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L'oncle Sam sauve l'oncle Picsou

en prenant l'argent dans la poche des pauvres...

Par Denis Collin • Internationale • Samedi 20/09/2008 • 3 commentaires  • Lu 3307 fois • Version imprimable


Après une semaine à broyer du noir, les marchés ont retrouvés leur optimisme insoucieux. Le gouvernement des USA, suivi par la très indépendante BCE (indépendante des citoyens, ça c'est sûr!) injecte des sommes colossales pour sauver le système bancaire qui pourrait s'effondrer brutalement en faisant plus de bruits et de morts que l'effondrement des tours jumelles... En annonçant qu'il reprenait toutes les créances "toxiques", la Maison Blanche envoie au diable tous les dogmes libéraux. Les doctrinaires du "libéralisme", toute cette clique d'économistes à gages, d'ânes bâtés impénitents qui officient sur les ondes et dans la presse du capital, gardent le silence ou bafouillent, ou se réjouissent brutalement, sans le moindre souci de cohérence. Eux qui dénoncent à tour de bras l'interventionnisme étatique quand il s'agit de garanties contre les licenciements applaudissent à tout rompre la décision américaine, car il ne s'agit pas de sauver des travailleurs sans importance payés avec de misérables salaires, non il s'agit de sauver leurs très chers marchés, les capitalistes gorgés de vraie et de fausse monnaie qui payent grassement ces serviteurs zélés. Si ces gens  avaient un peu de sens de l'honneur, ils se feraient hara-kiri comme les anciens samouraïs. Mais leur parler d'honneur, c'est comme parler de vertu à des souteneurs et des tenanciers de bordels.

Il y a tout de même un petit détail. Pour éviter la ruine d'un système fondé sur l'argent virtuel (le capital fictif dont parlait ), l'État est sommé de payer et de garantir les folies des spéculateurs. Mais l'État n'est pas une entité abstraite. Les chefs d'État sont les copains ou les laquais des magnats de la finances, mais les bailleurs de fonds de l'État sont les citoyens ordinaires, l'immense masse des pauvres dans la poche de qui on va puiser l'argent public pour le redistribuer à ces pauvres riches dans le besoin, ces malheureux milliardaires qui planquent leur fric dans des paradis fiscaux. Quand les citoyens ordinaires réclament l'action de l'État en faveur du bien commun, les ministres et les présidents, en choeur, crient "les caisses sont vides"! Quand la FAO, au printemps dernier, demande trois petits milliards de dollars pour faire à la pénurie de céréales, en faisant leurs fonds de poches les gouvernements trouvent quelques centaines de millions. Et là ce sont des centaines de milliards qu'injecte le gouvenernent américain (700 milliards selon le dernier chiffre avancé officiellement), des dizaines de milliards qu'a déjà payé la BCE.

En quelques jours, le système capitaliste libéral s'est brusquement révélé, à nouveau, dans toute son abjection. Les affaires sont des affaires véreuses. Le milieu des affaires, ressemble au milieu tout court.  Et les "intellectuels" qui couvrent tout cela du vernis de leur moraline sont des escrocs. Sur une chaîne de radio "culturelle", on entend des experts convoqués pour réfuter l'horreur marxiste selon laquelle cette crise serait la crise finale. On ne peut que s'étonner de la frénésie à réfuter la "lecture marxiste" de la crise, compte-tenu du faible nombre des marxistes et de la très maigre audience qui leur est réservée. Cette chasse aux fantômes est à visée préventive. On ne sait jamais: le "marxisme" qu'on croyait définitivement terrassé pourrait bien revenir à l'occasion de cette crise ou de la prochaine. Malheureusement, ces craintes semblent bien vaines. Le "marxisme", c'est-à-dire la critique radicale, théorique et pratique, du capitalisme, n'a jamais été aussi près de disparaître à peu près totalement: le PCF se demande pourquoi il s'appelle encore communiste et la sympathique bouillie anticapitaliste du NPA ne masquera pas très longtemps son insipide composition.

Pendant ce temps, Renault, sous la direction de ce Carlos Gohn - qu'un excellent portrait du Canard EnchaÎné en date du 17 septembre a habillé pour l'hiver - se prépare à supprimer 15% de ses effectifs en France. L'emploi industriel dans l'hexagone est tombé sous la barre des 20% de la population active. Dans leur folie de la "nouvelle création de valeur", les capitalistes en viennent à rêver d'un capitalisme sans ouvriers et sans usines (ces désagréments de la propriété capitaliste) et comme les donnent leur dose de came en cas de crise, pourquoi se feraient-ils du souci? Le navire coule, mais l'orchestre continue de jouer. Oncle Sam a sorti les canots de sauvetage pour les Picsou de Wall Street, de la City et d'ailleurs.Les passagers de 3e classe peuvent bien se noyer, qui s'en émouvra.

Car si les bourses sont à nouveau euphoriques, la crise va dérouler maintenant toutes ses conséquences. Il ne s'agit pas seulement d'économie mais de l'ensemble des rapports politiques. Philippe Riès remarque:
Sur les 1800 milliards de dollars de réserves de changes détenues par la Chine, quelque 70% sont libellées en dollar. Il s'agit de bons du Trésor américain mais aussi de dettes émises par des entités comme Fannie Mae et Freddie Mac, nationalisées le 8 septembre par le gouvernement américain. Avec 376 milliards de dollars, la Chine précédait le Japon (225 milliards) et la Russie (75 milliards) sur la liste des créanciers étrangers détenant ensemble plus de mille milliards de dollars d'obligations émises par les deux agences de refinancement hypothécaires. (Mediapart, 19 septembre)
La dépendance des États-Unis vis-à-vis de la Chine est si grande qu'elle oblige la première puissance militaire mondiale à jouer encore plus de sa stratégie de dissuasion contre ceux qui voudraient la concurrencer. La crise des subprimes témoigne de l'affaissement économique profond des États-Unis et c'est seulement parce qu'ils continuent de faire peur et de déployer sur mer et dans les airs leur puissance militaire qu'ils ne s'effondrent pas plus vite. Mécaniquement donc, la crise renforce toutes les menaces de conflits armés, plus ou moins limités. Les officiels américains ne s'en cachent même pas: pour la crise actuelle "la Chine paiera". Et c'est une des dimensions de ce qui se joue en Afghanistan et dont le Parlement français est censé débattre ce lundi 22 septembre: la présence militaire de l'OTAN dans ce pays qui a une frontière commune avec la Chine n'est de ce point de vue pas anecdotique du tout.

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Commentaires

Mais d'ou vient l'argent de l'oncle Sam? par Ch. Berthier le Lundi 22/09/2008 à 14:05

D'abord, il s'agit de crédits, pas de liquide. Celui-ci n'apparaîtra qu'en bout de chaîne à l'occasion d'achats et de salaires biens réels.
Et cette chaîne...de crédits sera bien longue, de débiteurs en créditeurs et vice et versa!
Assurément, ces crédits sont venus gonfler l'endettement public américain et sont une très forte incitation à réduire les crédits aux autres secteurs dépensiers, comme la santé, les retraites, l'éducation, etc pour la part incombant à l'état fédéral!
Disons que pour un million de dollars de crédit de l'oncle SAM, il sera signé pour 100 millions de papiers. C'est comme si on jetait de l'essence dans l'incendie de la maison Crédit.
Au passage, la moitié de ces papiers, au moins, le seront de mains non américaines et étendront le feu aux autres banques et états.
Au premier rang desquels la BCE, acheteur obligé des créances en dollars et obligée d'émettre des titres en euros en faisant payer ce service de plus en, plus risqué par des taux d'intérêts de plus en plus hauts. Ces mêmes taux élevés qui étrangleront la croissance européenne en se communiquant en cascade dans tous les pays de la zone euro. Même punition pour la Livre et le Yen.
Mais qui garantit in fine les crédits à "court" terme de la BCE? L'union européenne? Que nenni! Géant politique, c'est un nain financier qui paye avec l'argent des autres. En dernier recours, ce sont les "banques" des états membres qui devraient se porter garantes des frasques et de la générosité de cette "Banque" "libre" de tout contrôle
mais obligée d'écouler des dollars sous le seul contrôle étatique de leur émetteur : les USA!
Ainsi, cet endettement "européen" est transmis aux états membres et exerce ici la même contrainte à la réduction sur les autres postes budgétaires des états.
C'est ainsi qu'il faut comprendre l'exhortation à réduire de façon accélérée les déficits publics dans l'UE.
A chacun de le vérifier et d'en tirer les conséquences politiques pour ce qui le concerne.


Lien croisé par Anonyme le Lundi 22/09/2008 à 14:42

Mille milliards de dollars - Juste un mot : " entendu cette semaine sur France-Culture des "experts" qui défilaient pour dire: "mais non, mais non, ce n'est pas la crise finale, mais non, mais non, ce n'est pas le retour de l'analyse marxiste". Un psychanalyste n'aurait pas de mal à décrypter derrière cette dénégation éperdue ce qui taraude ces braves gens. Pour essayer de clarifier les choses, j'ai écrit deux articles:L'oncle Sam sauve l'oncle Picsou et Lundi noir?. J'espère que ces quelques remarques ne te vaudront pas, mon cher Gérard, les déborderments hystériques des habituels anti-marxistes. "


l'oncle sam va puiser dans notre poche par c_berthier le Mardi 23/09/2008 à 11:15

Main basse sur les impôts et le crédit public aux USA – Ouragan sur Fort Knox !

Les deux dernières grandes banques d'affaires américaines, Morgan Stanley et Goldman Sachs ont « renoncé » à leur statut pour devenir de simples holdings bancaires et mieux surmonter la crise financière. Ils abandonnent ainsi leur spécificité de banque d'affaires pour devenir des holdings. « En échange » (sic !), ils pourront obtenir des prêts d'urgence auprès de la Réserve fédérale américaine…et donc libre accès au produit des impôts et aux crédits publics fédéraux et des états !

La Réserve fédérale a précisé que pour accorder une "aide accrue" aux deux dernières grandes banques d'affaires américaines, elle autorisait la banque Fédérale à  New York à accorder un crédit à leurs maisons de courtage. ..Sans pouvoir demander des comptes à une « holding » maintenant hors d’atteinte.

Et à « avoir accès à la fenêtre » d'escompte de la Réserve fédérale. Théoriquement sociétés privées, elles ne pouvaient pas obtenir des prêts d'urgence du trésor public. En échange de ces « facilités » accrues, Morgan Stanley et Goldman Sachs « devront se soumettre » à de nouvelles règles et à plus de contrôle des autorités.

Et tout ceci car l’insupportable s’était produit  après la faillite de la banque d'affaires Lehman Brothers, le mariage d'urgence de Merrill Lynch avec Bank of America, la reprise de la banque d’affaires Bear Stearns par JP Morgan Chase, la nationalisation du plus grand assureur mondial AIG : mardi et mercredi derniers, en pleine panique boursière, les actions de Goldman Sachs et de Morgan Stanley avaient été très attaquées à Wall Street.

Et hier, les bourses ont replongé. Parce que d'aucuns auraient trouvé que l'étroite oligarchie financiere US était trop gourmande?

Et main basse sur les impôts, fonds sociaux et crédits publics européens et japonais…

Car Washington souhaite que d'autres pays participent au sauvetage de la finance mondiale (la Tribune)

Le plan de l'administration Bush en négociations avec le Congrès, mais pas avec les autres pays appelé à la rescousse, met 700 milliards de dollars sur la table et sera ouvert aux banques étrangères qui auraient la possibilité d'utiliser ce plan d’isolement des actifs financiers à risque élaboré par Washington.

En fait, il s’agit d’une obligation sous la menace : « si une institution financière qui a des activités aux Etats-Unis et emploie des gens aux Etats-Unis est handicapée par des créances pourries, elle aura le même impact sur le peuple américain qu'une autre institution »…

Et d’un chantage, car pour George W. le plan était "massif car le problème est massif". La crise financière a créé "un risque systémique important ». Il  exige du Congrès qu’il le laisse éponger les créances douteuses des comptes des banques et relancer la machine du crédit. Il donne autorité au gouvernement pendant deux ans pour récupérer (hypothétiquement) des actifs liés à des emprunts hypothécaires et menace : "d'autres actifs, autant que nécessaire".

Le Trésor US aura l'autorité d'émettre jusqu'à 700 milliards de dollars d’emprunts et de dettes pour financer l'achat d'actifs « douteux", qui doivent conduire à relever la dette américaine à 11.300 milliards de dollars.

Et à combien les dettes du Japon, de France, d’Allemagne, etc ? Hors ou dans les 3% de limite des déficits de l’Union Européenne ?

 



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