Depuis la classique classification des Droites de René Rémond, un vague consensus désigne par bonapartisme toute salvation (française) de l’ordre social par un chef autoritaire, populaire (voire populiste), et résolument modernisateur. Attitude qui à l’évidence peut mettre la République en péril, mais qui (le De Gaulle de 1958-1969 en témoignerait), peut aussi en être respectueuse.
Depuis l’élection de 2007, nonobstant le pittoresque courroux du « Mouvement France Bonapartiste », qui ne s’y reconnaît pas, un concert presque unanime (contempteurs et adulateurs) qualifie de « bonapartiste » le nouveau Président.
Ce jugement se fonde essentiellement sur son tempérament et son comportement, qui évoquent plus ceux du Premier Consul voire du prétendant Louis Napoléon, que ceux des présidents de la Vème République.
Certes, depuis deux ans, la sidération (au sens le plus étymologique) devant la personnalisation du pouvoir et l’exhibition de la personne présidentielle a pu donner le sentiment d’une franche rupture avec les précédents détenteurs de la fonction. Rupture vécue de façon insupportable par les partisans de la « vertu républicaine » qui clament, Obamania aidant, que le président ne serait pas « the right man in the right place ». Ce qui sous-entend ; gardons « the right place » et plaçons y « the right wo/man »….Pour autant, peu de ces moralistes, notamment dans les deux camps socialistes, ne rappellent qu’en matière de personnalisation du pouvoir (encore accrue par la réforme Jospin), le Président ne fait que pousser ce que la Constitution autorise. (Qui douterait de ce pouvoir virtuellement absolu peut se reporter à l’article 16 de notre Constitution). Le bonapartisme est inscrit en filigrane dans notre constitution.
Si donc ce comportement « bonapartiste » ne fait que profiter de possibilités légales, il serait assez stérile pour en comprendre la nature de s’en tenir à l’hybris d’un politique (hybris séduisit au moment de l’élection une majorité de Français). Il conviendrait surtout, au regard des deux précédents Bonaparte, de s’interroger sur ce dont ce comportement procède socialement, et ce dont il peut être l’accoucheur.Le premier Bonaparte, porté par la fraction modérée de la bourgeoisie ex-révolutionnaire, soutenu par une paysannerie libérée par la Révolution mais lasse des désordres, devait mettre en place durablement un nouvel Ordre social sur la ruine sans appel de l’Ancien Régime. Quitte à violenter les dignitaires de la République conservatrice en place
Le second Bonaparte fut l’élu d’un monde rural et d’un monde ouvrier déçus par la Seconde République. Avec le soutien suspicieux des Conservateurs, dont il mata les dirigeants, il devait à la fois assurer l’Ordre social contre le « péril rouge », et garantir le plein développement de la modernisation capitaliste du pays.
Quelle fonction historique pour le Président actuel, ostensiblement soutenu par le grand capital, porté au pouvoir par la convergence de l’électorat conservateur traditionnel et d’un électorat populaire qui par frustration et ignorance votait F.N ?
En cette période où, n’en déplaise aux pourfendeurs de l’État-Nation, la crise du capitalisme s’inscrit dans le cadre des relations et rivalités entre les nations (les États-Unis en témoignent au premier chef), il y aura pleinement bonapartisme si, oubliant ses précédentes prises de position « libérales », le clan présidentiel inscrit (bien acrobatiquement dans le cadre européen !) un interventionnisme étatique économique résolument nationaliste. Et ce au grand désarroi des « élites » socialistes depuis longtemps acquises à « l’Europe libérale ».
Il y aura pleinement bonapartisme si, jouant sur cette fibre « nationale », le clan présidentiel persuade la majorité des salariés, dont il prétend maintenant comprendre les aspirations, qu’en sauvant (malgré lui [1]) le grand capitalisme français, il sauve aussi les emplois et la dignité du monde ouvrier.Il y aura pleinement bonapartisme si, pour s’assurer la maîtrise idéologique des âmes et des cœurs (l’hégémonie au sens gramscien), à la mise en place d’une populaire et intéressée « brigade des acclamations » s’ajoutera le consensus total du monde médiatique.
C’est dire que l’avenir s’annonce rude. Mais intéressant.René Merle
[1] Cf. à ce sujet Denis Collin, « Quand Nicolas Sarkozy enterre Maastricht et Lisbonne », http://la-sociale.viabloga.com/
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RB écrit : En cette période où, n’en déplaise aux pourfendeurs de l’État-Nation, la crise du capitalisme s’inscrit dans le cadre des relations et rivalités entre les nations (les États-Unis en témoignent au premier chef), il y aura pleinement bonapartisme si, oubliant ses précédentes prises de position « libérales », le clan présidentiel inscrit (bien acrobatiquement dans le cadre européen !) un interventionnisme étatique économique résolument nationaliste. Et ce au grand désarroi des « élites » socialistes depuis longtemps acquises à « l’Europe libérale ».
SG : L’effondrement de l’économie-financière (et la crise des capitalismes), est due à une erreur du jugement, le paradigme du laisser-faire (et plus précisément faire de l’argent avec de l’argent, était et sera toujours une erreur suicidaire). Ce qui se joue aujourd’hui c’est le (ou les) leadership, les Etats-Unis ne veulent pas perdrent la main, d’ailleurs Obama prend une décision qui va dans ce sens en mettant les pieds dans le plat, en déclarant la guerre monétaire au Yuan chinois, donc à la Chine et par la même occasion un avertissement aux autres Nations, Russie en tête (les Chinois restent leurs meilleurs banquiers, et une agression trop ciblée contre les dirigeants chinois serait très mal interprétée, les conséquences à cette attaque pourraient-être une big récession de l’ex-leader mondial.) L’Euro ne fait pas le poids, malgré se qu’en pensent les europhiles, le pétrole et les échanges commerciaux se font encore sur la base de la monnaie étasunienne. Deux pays qui comptent sur le plan économique, la Chine et le Japon, n’envisagent pas de boycotter les bons du Trésor étasuniens, ces puissances économiques se soutiennent mutuellement, et tant que cet équilibre durera il sera bien difficile d’envisager un autre moteur à l’économie mondiale.
RB écrit : Il y aura pleinement bonapartisme si, jouant sur cette fibre « nationale », le clan présidentiel persuade la majorité des salariés, dont il prétend maintenant comprendre les aspirations, qu’en sauvant (malgré lui [1]) le grand capitalisme français, il sauve aussi les emplois et la dignité du monde ouvrier.
SG : Les comparaisons ne valent que ce qu’elles sont, c’est-à-dire pas grand-chose, Sarkozy ne représente que lui-même, un médiocre qui joue de ses contradictions (double langage, décisions et contre-décisions, toujours avantager les nantis etc.), mais cela n’a plus les effets escomptés sur le peuple, bien au contraire, Sarkozy fatigue, Sarkozy agace, les gens en ont marre de Sarkozy (qu’il soit salarié, ouvrier, électeur etc. ) Ses messages sont de plus en plus brouillés, voir totalement inaudibles et illisibles pour la majorité des gens.
Les vieux, qui étaient le fer de lance de son électorat, cette France frileuse, ne se reconnaissent même plus en lui, c’est dire…
On pourrait aussi bien le comparer au nain "Grincheux" de "Blanche Neige", qu’à un Luis de Funès sinistre à la démarche en canard, mais tout cela reste de vagues ressemblances comparé à ce qu’il est réellement, l’ami des patrons du CAC 40, des patrons d’agences de pub, d’instituts de sondage, de banquiers et autres parasites financiers.
L’effet Sarkozy, c’est à chaque fois qu’il apparaît le déclenchement d’une froide colère, une hargne contre ce professionnel de la politique qui n’oublie jamais d’augmenter son salaire de monarque républicain, et demande cyniquement toujours un peu plus de sacrifices au peuple. Le peuple en a marre de Sarkozy, le peuple aimerait faire comme le peuple Islandais, en le virant des palais de la République.