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Le basculement du monde

Par Denis Collin • Débat • Mercredi 11/09/2024 • 0 commentaires  • Lu 130 fois • Version imprimable


 Il est toujours difficile de discerner le moment historique dans lequel nous nous trouvons. Les grands moments où l’histoire infléchit son cours sont souvent très longs et on ne sait que post-festum ce dont il a été question. Entre 284, quand Milan devient la capitale de l’Empire et 472, déposition du dernier empereur d’Occident par Odoacre, l’effondrement de l’Empire prend son temps ! La longueur du temps historique s’accommode mal de notre pulsion frénétique d’accélération. Cependant, il paraît de plus en plus clairement que nous sommes en train de vivre une époque de basculement du monde, qui vient clore six siècles d’expansion européenne, avec toutes les conséquences que cela aura.

Le basculement du monde est d’abord manifeste lorsque l’on regarde les grandes tendances de l’évolution de la richesse des nations. Il s’accompagne évidemment de transformations géopolitiques majeures et enfin c’est à un changement civilisationnel que nous devons nous préparer. La « fin de l’histoire » est terminée. C’est une autre histoire qui commence à s’écrire.

De la richesse des nations

On opposait il n’y a pas si longtemps un Nord riche et développé à un Sud pauvre et peinant à suivre les traces des Occidentaux. Ce temps est clos. L’évolution du PIB des grandes nations est particulièrement frappante. Certes, le PIB est un indicateur très discutable puisqu’il met sur le même plan les valeurs ajoutées dans la spéculation financière et la production de pétrole ou de blé. Évalué en dollar, il reflète les taux de change des monnaies et non la richesse dont disposent les citoyens d’une nation donnée et c’est pourquoi on préférera prendre comme indicateurs les PIB en parité de pouvoir d’achat (PPA).

Voici un tableau parlant donnant le classement des PIB en PPA sur les 20 dernières années (source FMI)

1992

2008

2024

États-Unis

États-Unis

Chine

Japon

Chine

États-Unis

Allemagne

Japon

Inde

Russie

Inde

Japon

Chine

Allemagne

Allemagne

Italie

Russie

Russie

France

Brésil

Indonésie

Inde

France

Brésil

Brésil

Royaume-Uni

France

Royaume-Uni

Italie

Royaume-Uni

Ce n’est évidemment qu’un indicateur. Il faudrait le compléter par d’autres. Le PIB anglais doit beaucoup au rôle de Londres comme place financière, mais le PIB russe doit au pétrole, au gaz aux céréales, etc. Si on parle de l’influence sur les pays qui ne figurent pas dans ce tableau, c’est-à-dire les pays d’Afrique, c’est maintenant la Chine qui mène la danse, avec à un moindre niveau la Russie, mais aussi la Turquie. La puissance est clairement du côté asiatique. Les Européens sont progressivement relégués en bas de tableau. L’Italie en est même sortie. Quand on sait que le premier pays producteur automobile au monde est la Chine, on comprend que le monde a changé. Si les États-Unis restent largement en tête pour les lancements de satellites orbitaux, ils sont suivis par Chine et, plus loin, par l’Inde et la Russie. La Russie est devenue, grâce aux sanctions occidentales, le premier pays exportateur de céréales. Sur le plan technologique, on sait que la Chine a largement rattrapé et même sans doute dépassé les États-Unis tant l’informatique et les télécommunications que dans les biotechnologies. Dans le même temps, elle produit 86 % des terres rares si importantes dans toutes les nouvelles technologies. Tous les indicateurs vont dans le même sens : celui d’un affaissement considérable de la puissance des vieilles puissances impériales et, corrélativement, d’une poussée, pour l’heure irrésistible de certaines de ces puissances du « Sud » qui deviennent dominantes. Ces nouvelles puissances sont capitalistes, même si c’est un capitalisme différent du capitaliste libéral « manchestérien » des siècles passés. Tous ces pays « produisent » massivement des ingénieurs et des docteurs et une classe moyenne aisée a commencé à s’affirmer.

Cartes rebattues

Ce sont pas seulement les nations une par une qui changent de place. C’est un reclassement global sur des nouveaux axes qui s’effectue, là encore avec une marginalisation tendancielle des Occidentaux. L’élément le plus connu de ce réalignement est la création des BRICS qui cherchaient à sortir de la dépendance à l’égard du dollar américain comme moyen de paiement international. Devenus BRICS+ avec l’adhésion de l’Iran, de l’Égypte, des Émirats arabes, de l’Éthiopie, de l’Arabie Saoudite, de l’Algérie et la demande d’adhésion de la Turquie. Les BRICS ont PIB supérieur à la somme USA+UE, deux membres du conseil de sécurité de l’ONU sur cinq, près de la moitié de la population mondiale. Pour l’heure, on ne peut dire que les BRICS forment un bloc face au « bloc occidental ». Leur intégration économique est assez lâche. Mais quelque chose s’esquisse qui bat en brèche la toute-puissance américaine. Certes, les frontières sont encore floues. Un certain nombre de pays membres des BRICS sont aussi membres du G20. La Turquie est à la fois dans l’OTAN et postule pour les BRICS. Mais l’agonie du vieux FMI est commencée et le centre de gravité du monde s’est déplacé.

Jean-François Colosimo propose une interprétation historique audacieuse : il voit le retour des vieux empires défaits au cours des siècles passés. L’Empire du Milieu domine la scène mondiale et, tout en s’appuyant sur une tradition vénérable et en faisant l’éloge du confucianisme, il multiplie les exploits — par exemple, envoyer un engin spatial sur la face cachée de la Lune pour y effectuer des prélèvements. L’Empire ottoman pourrait renaître de ses cendres en suivant la ligne impulsée par le gouvernement turc d’Erdogan qui cherche à prendre la tête d’une informelle coalition des turcophones. La Russie des tsars se réincarne en Poutine. Les Arabes (ceux de la péninsule arabique, pas les « arabisés ») ont maintenant des ambitions régionales avouées et sous le direction de MBS se « modernisent » à grande vitesse tout en mettant au pas les récalcitrants. L’Iran fait renaître les puissants empires perses et se veut lui aussi une puissance régionale… Cette grille de lecture vaut ce qu’elle vaut, c’est-à-dire tout ce que valent les analogies. Mais elle indique bien que nous changeons de monde.

Un nouveau monde de tous les dangers

Certains commentateurs regrettent le bon vieux temps de la « guerre froide » où les deux superpuissances assuraient, tant bien que mal, le maintien de l’ordre mondial, téléphone rouge aidant après la crise des missiles de Cuba en 1961. C’est évidemment une de ces illusions rétrospectives qui nous font si souvent peindre le passé en rose. Pendant la guerre froide, la guerre a continué sans relâche. N’oublions tout de même pas le guerre du Vietnam et ses millions de morts. Ni, avant, la guerre de Corée, ni les multiples conflits qui ont ensanglanté la planète au cours de ce que Costanzo Preve baptisait « troisième guerre mondiale ». Avec la chute de l’URSS et du « socialisme réellement existant », des analystes mal avisés avaient annoncé la fin de l’histoire. C’était seulement une nouvelle phase qui commençait. Avec son cortège de guerres et de massacres. Nous semblons avoir oublié la guerre Irak-Iran, où les puissances occidentales ont soutenu Saddam en lui livrant armes et gaz toxiques, avant de le lâcher, puisqu’il avait perdu, après au moins un million de morts, et d’organiser la première guerre du Golfe menée par une coalition de l’OTAN, comprenant la France mitterrandienne. L’affaire afghane mériterait aussi d’être rappelée. Et bien d’autres encore, la plus importante, sur le sol européen, étant la guerre en ex-Yougoslavie, fomentée par les puissances impérialistes, utilisant massivement la propagande mensongère la plus éhontée, pour finir par le soutien à l’une des pires mafias, celle de l’UCK et de ses maîtres albanais.

Dans ce contexte, la guerre en Ukraine n’est qu’un nouvel épisode du « nouveau désordre mondial ». On peut analyser le conflit en l’isolant de tout son contexte et on trouvera que, décidément, ces Russes sont incorrigibles et continuent de faire prévaloir la doctrine du « glacis » et son corollaire, la « souveraineté limitée » qui avait été invoquée lors de l’invasion de la Tchécoslovaquie (un pays qui n’existe plus aujourd’hui) en 1968. On peut invoquer le dogme de l’intangibilité des frontières, dogme que l’on s’est bien gardé de faire valoir en Yougoslavie, par exemple. On peut aussi voir les choses plus globalement. En dépit de son immense arsenal nucléaire, la Russie est un pays faible : comment maintenir la cohésion de cet immense territoire avec une population de 150 millions d’habitants, vouée à décliner (comme les autres populations du « nord ») ? Les États-Unis misent sur le chaos en Europe pour maintenir leur puissance déclinante et les classes dominantes européennes, complètement américanisées, ne peuvent rien leur refuser. Ils ont tous, depuis 2014, misé sur le chaos en Ukraine, en soutenant un régime corrompu jusqu’à la moelle qui gouverne un territoire agricole immensément riche et contrôlé actuellement par les trois majors du secteur, toutes américaines. Les provocations et les massacres du gouvernement de Kiev contre les russophones du Donbass ont fini par donner les prétextes d’une intervention russe, dont Poutine, non sans raison, dit qu’elle renvoie à une nécessité « existentielle » pour la Russie. Conformément à la stratégie du chaos, élaborée en 1997 par Brzezinski (conseiller du démocrate Carter de 1977 à 1981), il s’agit de chercher un véritable démantèlement de la Russie pour être en meilleure position pour affronter ensuite l’ennemi principal qu’est la Chine. Cette stratégie agressive, poursuivie par « l’État profond », quel que soit le gouvernement, fait des États-Unis un des ennemis de la paix les plus dangereux dans le monde. Bien qu’ils aient perdu à peu près toutes les guerres engagées après 1945, ils sont persuadés que leur suprématie militaire doit être utilisée pendant qu’il est encore temps pour faire que l’Amérique soit « great again ». Il est fort probable que Trump, s’il est élu, n’aura pas une politique fondamentalement différente, même si c’est bien chez les démocrates que se concentrent tous les bellicistes enragés, décidés à propager leur « révolution » à l’extérieur.

Dans ce grand jeu, toutes les nouvelles puissances émergentes vont essayer de jouer leur partition avec des alliances changeantes au fil du temps et selon les opportunités. Ainsi l’Arabie est la concurrente de l’Iran et elle n’a pas hésité à bombarder les rebelles chiites houthis au nord Yémen, faisant au moins 400000 morts, dans l’indifférence générale, notamment de tous les « indignés occidentaux » qui n’intéressent aux victimes que lorsque l’on peut incriminer les Juifs. Dans les conflits endémiques au Kivu, alimentés par le gouvernement ultra-autoritaire du Rwandais Kagamé réélu avec 99,8 % des suffrages, les morts se comptent en millions. Il est vrai qu’il s’agit du contrôle de matières premières stratégiques pour la nouvelle économie de la transition énergétique et les morts ne sont que des Noirs qui n’ont même pas la chance d’être musulmans. Les agressions de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie démontrent que les Ottomans n’ont pas renoncé mettre un point final à la question arménienne.

C’est un monde très instable que nous avons devant nous et, « comme disait le président Mao », « une étincelle peut mettre le feu à la plaine ». Un dérapage en Ukraine par exemple, quand, de toutes parts, on pousse les Ukrainiens à attaquer le territoire russe en profondeur. En version limitée, le feu nucléaire pourrait ravager définitivement l’Europe. Mais on ne peut plus exclure la version apocalyptique et la destruction pure et simple de l’humanité. Les fous et les irresponsables qui écartent ces éventuellement devraient être mis hors d’état de nuire.

Idéologies mortifères

Comme toujours dans l’histoire, les grands et les plus cruels événements se nourrissent d’idéologie. Nous sommes confrontés à deux grandes idéologies à vocation totalitaire qui pourraient d’ailleurs trouver des points d’entente… D’un côté, le post-humanisme qui prépare le dépassement de l’homme dans une apocalypse technologique, et, d’autre part, l’islamisme qui vise la domination totale.

Le post-humanisme est porté les maîtres de la « high tech » états-uniens, comme Google ou Musk. Sous des prétextes plus ou moins délirants (la recherche de l’immortalité, par exemple), ils veulent créer un homme nouveau, fusion de l’homme et des technologies de l’information et de la communication. Informatique + biotechnologies, telle est l’équation gagnante, selon eux. C’est par exemple ce que fait la société Neuralink, propriété de Musk, qui a greffé des dispositifs informatiques sur un cerveau en vue de commander directement des organes mécaniques. C’est aussi ce que font les neurosciences qui cherchent des dispositifs permettant de lire directement les pensées dans le cerveau humain. Il s’agit aussi de développer les mutations contrôlées du génome humain et la possibilité de transformer les corps — on citera ici les recherches des militaires pour limiter le besoin de sommeil, la fabrication des exosquelettes, etc. Dans tous ces domaines, on sait que la Chine est également très avancée. La croissance ravageuse de l’intelligence artificielle s’inscrit aussi dans ces programmes, où il s’agit partout, conformément à la logique du capital d’organiser le « devenir machine des humains » (voir mon ouvrage à paraître Devenir des machines, Max Milo).

Le relais grand public du post-humanisme est le transgenrisme : on peut modifier à volonté, selon ses désirs, la nature de l’humain. Le transgenrisme qui commence à ravager les écoles primaires est encouragé par de puissants lobbies parce qu’il constitue un banc d’essai du posthumanisme. Il a, en outre, l’avantage de ne pas froisser les intégristes musulmans : en Iran et au Pakistan, la transition de genre est remboursée par l’État, puisqu’elle est vue comme un moyen de combattre l’homosexualité…

L’islamisme, une idéologie qui s’appuie sur la prétention à la vérité indiscutable du Coran et de hadiths, est aussi une idéologie conquérante, appuyée sur quelques pays (Iran, Qatar, Afghanistan, Pakistan) et surtout les masses immigrées dans les pays non musulmans, qui vise à organiser la vie et la pensée de l’humanité entière. Utilisant la mauvaise conscience occidentale et les remords typiquement chrétiens, cette idéologie se présente comme celle des « opprimés » (on admirera l’art des conquérants d’hier et d’aujourd’hui à se présenter comme des « victimes »), mais elle s’adapte parfaitement au capitalisme : l’Iran, par exemple, est un pays capitaliste, relativement avancé sur le plan technologique et où on peut faire du business parfaitement « halal ». Le Qatar, capitale officieuse des « Frères musulmans » est un État ultramoderne qui a mis sa richesse au service d’une vaste entreprise de propagande en Europe.

Les jeunes générations des immigrés, ceux qui ont été drogués aux jeux vidéo et au porno sur internet, ceux qui fournissent les soldats du trafic de drogue dès leur plus jeune âge, constituent une couche particulièrement malléable pour la diffusion de l’islamisme.

Le tour de passe-passe des prétendus « gens de gauche » qui considèrent comme racisme la critique de l’islamisme et font de la lutte contre ce racisme prétendu l’alpha et l’oméga de la lutte politique doit être vigoureusement dénoncé. Comme on doit dénoncer le prétendu féminisme qui considère l’oppression des femmes par un musulman comme quelque chose de tout à fait conforme aux critères de la nouvelle « intersectionnalité des luttes ».

Qu’on ne se trompe pas : l’islamisme pourrait fort bien devenir le creuset d’une sorte néo-fascisme inédit, comme il l’est déjà dans les pays qu’il a entièrement soumis. En Europe, l’islamisme a pour cible « l’ouvrier blanc » (Houria Bouteldjah) : on ne saurait être plus clair. En écho, Mélenchon propose de « créoliser » la France pour en finir avec les racistes des campagnes « qui n’ont jamais accepté la république » (sic). À certains égards, LFI pourrait bien être le prototype de ce nouveau fascisme en gestation.

Garder les yeux ouverts

Tous ces changements profonds dans la situation économique, politique et idéologique mondiale sont indissociables d’une marche vers l’abîme qui marque la dynamique globale du mode de production capitaliste. L’accumulation illimitée du capital exige des bouleversements continuels du mode de production et des rapports sociaux. Elle entraîne une rivalité accrue entre les grands groupes capitalistes et les grandes puissances politiques. Elle entraîne également une consommation effrénée des ressources de la planète, laquelle accroîtra les rivalités et les risques de conflits plus ou moins généralisés. Toutes les solutions visant à préserver le mode de production capitaliste sont vouées à reproduire ces maux à plus grande échelle encore.

Si le réchauffement climatique est avéré (et il semble que cela soit le cas), on peut certes discuter la question de savoir si est uniquement anthropique (du à l’activité humaine) ou si d’autres facteurs interviennent (oscillation de l’axe de la Terre, par exemple), mais ces discussions n’ont aucun intérêt puisque le seul facteur sur lequel nous pouvons agir, c’est l’émission de gaz à effet de serre, des gaz fort utiles par ailleurs, tant que l’effet de serre reste dans certaines limites. Mais le réchauffement climatique ne saurait être l’arbre qui cache la forêt, c’est-à-dire cette dynamique globale de destruction de l’humanité qui marque la phase actuelle de l’anthropocène1. Épuisement des sols, bétonnage massif, pollution de l’air et de l’eau, destruction de la biodiversité : tout cela dessine un avenir peu engageant et les « nouveaux », ceux qui naissent après nous, risquent de trouver un asile terrestre nettement moins agréable que le nôtre. Je cite Jean Vioulac : « La question aujourd’hui est celle de l’habitabilité de la Terre ; ce n’est pour l’heure qu’une question, mais c’est la question : une terre à + 4 °C ne pourrait pas abriter plus d’un milliard d’êtres humains. Le problème aujourd’hui est celui de l’incompatibilité entre le mode de vie de l’espèce humaine et les conditions qui ont rendu ce mode de vie possible : l’histoire de la civilisation, inaugurée au néolithique, est directement liée au climat exceptionnellement favorable qui caractérise l’Holocène, la crise contemporaine est celle des conditions de possibilité de l’histoire comme telle. » (Vioulac, Jean. Métaphysique de l’Anthropocène, 2 : Raison et destruction, pp. 15-16). Et encore Michel Serres qui écrivait en 1971 : « Un philosophe à l’écoute des sciences entend, aujourd’hui, parmi l’information technique, une parole de mort. La mort de notre monde et de l’espèce humaine. Cette mort prévisible et en mouvement, cette mort à vaincre, vite. » (voir Hermes III)

Si on veut éviter la catastrophe, un catastrophisme éclairé est nécessaire. Et ce catastrophisme éclairé nous oblige à réviser radicalement nos conceptions anciennes. Nous ne devons plus attendre la solution des problèmes de l’humanité de la « croissance illimitée des forces productives », puisque nous devrons sélectionner avec rigueur les progrès qui peuvent être poursuivis et ceux qui ne le peuvent pas, et même les endroits où il va falloir faire demi-tour (voir, par exemple, Philippe Bihouix, L’âge des « low tech »). Il est urgent de « démondialiser » et de relocaliser, d’apprendre à économiser nos forces et nos ressources, de cesser de croire qu’à tout problème, il y a une solution technique et que les deux seuls moyens que nous avons de déterminer ce que nous devons faire sont la poursuite de la justice sociale et la démocratie de bas en haut, comme nous l’expliquions déjà dans le Manifeste de de 2016.

Pour paraphraser Camus, notre tâche n’est pas tant de « changer le monde » que de le préserver. De comprendre clairement quelles limites nous pouvons et devons nous fixer dans l’usage du monde, de déterminer ce qui ne peut être à notre disposition. Nous n’avons plus beaucoup de temps devant nous et cela concerne toutes les générations, même les plus vieux qui pourraient très bien ne pas mourir avant l’aggravation de la catastrophe.

Le 6 août 2024

1 Ce concept est très discutable — cf. Collin, J. F., À l’abri de l’anthropocène, le capitalisme saccage le monde, Le Bord de l’eau, 2003). Mais il a l’avantage de ne pas séparer la protection de la nature de la dynamique historique suivie depuis la « révolution industrielle ».

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