Les manifestations du 7 septembre sur le projet de loi gouvernemental concernant les retraites laissent une impression étrange. Avant les manifestations les sujets de « négociation » sur « la pénibilité » notamment étaient déjà définis à condition évidemment que les défilés soient massifs. Les responsables syndicaux fixaient le chiffre de 2 millions de manifestants à atteindre. Et le soir même annonçaient 2 millions et plus, alors que le lendemain Nicolas Sarkozy proposait des aménagements sur … la pénibilité. De là à croire que tout était réglé d’avance…..
Rarement un gouvernement n’aura eu de telles exigences politiques en étant affaibli au point où se trouve celui de François Fillon.
· D’un côté la volonté affichée de remettre en cause les droits à la retraite, notamment le départ à 60 ans reporté à 62 ans et le droit de percevoir sa retraite à 65 ans porté à 67, quel que soit le nombre d’annuités acquises.
· De l’autre, le ministre chargé de porter le projet gouvernemental, Eric Woerth, défraye la chronique depuis des semaines dans ce qui s’avère être la saga de l’été, l’affaire qui le lie à Liliane Bettencourt, au financement occulte de l’UMP, sans parler du travail de sa femme dans la société chargée de gérer la fortune de la milliardaire, les histoires multiples de légion d’honneur, de fraude fiscale, de vente de terrain ou autres largesses pour des milliardaires en délicatesse avec le fisc… (voir le papier http://la-sociale.viabloga.com/news/de-l-affaire-woerth-a-la-crise-politique-sociale-et-morale-le-poisson-pourrit-toujours-par-la-tete ) , liste à rallonge qui voit apparaitre aujourd’hui un « casinotier » impliqué dans les jeux d’argent en ligne, ami de son mentor le député UMP Jean-François Mancel, et de nouvelles largesses fiscales….
Sans aucun doute, le climat politique lié aux affaires, cumulé aux revers successifs de la politique gouvernementale que sanctionnent des indices de popularité au plus bas pour le président de la République et le premier ministre, alimentent une crise politique et morale au plus haut niveau de l’état, ressentie dans toutes les couches de la société.
- Pour les couches salariées, pour les ouvriers, pour les employés, pour tous ceux qui depuis trois ans sont invités à se lever tôt le matin et se coucher tard le soir, pour « les travailleurs méritants », les fins de mois difficiles, les salaires figés et la politique de rigueur ont levé toute illusion dans le discours tenu par le chef de l’état. D’autant que les effets de la crise sont là. Malgré des chiffres publiés par l’INSEE qui font état d’une baisse de quelques dixièmes de points du chômage –la barre des 10% étant toujours en vue- l’artifice qui vise à sortir des chômeurs les centaines de milliers qui ont un petit boulot partiel ne trompe personne. La situation s’aggrave. Tout le monde le perçoit, le vit. Et les grandes déclarations sur la réforme du capitalisme, son humanisation, sa régulation remettent plus en lumière les largesses avec les banques et les employeurs que les mesures en trompe l’œil en direction des salariés.
- Mais la politique gouvernementale déçoit aussi la base naturelle qui soutient le président de la république, cette part du patronat qui lorgne plus vers le bien-être des actionnaires que de l’entreprise, ces représentants du capital financier qui ont l’œil rivé sur les cours du CAC 40 ou du Dow Jones. De ce côté-là, le plan sur les retraites n’est en effet pas à la hauteur des espoirs placés dans la « majorité ». Les mesures préconisées par Nicolas Sarkozy passent pour un aménagement là où un bouleversement ouvrant la voie aux fonds de pension et privatisant carrément le système par répartition était espéré.
La crise est donc générale. La déception aussi. La question qui se pose est donc dans ce contexte la suivante : comment et où le gouvernement trouve-t-il les ressors pour présenter une réforme qui sur le fond ne satisfait personne ?
Complicité syndicale et politique
Comme nous l’indiquions sur notre site –voir le papier http://la-sociale.viabloga.com/news/avec-nicolas-sarkozy-et-eric-woerth-voila-bernard-thibault-qui-entre-dans-la-danse en date du 16 juillet, la principale ressource du gouvernement pour faire passer son plan réside dans la stratégie des responsables syndicaux qui proposent des aménagements et non le retrait. Dés le début, Bernard Thibault et François Chérèque ont annoncé, au nom d’un « syndicalisme de proposition » ou encore d’accompagnement, une série de "revendications" compatibles avec le maintien de la réforme, et donnaient ainsi à Nicolas Sarkozy, François Fillon et Eric Woerth une marge de manœuvre inespérée.
La rhétorique partagée est d’ailleurs révélatrice. Tous parlent d’une « réforme nécessaire », s’accordent sur « cette exigence » avec le gouvernement, et enchaînent donc sur les points qui leur semblent devoir être réformés. On passe donc au menu à la carte. La pénibilité, les polypensionnés, les fonctionnaires mères de trois enfants…
En réalité, ce n’est pas une réforme qui s’impose, juste une réflexion sur le financement, sujet qui fâche puisqu’il implique de plonger au cœur de l’organisation sociale et politique, du capitalisme. La question des retraites est celle des salaires. Elle concentre en l’occurrence la question du capital et du travail. Le recul de 60 à 62 ans pour l’âge légal de départ à la retraite ou encore de 65 à 67 ans pour faire valoir ses droits, le passage de 37,5 années à 40 ans et demain à 41, puis 42 ans puis plus de cotisations, n’a de sens qu’au regard du montant des pensions. Le but de l’opération n’est évidemment pas de mettre des bataillons de troisième âge au travail. Passé 57 à 58 ans, les entreprises rejettent leurs salariés qui pointent au chômage. Le but est uniquement de ne plus avoir à payer les pensions, ou de pouvoir les payer beaucoup moins, compte tenu la décote infligée par trimestre manquant.
La retraite étant un salaire différé, le contenu de la « réforme » n’est autre que l’accaparement d’une part du salaire des travailleurs par le capital. Tout simplement. Il s’agit juste de piquer dans le porte monnaie des salariés sans avoir l’air d’y toucher !
Sur le plan politique, le parti socialiste affirme s’il gagne les prochaines élections présidentielles qu’il « reviendra sur la réforme et rétablira le droit de partir à 60 ans ». Fort bien, mais à quelle condition ? Dans la foulée certains responsables socialistes affirment qu’ils maintiendront l’allongement des cotisations nécessaires. Mais cela revient à dire, « prenez votre retraite si vous voulez, mais avec une pension de misère » puisque les annuités nécessaires là encore seront loin d’être acquises à l’âge de 60 ans. De ce point de vue, la différence concrète, matérielle entre les propositions de la gauche et le plan de la droite au pouvoir est bien ténue. Le rétablissement de l’âge légal de départ à 60 ans est indissociable, pour être lié au versement des pensions complètes, donc à l'aspiration générale, sinon au rétablissement de 37, 5 annuités de cotisations, du moins au non allongement des 40 aujourd’hui requises.
Dés lors quelle position unificatrice qui pourrait créer un véritable rapport de force face à un gouvernement qui affirme qu’il « ne reculera pas sur l’essentiel » ? Sinon prendre le projet de loi comme un tout non négociable précisément, et en demander le retrait intégral pour aborder ensuite la question du financement –donc de l’emploi notamment qui conditionne le montant des cotisations versées- afin de dégager les moyens nécessaires.
Et maintenant ?
Sans entrer dans la bataille de chiffres traditionnelle, de l’avis général les manifestations du 7 septembre ont été massives. Mais le gouvernement, dans un scénario qui semble écrit d’avance, annonce quelques aménagements pour ne rien changer à l’essentiel. Du coup, les syndicats s’accordent sur une nouvelle journée d’action pour le 23 septembre. Et après ? Une autre en octobre ? Jusque à quand, et pour quoi faire ?
Il semble à peu prés évident que sans une action déterminée, qui bloque le pays, comme cela fut le cas sur les régimes spéciaux, le gouvernement gardera sa marge de manœuvre et parviendra à tenir sa ligne. Evidemment la question dépasse le cadre syndical, car infliger une défaite au gouvernement et à Nicolas Sarkozy poserait de fait une question de légitimité et de maintien au pouvoir d’un personnel qui se débat dans l’impopularité, les scandales en tout genre, les échecs politiques et sociaux….
Pourquoi donc dans ce contexte les salariés n’entrent-ils pas dans une action du genre grève générale qui aboutisse au résultat recherché. Sans doute précisément –outre le fait que cela coût cher- parce que la question étant politique, nul ne voit autre chose que le vide, c'est-à-dire aucune alternative, face à ce gouvernement rejeté.
A gauche, on semble dire en substance : « votez bien en 2012, telle est l’issue ». Mais faudrait-il laisser faire d’ici là, demeurer indifférents aux mesures qui sont prises ?
A la gauche de la gauche, on évoque la nécessité d’un référendum sur les retraites. Manière d’attendre là aussi, d’autant que la question d’un vote référendaire, vu les exemples passés, rend bien peu optimiste. Lorsqu’ils ne sont pas bafoués –comme cela fut le cas en 2005- ils sont carrément niés –comme ce fut le cas avec la « votation citoyenne » sur la poste- pour peu que le résultat ne soit pas celui attendu par le pouvoir.
Dans le front syndical, FO demeure sur la position juste du retrait. Et annonce qu’elle se ralliera sans doute sur ses « positions propres » à la journée du 23 tout en déposant un préavis de grève reconductible à la SNCF. C'est là précisément que sur les régimes spéciaux tout avait basculé, puisque c'est par les transports que le pays avait été bloqué. L'histoire se répèterat-elle? Pour que cela soit le cas, une condition non suffisante, mais nécessaire, revient à engager sans tarder une vaste campagne pour que le 24 au matin, si le 23 au soir le pouvoir demeure sourd à l'éxigence populaire, la grève soit reconduite. Ce qui évidemment pose comme exigences l'unité, la détermination, et la démocratie -l'organisation d'assemblées générales et le respect des décisions prises en bas- dans l'action.
Jacques Cotta
Le 10 septembre 2010
Réforme des retraites : le sabotage syndical
Mercredi, 08 Septembre 2010
Et voilà ! Au lieu de taper du poing sur la table et faire monter la pression, les syndicats temporisent et nous annoncent une nouvelle promenade digestive… pour le 23 septembre. Gageons que, grâce à eux, la réforme du gouvernement passera sans encombre.
Scandaleux ! Lamentables ! Indignes ! Illégitimes !
Mais qui sont donc ces gens, prétendument censés défendre les intérêts des travailleurs et qui, à force d'atermoiements, s'aplatissent au final, offrant leur collaboration déguisée à ce gouvernement alors que les Français ont massivement répondu à l'appel de mardi et sont à côté des starting-blocks ? (...)
http://www.actuchomage.org/2010090812042/Social-economie-et-politique/reforme-des-retraites-le-sabotage-syndical.html
Mélenchon fait "semblant de croire" que le PS est d'accord avec lui sur les retraites
09/09/10
Le président du Parti de Gauche (PG) Jean-Luc Mélenchon a déclaré jeudi qu'il faisait "semblant de croire" que le PS était "d'accord" avec lui sur les retraites pour ne pas exposer des divisions à gauche et prendre le risque d'affaiblir le front social. (...)
http://www.lesechos.fr/economie-politique/infos-generales/politique/afp_00279932-melenchon-fait-semblant-de-croire-que-le-ps-est-d-accord-avec-lui-sur-les-retraites.htm