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A bas les sectaires (suite) et vive la lutte

Considérations intempestives sur Mélenchon et la France Insoumise

Par Denis COLLIN • Actualités • Jeudi 14/09/2017 • 0 commentaires  • Lu 3919 fois • Version imprimable


Que Madame Le Pen, les dirigeants de la droite et les snipers de Macron se déchaînent contre Mélenchon et la France Insoumise, c’est dans l’ordre des choses. Que le PS se joigne à la meute, c’est tout aussi naturel, puisque sa ligne est de vouloir « la réussite de Macron ». Plus étrange est la multiplication des critiques plus aberrantes les unes que les autres en provenance de la « gauche ». Pour les uns, Mélenchon n’est évidemment pas assez radical. C’est bien connu, ce n’est qu’un traître social-démocrate. Pour les autres c’est un apprenti Bonaparte, un dictateur en puissance à la tête d’une ligue plus ou moins fascisante. Il y a des groupuscules et des petits groupes qui depuis des mois passent le plus clair de leur temps à dénoncer les initiatives de la France Insoumise. Le POID renoue avec le sectarisme obtus et son principal dirigeant, Gluckstein, ne manque jamais de glisser une tirade anti-FI dans ses éditos. Parmi les pires, un certain Présumey, qu’on avait connu mieux inspiré, se déchaîne contre Mélenchon avec une hargne digne des staliniens d’antan. On pourrait parler des éclopés du PCF et du NPA qui ne supportent pas de s’être complètement trompés et d’avoir été marginalisés par la dernière séquence politique et dénoncent la « volonté d’hégémonie » de Mélenchon. Tous ces pieds écrasés finissent par nous fatiguer.

 

Il est vrai que Mélenchon s’est trompé, comme tout le monde, assez souvent. Il fut mitterrandiste mais que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. Il a été pour Maastricht, mais s’en est repenti. Mais sa principale erreur stratégique en 2008 fut de miser tout sur s’alliance avec le PCF à travers le Front de Gauche. C’est-à-dire que sa principale erreur fut précisément la stratégie « unitaire » qu’on lui reproche d’avoir abandonnée ! Quand Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez ont quitté le PS et fondé le « parti de gauche » en 2008, nous avions, sur «  » tenté de nouer une discussion sur cette question. Mais finalement le temps a tranché. En fondant la France insoumise, en tournant résolument le dos à la tambouille politicienne, en délaissant les oripeaux de l’union de la gauche, de la gauche radicale et de toutes ces recettes éculées des défaites passées, il a su, avec une réelle intelligence de la conjoncture politique, saisir le bon moment, qualité cardinale du prince machiavélien. On peut dire ce que l’on veut : La candidature Mélenchon et les presque 20% des voix qu’elle a recueillies constituent le premier vrai coup d’arrêt à la décomposition politique et sociale dans laquelle les expériences « socialistes » et « gauche plurielle » nous avaient précipités. L’homme n’est pas parfait, il n’est ni Dieu, ni César, ni le génial petit père des peuples, mais il a réussi à entrainer des millions de nos concitoyens avec un discours politique cohérent de grande tenue et ouvrant une voie nouvelle. La France insoumise est un OVNI politique, dont on ne sait pas encore trop bien ce qu’il deviendra, mais après tout, c’est en marchant qu’on apprend  à marcher.

La FI a un programme qui peut être complété et développé ou corrigé. On peut critiquer tel ou tel point de ce programme. J’avoue que le tirage au sort n’est pas ma tasse de thé. Et pas mal de points de détails me laissent sceptique. Mais la ligne général est tout à fait juste et correspond à ce que nous défendons sur depuis de longues années : défense des acquis sociaux, rupture avec l’Union européenne (le plan B), révolution dans les institutions avec la revendication d’une république parlementaire démocratique, planification écologique rompant avec la logique de l’accumulation illimitée du capital, laïcité et « renationalisation » de l’école publique. Tous les éléments d’un humanisme pratique y sont. Et là encore, la libre discussion et l’action viendront trancher les points litigieux. Avoir un programme parfait et rester dans l’opposition éternellement, ce n’est pas vraiment la meilleure solution pour que le monde change de base.

On sait bien que les zadistes, les gauchistes mouvementistes, les rescapés de « Nuit debout » et les amis des communautaristes ne sont pas notre tasse de thé. Mais puisque tous ces gens ont accepté de soutenir un républicain patriote comme Mélenchon, puisqu’ils ont accepté de porter des drapeaux tricolores et de chanter « La Marseillaise » dans ses meetings, l’essentiel réside dans les pas pratiques qu’ils ont accomplis et non dans la bouillie qu’ils ont dans la tête. Comme le disait Trotsky, « le prolétariat n’interdit à quiconque de lutter à ses côtés, pourvu qu’il lutte réellement ». Aux partisans de la république sociale, aux héritiers du mouvement ouvrier laïque, aux défenseurs de la souveraineté de se faire entendre. La FI n’est pas un cénacle philosophique, ni une loge maçonnique, ni un parti bolchévique réinventé. C’est un mouvement, avec tous les avantages et les inconvénients de cette formule politique. Mais si on veut la majorité et il faut vouloir la majorité, on doit en passer par là. Et calquer les structures et le fonctionnement de ce mouvement sur les structures et le fonctionnement des vieux partis comme le PCF ou PS, c’est à coup sûr gaspiller toutes les potentialités du mouvement, pour se soumettre à la « loi d’airain de l’oligarchie » comme le disait Robert Michels.

Certains s’offusquent du côté personnel de la direction de Jean-Luc Mélenchon. C’est effectivement gênant. Nous aimerions pouvoir nous passer de chef. Mais dans la situation présente, alors que l’éducation politique est à refaire, alors que les bonnes habitudes de la discipline militante se sont évaporées et qu’on doit reconstruire tout, dans l’urgence, sur un champ de ruines, on est contraint de soutenir un prince au sens de Machiavel, un prince « virtuoso », apte à fédérer les énergies et à donner un coup d’arrêt à l’invasion des barbares.

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