Dans la fable de La Fontaine, les grenouilles lasses de la démocratie demandent un roi. Je ne sais pas si les citoyens de ce pays sont comme les grenouilles de la fable, mais les candidats à la fonction de roi ne manquent pas ! La logique délétère des institutions de la Ve République joue à plein et pulvérise tous les courants politiques. À droite, l’affrontement Juppé-Sarkozy a suscité de nombreuses vocations. Bruno Le Maire, l’homme qui regrette de ne pas être toujours compris parce qu’il est trop intelligent, Nathalie Kosusko-Morizet, l’écolo de LR, Nadine Morano, Copé, Mariton, Fillon, peut-être Guaino, et sans doute beaucoup d’autres que j’oublie à l’instant, se lancent dans la bataille pour les primaires LR/UDI. Les sondés sont même interrogés sur Bayrou … qui n’est pour l’heure candidat à rien. À gauche, les vocations sont tout aussi nombreuses. Hollande, courbe du chômage ou pas, compte se représenter et une opération pré-électorale, particulièrement débile est montée sous le slogan « Et oh, la gauche ». Du grand Cambadélis ! Mélenchon est parti seul, sommant toute la gauche critique de se rallier à son écharpe rouge. Il se voit en « homme de la nation » dans un posture bonapartiste typique. Le PCF voudraient bien des primaires de toute la gauche, histoire de ne pas se couper du PS dont il espère qu’il permettra de sauver les derniers meubles de la place du colonel Fabien. Montebourg ne cache plus ses ambitions et vient d’organiser son retour en faisant l’ascension du Mont-Beuvrey. Marie-Noëlle Lienemann a également annoncé sa candidature à des primaires de gauche. Lutte Ouvrière a sa candidate, Nathalie Artaud. Le NPA a le sien, Philippe Poutou. Le PARDEM (ex-MPEP) présente Jacques Nikonoff. Le MRC (le parti fondé par Chevènement) présente Bastien Faudot. Ajoutons encore Cécile Duflot, la candidature virtuelle de Nicolas Hulot et même, dernière arrivée, celle de Gérard Filoche… Tout ce brouhaha qui semble être le principal sujet d’agitation dans le microcosme est bien sûr parfaitement dérisoire. Nombre de ces candidats ne pourront aller jusqu’au bout, faute de pouvoir recueillir les 500 signatures d’élus nécessaires au parrainage. Ceux qui iront jusqu’au bout auront beaucoup de mal à grappiller quelques minutes de télévision. Tout cela paraît bien vain.
La multiplication des candidatures du côté LR/UDI n’est pas anecdotique. Elle exprime le profonde crise de ce qui fut le parti pilier de la Ve République, de l’UNR au RPR, ainsi que la liquidation définitive de l’héritage gaulliste. Guaino – qui ne manque pas d’intelligence – s’est fourvoyé avec Sarkozy et il est maintenant seul. Fillon qui fut « séguiniste » joue à l’ultra-libéralisme thatchérien. Il est même maintenant tout à fait possible que, en dépit du soutien que lui prodigue sans barguigner la presse et médias dominants, Juppé doive s’incliner devant Sarkozy à qui la multiplication des candidatures profitera d’autant plus qu’il tient l’appareil. Mais pour quoi faire ? Rien de bien différent de ce qu’a fait Hollande ! Et rien de bien différent de ce qu’a fait Sarkozy I. le grand numéro « au secours, le droite revient » que tente le PS n’est que du grand guignol, qui n’aura aucune efficacité électorale pour un parti au pouvoir contraints de faire ses meetings à huis clos sous la protection de centaines de CRS. Les deux partis dominants de la bourgeoisie française, le PS et LR sont en réalité tous deux dans la même impasse parce qu’ils sont enchaînés à la « construction européenne », c’est-à-dire à la mécanique de destruction des États-nations, et ils ne peuvent rien faire d’autre qu’organiser le déclin du pays, sur le plan industriel, culturel ou scolaire. Au-delà de la droite ou du PS, c’est bien une crise institutionnelle majeure qu’il faut affronter.
Dans cette conjoncture, la multiplication de candidatures « à la gauche » du PS est à la fois dérisoire et désespérante. Dérisoire parce qu’aucune de ces candidatures ne peut espérer l’emporter en 2017. Même si Mélenchon fait semblant d’y croire, il n’a aucune chance de l’emporter. Quand bien même, il passerait devant Hollande au premier tour, il ne serait pas qualifié pour le second tour. Car Mélenchon n’a aucun parti qui le soutienne, aucun mouvement organisé systématiquement à l’échelle du pays. C’est un pur produit médiatique – un « bon client » pour les journalistes. Pour les autres candidats ou candidats à la candidature, c’est encore bien pire. Le sympathique Bastien Faudot du MRC est voué à un résultat groupusculaire, si toutefois il peut se présenter, ce qui est loin d’être gagné. Jacques Nikinoff et son PARDEM (mon Dieu ! Quel nom!) va rejoindre les Jacques Cheminade et autres candidats dont on a même du mal à retenir le nom. Ils auront leur quart d’heure de célébrité… et encore : le PS a décidé de supprimer le principe d’égalité des temps d’antenne des candidats pendant la campagne. Par conséquent, on ne peut même plus prétexter de ce qu’on se présente pour faire connaître ses idées.
Le drame ou la farce sinistre, c’est que toute cette agitation grotesque repousse encore plus la nécessaire recomposition politique, la nécessaire construction d’un mouvement politique nouveau. Cependant, il est encore temps de changer de cap. À l’initiative de « la Sociale », une lettre commence à circuler qui sera adressée aux responsables de partis et mouvements qui refusent la soumission à l’UE et veulent défendre la souveraineté populaire, la démocratie et les conquêtes sociales. « À vous lire et vous entendre, nous comprenons qu’il y a sur cette question un accord fondamental entre nous, entre vous. Dans le cadre des traités européens et de l’Union Européenne comme construction politique contre les nations et les peuples, il n’y a aucun espoir et donc aucune possibilité pour notre peuple de décider et d’agir en fonction de sa volonté et de ses intérêts. Cela, chacun à votre manière, vous le dites, le répétez, l’argumentez. Bien sûr il existe des divergences entre nous, entre vous. Quoi de plus normal. Il ne s’agit pas de gommer quoi que ce soit, de refuser la réalité. Mais est-ce qu’au nom de telle ou telle divergence, de tel ou tel engagement personnel, il serait explicable de ne pas combattre et frapper ensemble sur l’essentiel lorsque cela est non seulement possible mais nécessaire ? »
On peut penser que la participation à l’élection présidentielle est utile pour la construction d’un tel mouvement. On peut estimer que tel ou tel sera le mieux placer pour représenter devant les électeurs ce mouvement. Mais dans l’état de dislocation présent, qui peut espérer avoir, à lui seul, quelque efficacité que ce soit ? Il serait urgent de « mettre en commun nos efforts pour avancer dans la voie de la reconquête de notre souveraineté confisquée dans tous les domaines par des institutions non démocratiques qui décident en lieu et place des peuples, en l’occurrence du peuple français, là lorsqu’il s’agit de tous les acquis sociaux chèrement gagnés ».
Évidemment, tout cela est étroitement lié à l’ensemble de la situation sociale que traverse notre pays. Que va donner le sursaut de la mobilisation le 14 juin ? Nul ne peut l’affirmer. Dans le cas où Valls, jouant les Mrs Thatcher, parvient à casser le mouvement, alors non seulement Hollande sera battu mais tous les partis de la gauche de gauche seront balayés avec lui. Et alors les querelles de boutiques d’aujourd’hui, la conjuration des ego, n’apparaîtront plus seulement comme ridicules mais aussi comme criminelles. Si, au contraire, le mouvement social l’emporte finalement et si la gouvernement est contraint de retirer la loi « travail », alors la situation sera changée du tout au tout et des perspectives nouvelles s’ouvriront, notamment pour ceux qui sauront exprimer clairement les enjeux politiques à long terme du mouvement contre le gouvernement et le patronat.
Articles portant sur des thèmes similaires :
- Changement de site - 06/02/20
- En finir avec le régime sanguinaire des mollahs - 26/11/19
- 2015 - 2019: Funeste trajectoire… - 06/11/19
- Continuons le débat sur la laïcité - 24/10/19
- Pour un XXIe siècle plus heureux? - 07/09/19
- Povera Italia - 26/08/19
- Enfin! Sur l'Italie Mélenchon a raison et ses détracteurs sont les fossoyeurs de la souveraineté et de la Nation - 18/07/19
- l’affaire Andrea Kotarac, membre de la FI qui appelle à voter RN… - 20/05/19
- Après notre réunion débat du 12 janvier à Paris - 15/01/19
- Pour la défense de la souveraineté de la nation et des droits sociaux - 11/01/19
Ne contribuons pas à ériger l'élection présidentielle comme la clé de voute de la situation et de son débouché.
Que les partis constitutionnels y cherchent désespérément secours et justification, c'est contredire ce que pourtant beaucoup sugèrent sans oser le dire : d'élections en élections le peuple refuse de voter pour ces partis...FN compris. Car, enfin, quoi de glorieux, quoi de représentatif que 20% d'un électorat réduit au quart des inscrits.
Quel mandat autre que celui d'un refus massif de l'électorat à l'encontre des partis et candidats?
Quel message autre que "vous ne parlez ( et agissez) pas et plus en notre nom". "Not in our name" comme l'écrivait si bien cette pétition signée par quelques uns des animateurs de La Sociale ...il y a si longtemps!
Ce n'est pas de tant d'aller à l'eau que les cruches et partis politiques se sont cassés. C'est de ne pas avoir servi à boire à l'électorat, qu'elles fussent vides ou chargées d'un liquide impropre à la boisson, sale, puant ou en trop faible quantité....Et cela ne concerne pas que les partis politiques.
Alors, il faut bien re-constituer ceci : "re-constituer" le Peuple "en corps".
Mais comment éviter qu'une (re-) constituante ne soit pas assimilée par le peuple à ces assemblées a fortiori parisiennes, éloignées du peuple, en ignorant les urgences et la situation.
Comment ne pas en soupçonner les membres élus de prolonger les délibérations et compromissions de leurs prédécesseurs?
On oublie trop vite les assemblées communales de 1789-1795 et les quelques dizaines de "communes" de 1870-71 de trop courte durée. On oublie surtout qu'elles mettaient au premier rang de leurs délibérations la définition et l'expression des exigences concrètes, vitales, immédiates et collectives et des moyens de les satisfaire sans retard. "Du pain, du pain! et pas des mots et beaux discours".
Cet échelon politique de proximité est encore formellement très présent en France, s’il ne l’est pas à Paris et dans les métropoles.
Par la Loi, il dispose encore d'une "compétence générale" perdue par les assemblées départementales. Mais la tutelle préfectorale veille, qui manipule maires et adjoints au profit de l'état central, marginalisant souvent le reste du conseil municipal...et l'isolant du reste des habitants.
Certes, des commissions de concertations, parfois des "assemblées citoyennes" sont crées. Mais elles sont restée sous tutelle budgétaire et préfectorale via maires et adjoints. Résultat, à ce jour, la mobilisation des assemblées communales et départementales n'a pu, au delà des protestations et motions, s'opposer à l'offensive de l'union européenne et de l’Etat central pour les dépouiller de leurs ressources et compétences.
Contradictions concentrées dans les invitations aux congres "des maires" et des "départements" des principaux dirigeants et idéologues européens tels Junker et Attali. Quelle joie pour des bourreaux d'être invités par leurs victimes.
Cependant, c'est bien encore au niveau communal que peut s'exprimer de façon la plus directe de refus du peuple, la désignation de ses représentants politiques, la résistance et la reconquête de ses services publics et associations..
C'est a ce niveau que s'exprime, par une abstention massive et les votes, le refus de la situation. Mais aussi celui de la représentation politique jusqu'au niveau national.