initiatives qui s’imposent.
[1] Selon le journal La Tribune du 3 mai 2016
[2] Voir « Riches et presque décomplexés » de Jacques Cotta, Editions Arthème Fayard, 2008 ou encore le documentaire « dans le secret du patronat », de jacques Cotta et Pascal Martin, France 2, 2001.
[3] De 2007 à 2009.
[4] Des louanges partagées par le staff proche de Stéphane Richard, dont Bruno Mettling, directeur des ressources humaines du Groupe Orange, que j’ai eu l’occasion de rencontrer à l’occasion d’un colloque « Télécoms du futur, un défi économique et social » le 14 juin 2013.
[5] Voir notamment « Elysée : Emmanuel Macron, l’ex-banquier qui murmure à l’oreille de François Hollande » de Corinne Lhaïk, l’Express, 15 mai 2013.
[6] Du nom de la brasserie, quartier Montparnasse, où ils se réunissaient régulièrement.
[7] L’économiste Philippe Aghion cité par David Bensoussan, Challenge du 4 septembre 2012.
[8] Respectivement Directeur général de Santander Global Banking and Markets France & Benelux et Directeur général délégué du groupe BNP-Paribas.
[9] Respectivement directeur du directoire de Vallourec et directeur général adjoint d’Humanis.
[10] Respectivement directeur de la rédaction du Nouvel Observateur et directrice générale de Radio France.
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