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De la crise sociale à la crise politique...

Par Jacques Cotta • Actualités • Samedi 15/03/2008 • 0 commentaires  • Lu 2181 fois • Version imprimable


Avant même le second tour des élections, les ingrédients d’une double crise, politique et sociale, sont exposés au grand jour. Bien évidemment, il y a de fortes chances que tous les camps se déclarent satisfaits au soir du second tour. L’UMP trouvera bien quelques résultats à mettre en exergue pour expliquer que seul un rééquilibrage, comme il est coutume dans ce genre d’élection, a eu lieu. Ses représentants noteront le rôle néfaste du Modem, responsable de ses défaites, et le succès de certains de ses ministres qui permet de récuser l’explication du vote sanction annoncé par la gauche. Au parti socialiste, on se félicitera de gains importants. Et si à droite on refusera de constater un vote en rapport avec la politique mise en place par le président Sarkozy, à gauche on restera aveugle face à l’abstention massive des quartiers populaires... Le principal, se montrer heureux, satisfait, et nier l’évidence. Que la fête continue !

Les sondages méritent la plus grande prudence. Trop souvent ils ont pronostiqué l’inverse des résultats obtenus dans les urnes. Pourtant, il en est un passé globalement sous silence qui semble bien coller à la réalité.

Selon l’institut BVA, plus de 6 français sur 10 veulent que le gouvernement change sa politique au lendemain des municipales. 34% seulement se disent satisfaits. Une information à mettre en rapport avec la côte du président Nicolas Sarkozy. A en croire ces chiffres en effet, les frasques du locataire de l’Elysée, exposition de sa vie privée, vacances de milliardaire, déclarations intempestives à répétition, ne seraient pas seules responsables de son effondrement dans l’opinion, mais sa politique, contrairement à la version officielle, expliquerait bien le rejet dont il est victime.

Plus, dans le détail, les chiffres indiquent que si 86% des sympathisants du parti socialiste, ce qui est assez peu surprenant, sont favorable à une autre politique, 70% des votants Modem ont la même position. La politique gouvernementale mécontente même un électeur UMP sur 4, soit 25% des sympathisants du parti présidentiel. C’est donc dans les effets de cette politique qu’il faut chercher explication. En constatant que décidemment, elle n’épargne pas grand monde. 

De la santé, des retraites, de l’économie, des institutions... C’est dans ce contexte que le président Sarkozy, et à sa suite son premier ministre et quelques autres, a déclaré qu’il poursuivra, ne changera rien, et intensifiera même sa politique. Parmi les pistes tracées, sur lesquelles il a donc décidé de s’engager un peu plus comme si de rien n’était, et même d’accélérer, se trouvent entre autre la santé, les retraites, l’économie, ou les institutions.

Pour ce qui est des institutions ou de l’économie, nous sommes déjà intervenu à plusieurs reprises sur ce nos sites, « info impartiale » ou «  ». Voir
En finir avec la cinquième république
Hirsch,  Sarkozy, Royal et les pauvres

entre autre.

Pour ce qui est spécifiquement de la question des retraites, après la remise en cause des régimes spéciaux, la porte est ouverte pour le gouvernement pour s’attaquer, comme il l’a annoncé, au véritable régime spécial qui se trouve dans le collimateur, à savoir le régime des salariés. La volonté de passer à 41 annuités, puis à 42 et 43 pour prétendre à une pension complète, l’allongement de la durée du travail, est un leitmotiv, une constante de la politique sarkozienne sur laquelle d’ailleurs la direction socialiste n’a pas émis d’opposition de fond. Les seules critiques des responsables du PS n’ont en effet porté que sur la forme usée par le gouvernement, jugée trop brutale pour faire passer la réforme.

Etant établi que la durée moyenne de travail des salariés en France est de 37,5 années, 38 au maximum avant de se retrouver sur la touche, la réforme de Nicolas Sarkozy ne visera qu’à amputer les pensions versées, à diminuer les retraites, donc à créer de nouvelles couches de pauvres, comme l’ont d’ailleurs souligné les milliers de retraités qui ont manifesté durant cette période d’élections municipales. Alors que le départ à la retraite est sans constamment reculé par les mesures gouvernementales conformes aux directives européennes, on assiste à une véritable explosion des pathologies dues à la pression au travail. Les salariés sont de plus en plus nombreux dés la cinquantaine, « brisés » par les conditions qui se sont installées dans les entreprises, à ne plus pouvoir reprendre le travail. On comprend pour cette question la volonté partagée de vouloir changer ce politique.

 

> Pour la santé enfin, les plans gouvernementaux sont déjà bien engagés avec le déremboursement massif de médicaments et les franchises sur les soins entrées en application le 1er janvier 2008. Le but avoué est « de responsabiliser les malades », donc les cancéreux, les dialysés, les diabétiques et les accidentés du travail. C’est une attaque sans précédent contre l’accès aux soins qui est déjà bien engagée et qui devrait être amplifiée. Car d’ores et déjà, le principe des franchises qui consiste en une retenue de 50 centimes d’euros sur chaque boîte de médicaments, sur chaque acte infirmier ou de kinésithérapie, sur chaque prise de sang, et une retenue de 2 euros sur chaque transport sanitaire, à concurrence de 50 euros par an, pour l’instant, (en supplément des forfaits de 50 euros par an sur les consultations médicales, déjà en vigueur depuis la réforme Douste-Blazy de 2005), constitue une mise à mal du système d’assurance maladie hérité du pacte de 1945.

 

Selon le ministère de la santé, les pauvres ne paieraient pas la franchise, cela au nom de « l’équité », celle-ci étant réservée aux bourses aisées. En réalité, les seuls exemptés, hormis les femmes en enceintes et les enfants, sont les personnes qui survivent avec moins de 610 euros. Comme le seuil de pauvreté en France est fixé à 817 euros par mois, on voit bien que les pauvres sont des millions à devoir s’acquitter des franchises médicales. Comme souvent ils ne le peuvent pas, ils sont simplement exclus des soins.

 

Personnes âgées, invalides, atteintes d’affections de longue durée, mais aussi de plus en plus de personnes et de familles à faibles revenus qui ne peuvent déjà plus faire face aux dépenses de santé et ne se soignent plus qu’en repoussant à plus tard leurs démarches de soins, sont mis sur la touche de la santé. Avec l’amplification que le Président annonce, la situation va évidemment empirer. Là aussi, on comprend les raisons pour lesquelles l’immense majorité veut en finir avec cette politique !

 

... En passant par le logement, la crise sociale.

 

Dans ce contexte, la période ramène sur le devant de la scène la question du logement. Les expulsions interdites du 1er Novembre au 15 mars vont donc reprendre avec l’arrivée du « beau temps ». En prés de 10 ans, le nombre d’expulsions effectuées avec concours de la police a doublé.

 

La Fondation Abbé Pierre dénonce une « dérive répressive de la part de l’Etat », expliquant qu’en près de dix ans le nombre d’expulsions effectuées avec le concours de la police a doublé. Selon les chiffres disponibles auprès du ministère de la justice, en 2006, le nombre de décisions de justice prononçant un jugement d’expulsion atteignait 102.967 cas. Les huissiers ont délivré plus de 47.500 « commandements à quitter les lieux », dénommés, encore récemment, « obligation de déguerpir ». La Fondation de l’abbé Pierre dénonce « les pressions de propriétaires, d’huissiers ou de certains avocats pour congédier un ménage, par l’utilisation de diverses menaces parfois illégales ». Si elle manque d’interlocuteur, La fondation Abbé Pierre pourra toujours s’adresser à Martin Hirsch, ancien responsable de la dite fondation, aujourd’hui haut commissaire du gouvernement, nommé par Nicolas Sarkozy au nom de l’ouverture, comme les ministres Bernard Kouchner, Fadela Amara, Eric Besson, ou Jean Pierre Jouyet.

 

Pour procéder aux expulsions, les préfets ont accordé le concours de la force publique pour 25.144 ménages en 2006, soit deux dossiers sur trois (64,9%). Une majorité des ménages quitte le domicile peu de temps avant l’arrivée des représentants de l’ordre afin d’échapper au sentiment de honte devant leurs proches, mais ce sont encore 10.719 situations qui ont effectivement donné lieu à intervention. Les chiffres 2006 montrent donc une augmentation des expulsions ’manu militari’, qui ont doublé depuis 1998.

 

Selon la Fondation Abbé Pierre toujours, « nous assistons manifestement à une dérive répressive de la part de l’Etat, un positionnement confirmé par des circulaires ministérielles invitant les préfets à se montrer plus fermes, sans tenir compte du grave contexte de crise économique et immobilière et de la fragilisation des ménages modestes ».

 

A Paris, mais aussi dans les grandes villes en général, fait nouveau, l’expulsion touche de plus en plus les classes moyennes. La part du budget de ces ménages consacré au logement représente désormais de 35 à 50%. Elle ne leur permet plus, dès lors qu’un incident survient, de payer l’intégralité du loyer et des charges...

 

Tous les ingrédients de la politique sarkozyste tendent vers l’organisation de grands désordres, inévitables dés lors que la réalité vécue pour des millions d’individus, de plus en plus nombreux, ne peuvent plus assurer le quotidien, vivre décemment... La crise sociale est inévitable. Seule les dates sont imprévisibles, ou les évènements précis qui donneront lieu à de puissants soubresauts. Mais tout concourt à ce qu’en bas, alors que la majorité n’en peut plus, les réactions se manifestent au grand jour, malgré les obstacles dont en premier lieu la complicité objective entre la direction socialiste et le locataire de l’Elysée.

 

De la crise sociale à la crise politique

 

Dans ce contexte, les élections municipales, première échéance électorale depuis l’entrée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, indiquent de façon déformée cette crise latente que nul ne parvient à juguler. Un des premiers effets de la crise sociale est de provoquer en haut, au sommet de l’état et des appareils, une crise politique de plus en plus difficile à étouffer.

 

La politique du parti socialiste, même si par rejet de la majorité ce parti engrange quelques victoires, est incapable de mobiliser les couches populaires pour la seule raison qu’il apparaît de plus en plus clairement que sur l’essentiel, les retraites, la santé, le logement, le travail, le salaire, les différences sont de fait minimes avec la politique de l’UMP. La question européenne, le vote au congrès avec l’UMP pour interdire au peuple de se centraliser et de dire Non au traité de Lisbonne a incarné un soutien direct et visible à Nicolas Sarkozy sur l’essentiel, la possibilité d’appliquer la politique européiste qui s’attaque aux acquis et moyens de subsistance des salariés, employés, retraités, etc...

 

La crise politique se nourrit de ce contexte au plus haut niveau de l’Etat. Les péripéties au sein de l’UMP en sont une flagrante illustration.

 

> Dans un premier temps, Patrick Devedjian est mis en cause violemment par Patrick Balkany et sa femme pour « la mauvaise campagne de l’UMP aux municipales ». Outre que le couple perpétue un fonctionnement propre aux Hauts-de-Seine, département d’origine de Nicolas Sarkozy, où tous les coups tordus semblent autorisés -les affrontements à Neuilly auront marqué la campagne- dans le seul but de permettre à Isabelle Balkany de s’emparer de la présidence du conseil général de ce département, la mise en cause du président de l’UMP semble un raccourci utile pour expliquer les difficultés politiques de ce mouvement, liées à sa politique et au président de la république.

 

> Les mots volent bas et indiquent le niveau de « fraternité » et « d’amitié » qui habite l’équipe au pouvoir. « Patrick Balkany est irresponsable (...). Il patauge depuis 20 ans dans le même marécage à Clichy. Il est mal placé pour donner des leçons » a rétorqué Devedjian. Mais en désignant le marécage des Hauts-de-Seine, le responsable de l’UMP désigne, sans le vouloir sans doute, celui qui en fut le patron avant d’arriver aux plus hautes fonctions.

 

> Le patron justement. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, est sorti de sa réserve entre les deux tours des municipales, en déplacement à Toulon, et a indiqué qu’ « il appartiendra à chaque responsable politique de tirer les leçons » des résultats. Une façon d’abonder dans le sens des Balkany et de trouver une explication utile à des résultats électoraux médiocres.

 

> Du coup Balkany remet ça en utilisant les propositions d’accord faites par l’UMP au Modem pour le deuxième tour. En gros, « une capitulation » ! Réponse immédiate de Devedjian qui monte d’un cran et qui implique le président de la république, d’autant plus que ce dernier a aussi condamné les propositions faites à François Bayrou par la direction de l’UMP. « Qui peut imaginer que la stratégie de l’UMP sur la campagne ait été élaborée indépendamment du président de la République ? », s’est défendu le président de l’UMP. Un cadre du « parti du président » précise d’ailleurs que « toute cette stratégie a été validée par l’ensemble de la hiérarchie » avant qu’un autre ajoute : « j’ai vu moi-même François Fillon en faire la pédagogie au dernier Bureau politique (mardi 12 mars) ».

 

> Enfin la cacophonie générale va bon train, les personnalités ou ministres, xavier Bertrand ou Françoise de Panafieu par exemple, en appelant pour sauver leur poste ou leur mairie devant des centaines de militants aux responsables du Modem, pendant que d’autres s’évertuaient à gommer le caractère national de l’élection bien que quelques semaines auparavant encore, le président de la république en attendait un plébiscite.

 

La crise politique qui s’annonce et dont les soubresauts au sein de l’UMP ne sont qu’une expression trouve sa source dans les difficultés du président de la république et de son gouvernement à affronter sur leur politique les employés, salariés, jeunes, retraités, ouvriers....

 

Le soutien dont il bénéficie de la part de la direction socialiste qui au nom des institutions lui reconnaît la durée lui permet de faire peser de grands risques sur les fondements même de notre pacte social.

Depuis son élection, Nicolas Sarkozy a bafoué les principes même de notre république :

 

  • La séparation des pouvoirs
  • La laïcité
  • Le caractère souverain du référendum
  • L’indépendance de la justice
  • L’indépendance de la presse
...

 

C’est bien l’ensemble du pacte social issu des soixante dernières années qui est aujourd’hui remis en question...

 

Jacques Cotta

Jacques COTTA

 

 

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