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Les peuples, l’impératrice et les roitelets

Lettre helvète: Après le Brexit

Par Gabriel Galice • Internationale • Jeudi 30/06/2016 • 1 commentaire  • Lu 3356 fois • Version imprimable


Les éructations des Quatremer et autres kapos de l’empire n’y changeront rien : une fois encore, un peuple dit NON à cette Europe-là. Les « salauds de pauvres », les « vieillards » et autres « ignares » se rebellent contre le désordre néolibéral (néo-capitaliste serait plus rigoureux) sous pavillon étasunien, dont l’UE est une variante. Les discours sur « les jeunes britanniques  pro-européens » omettent que 64% des 18-24 ans et 42% des 25-34 ans se sont abstenus, ce qui ramène les partisans effectifs du IN, pour chaque groupe d’âges, à 26% et 36% http://www.les-crises.fr/brexit-l-arnaque-du-vote-des-jeunes Dans The Guardian, John Harris rencontre ce peuple de Collyhurst, que l’éligarchie pense comme une populace fourvoyée par des populistes : « If you’ve got money, you vote in, if you havn’t got money, you vote out. » http://www.theguardian.com/politics/commentisfree/2016/jun/24/divided-britain-brexit-money-class-inequality-westminster Un peu de matérialisme remet les idées en place. Le parti travailliste laisse apparaître un double clivage : entre les élus et les militants et, au sein des militants, entre composante populaire et néo-bourgeoisie surreprésentée. http://www.theguardian.com/politics/2016/jan/20/labours-new-members-mostly-wealthy-city-dwellers-leaked-report Une partie des milieux populaires s’est, ici comme ailleurs, refugiée dans l’abstention ou dans le UK Independence Party puisque les partis ouviers les ont abandonnés. Pour ne pas être aussi flou que nos détracteurs, précisons que le mot « Peuple » avec majuscule désigne le peuple politique, le Peuple-Nation, tandis que le « peuple » désigne l’ensemble des couches populaires, éligarchie exclue.

Les bobos de l’UE, les yuppies (Young Urban Professional), se congratulent ou se consolent à travers ce modèle qui leur va comme un gant. Même Obama s’en est mêlé, soulignant à l’envi la double allégeance du Royaume-Uni et de l’UE à l’hégémonie étasunienne.

Sans trop d’égards pour l’article 50 du Traité de Lisbonne stipulant que les Etats signifient leur retrait, les agités eurocrates pressent le Royaume-Uni de signifier son départ.

Angela Merkel monte au créneau pour « convoquer » ses vassaux français et italiens, le Polonais Tusk, Président du Conseil européen, apportant un semblant de légitimité à l’impérial mandement. Le roitelet Hollande hoquette qu’il faut réformer l’Europe. Il l’avait déjà dit au moment de son élection, avant de nous faire avaler les grosses couleuvres de stabilisation financière et budgétaire présentées par l’impératrice Merkel, fidèle à son sacro-saint ordo-libéralisme, puis le projet de loi Khomry, impulsé par Bruxelles. Sur les quotas d’immigrés, Hollande fait le fier-à-bras, sur les questions économiques, il obtempère. Dans son livre, L’Europe truquée, Claude Bourdet nous avait mis en garde, en 1977 déjà, contre le projet de domination germano-américaine.

Un peu d’histoire encore. Dans son journal, Kurt Riezler, conseiller du Chancelier Bethmann-Hollweg, écrivait le 18 avril 1915 : « Hier longuement déjeuné avec le Chancelier pour lui exposer ma nouvelle Europe, c’est-à-dire le camouflage de notre volonté de puissance. L’Empire centre-européen de la nation allemande... le système des imbrications, de règle dans les sociétés anonymes : l’Empire allemand, une SA dont la Prusse est l’actionnaire majoritaire ; (…) C’est pourquoi il faut une confédération d’Etats autour de l’Empire allemand…On n’a même pas besoin de parler d’annexion à la puissance centrale. L’idée européenne, si on la conduit jusqu’au bout, conduit à un tel résultat. » Bien vu, Kurt ! Évidemment, tous les Allemands ne furent ni ne sont impérialistes, ni même satisfaits du rôle d’impérialisme-relais. Le regretté Egon Bahr, l’artisan de l’Ostpolitik auprès de Willy Brandt, écrivait en 1998, dans son livre Deutsche Interessen : « Ce n’est pas d’un antiaméricanisme sot dont il est question, mais des sentiments non-américains de l’humanité qui n’est pas américaine, non de menées contre l’Amérique, mais de l’affirmation de conceptions propres faces à l’Amérique. » http://www.atlantico.fr/decryptage/schuman-monnet-fondateurs-europe-cia-circus-politicus-christophe-deloire-christophe-dubois-283741.html

On nous vend le vent de la « position de gauche » (France, Italie) qui résisterait à la posture allemande, complaisante par principe aux conservateurs britanniques pressés d’attendre la mise en œuvre du Brexit. La position « progressiste » serait fédéraliste tandis que la posture germano-britannique serait bornée au marché. Ce trompe-l’œil dissimule la connivence sur le traité transatlantique, l’OTAN, les relations avec la Russie et autres alignements majeurs.

Les Eurocrates n’ont de cesse de vouloir nous faire prendre l’UE pour les Etats-Unis d’Europe rêvés par Victor Hugo, tout comme les communistes staliniens voulaient faire passer le socialisme réellement existant pour le communisme espéré par ou les libéraux le néo-capitalisme actuel pour une prophétie d’Adam Smith.

La seule et vraie question à débattre n’est pas pour ou contre l’Europe mais QUELLE EUROPE ? POUR QUI ? Accessoirement : comment ? Avec qui ?


Gabriel GALICE

Dernière publication: Lettres helvètes dont les lecteurs de "" ont parfois eu la primeure

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Commentaires

Oui, ce sont bien les bulletins de vote de la ceinture ouvrière du Nord de l’Angleterre et du Pays de Galles qui ont emporté la décision. par Anonyme le Dimanche 03/07/2016 à 20:55

Les Britanniques ont donc décidé de quitter l’Union européenne. L’événement est d’une telle portée historique qu’on n’a pas fini d’en mesurer les conséquences et d’en analyser les causes.

Sur ce sujet, on peut s’attendre à un déversement d’analyses méprisantes sur le rôle de la xénophobie dans l’histoire et dans les esprits anglais. C’est le rejet de "l’ouvrier polonais" qui aurait conduit les classes populaires forcément obtuses - à la différence des élites financiarisées londoniennes si ouvertes à tous les exotismes - qui a fait basculer ce scrutin vers le "leave".

Oui, ce sont bien les bulletins de vote de la ceinture ouvrière du Nord de l’Angleterre et du Pays de Galles qui ont emporté la décision. Et les arguments de prospérité économique apportés par l’Union européenne n’y ont pas pesé assez lourd, comme l’atteste le vote majoritaire des ouvriers de l’usine modèle de Nissan à Sunderland pour le Brexit, alors que les automobiles produites à cet endroit sont presque toutes exportées vers le continent !

Et oui encore, la présence importante de travailleurs immigrés, souvent européens, a été un point dur de la campagne référendaire. Mais pour une raison qu’il importe d’éclairer : les travailleurs polonais, roumains, et autres soit environ trois millions de personnes, venus librement des pays intégrés à l’Union européenne ont été vécu par leurs collègues britanniques comme des concurrents déloyaux, dont la présence dans le pays a un effet massif de contrôle des salaires.

Il suffit de rappeler que le Smic anglais est tellement bas que le premier ministre David Cameron, juste avant de convoquer le référendum, a décidé en 2016 une hausse de 40% sur cinq ans. La faiblesse de la protection légale ou conventionnelle des travailleurs britanniques a fait le reste. Pour nombre de chômeurs anglais, le couple "contrat de travail zéro heure/ travailleur immigré" est juste une machine infernale destinée à les plonger ou les maintenir dans la misère. Du coup la liberté d’installation (une des "quatre grandes libertés" de l’Union européenne) apparaît comme le moyen pour les élites, qui elles bénéficient des bienfaits de la globalisation (60% des votants pour le remain à Londres), de refouler les classes populaires dans leurs ghettos sociaux.(...)

http://www.marianne.net/probleme-europe-c-est-peuple-100243883.html

***** Valls défie Bruxelles sur le statut des travailleurs détachés

Le Premier ministre a indiqué que la France pourrait ne plus appliquer la directive pour protester contre le dumping social dans l'espace communautaire. (...)

"Insupportable"

«Si ce n’est pas possible de convaincre, il faudra revenir là-dessus», a encore affirmé M. Valls, fustigeant un «dispositif européen qui fait des ravages majeurs, terribles, dans le monde des salariés, le monde ouvrier».

Les travailleurs détachés «ne payent pas (...) les mêmes cotisations sociales» que les salariés des pays où ils travaillent temporairement. «Ce point-là, ça ne peut plus durer (...) le dumping social est insupportable», a martelé le chef du gouvernement.(...)

http://www.lepoint.fr/europe/valls-defie-bruxelles-sur-le-statut-des-travailleurs-detaches-03-07-2016-2051583_2626.php



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