En 1905 la loi de séparation concernait Les Eglises et l’Etat car la discussion sur le clergé était au cœur de l’époque, mais depuis que les curés ne portent plus la soutane dans les rues, les clergés semblent avoir disparu des analyses. Prenons deux cas opposés : USA et Liban. Aux USA, Rochester est la ville de Kodak comme Los Angeles est celle d’Hollywood, Détroit celle de General Motors et Salt Lake City celle des Mormons. Les Mormons font figure de vieux ancêtres d’un clergé qui depuis s’est télé-évangélisée avec de multiples religions mais toujours un même système, le système marchand. Les USA, pays central du capitalisme contemporain, n’a en rien détruit les religions : au contraire il a permis leur reconstruction autour d’un même clergé ! Dans les écoles de ce pays, je n’ai jamais entendu dire qu’un musulman, un protestant, un boudhiste ou je ne sais qui d’autre se plaignait de la nature de la prière matinale que disent chacun matin les enfants. « In good we trust » est une monnaie conforme à tous les clergés, chaque religion cherchant ensuite à y reconnaître ses petits. Ce point n’est pas secondaire dans la perpétuation du système quand on remarque que le système s’impose partout aux Amériques. A la domination catholique existant au Québec ou en Bolivie, on lui substitue une domination globale du clergé pour mieux laisser à chacun son catéchisme. La victoire la plus splendide de la démarche a été obtenue quand, en 1998, le pape Jean-Paul II s’est enfin posé à La Havane pour y recevoir les honneurs de Fidel Castro. Posant la question à Ignacio Ramonet de ce rapport amical inattendu entre un ex-défenseur de la théologie de la libération et le pape qui la combattit avec tant d’acharnement, il me fut répondu qu’en « Occident » on connaissait mal l’anti-impérialisme de Jean-Paul II, le pape d’une religion dont tout le dynamisme clérical actuel tient dans sa banque Ambrosiano ! Du côté musulman la nouvelle dîme s’appelle produits « hallal » (j’ai même découvert l’estampille sur des bonbons) et le grand rabin de Paris fait maintenant de même, pour réconforter des finances qui sont là aussi le nerf de la guerre. Là-bas comme partout des clergés sont prêts à s’entendre par-dessus leur religion afin de s’assurer le contrôle de sociétés destinées à s’inscrire dans le système capitaliste. Bien sûr, cela n’exclut pas, par moment et en certains endroits, les affrontements affreux entre religieux opposés (inutile de donner des exemples). Le capitalisme sait qu’il délie, et je partage tout le chapitre III du livre de Denis Collin, donc pour remplacer les vieilles solidarités, il lui faut un retour à la charité. Pas à la bonne vieille charité avec listes de donateurs où les éminents membres des classes dominantes se devaient d’afficher leurs dons en haut des pages des journaux, mais à la charité du clergé moderne faite de pétro-dollars et de gains en Bourse (avec quelques téléthons bien appuyés parfois). Le capitalisme a beaucoup détruit mais en prenant toujours soin de reconstruire sur le champ de ruine, ce qui fait qu’à chaque crise, alors que, déjà hier, Lénine voyait l’ultime phase de l’impérialisme, aujourd’hui encore, il avance les pions de son renouveau. Je caractérise la phase que nous vivons du terme « capitalisme féodal » car le propre de la féodalité fut un partage du pouvoir avec une alliance entre maîtres du monde et maîtres de la religion, une féodalité qui commença à trembler sur ses bases au fur et à mesure que se bâtirent les Etats, des Etats qui finirent parfois par se séparer du poids des Eglises mais si rarement. Je ne connais pas le nombre de pays dotés encore aujourd’hui d’une religion d’Etat mais je sais que les clergés sont un atout du capitalisme car ils espèrent toujours dépasser les Etats et les détruire (espoir qu’ils ont en commun avec les maîtres du capitalisme). Cet élément de consensus majeur entre le capitalisme et les clergés (abattre les Etats) n’est pas le seul. Puisque Denis Collin évoquait la science utilisée par le capitalisme en lieu et place du religieux, je pense que là aussi il existe un autre consensus : c’est par la science que les religions veulent également imposer leurs dogmes et ce n’est pas pour rien si la nouvelle religion proposée aux classes dominantes s’appelle Scientologie, un des meilleurs laboratoires du futur du capitalisme comme l’a démontré Paul Ariès. Raison de plus pour en revenir aux quatre axes chers à Denis Collin : souveraineté populaire, paix perpétuelle, républicanisme politique (même si la théocratie iranienne a osé employer le mot république) et égalitarisme social. Le tout dans le cadre d’un débat démocratique 10-05-2009 Jean-Paul Damaggio [1] Cette phrase est suivie ensuite d’une citation de Marx qui dans le texte est précédée d’une de ses phrases si connue et si tronquée : « Le religion est l’opium du peuple ». « La détresse religieuse est, pour une part, l’expression de la détresse réelle, et pour une autre part, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, la chaleur d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. » Le hasard a voulu que j’achète une traduction de Critique du droit politique hégélien en 1975 en plein Rockefeller Center du temps où la librairie française y avait pignon sur rue pour mettre en vitrine de tels ouvrages ! Je ne partageai pas ce point de vue avant la lecture mais depuis je le défends.
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Je veux bien reconnaître une cohérence certaine à la conclusion à laquelle parvient Denis Collin ( souveraineté populaire, paix perpétuelle, républicanisme politique et égalitarisme social ), cependant croîre que la haute bourgeoise se laissera dépouiller de son pouvoir de propriétaire des moyens de production, de consommation et de communication (au sens large, donc y compris la culture) et donc se laissera dépouiller de SON État, c'est se fourrer profondément le doigt dans l'oeil.
C'est penser, comme les marxistes des pays développés d'Europe occidentale (Allemagne, Angleterre, France et Italie) de l'entre-deux guerres mondiales, que le schéma de la Révolution russe s'appliquera, que l'État finira par tomber dans le caniveau et qu'il suffira d'être la force politique la plus organisée possible, la plus consciente et d'avoir un vraie volonté politique d'aboutir (on aura reconnu la fraction majoritaire de la SD russe, les Bolcheviks) pour être majoritaire dans les instances politiques qui ne manquent pas de se former lors de tout bouleversement social.
Le hic, c'est que l'État bourgeois de tous les pays développés n'est pas un État tsariste et féodal en décadence avec une bourgeoisie et des capitalistes qui étaient À LA FOIS les alliés du tsar ET ceux qui devaient le renverser. C'est pourquoi il n'y a pas eu en Russie entre les industriels et l'Etat une solidarité aussi complète que dans les pays modernes. Dans ces pays (les pays moderne) règne une solidarité absolue ENTRE L'APPAREIL D'ÉTAT ET LES PATRONS, c'est LEUR Etat, LEUR police.(voir Amedeo Bordiga, Discours à l'Exécutif de l'Internationale Communiste, 23 février 1926, cf. http://www.marxists.org/francais/index.htm).
Par conséquent se pose la question de ce qui constitue, de ce qui auto-institue toute société, ce que Castoriadis appelait l'Élément imaginaire (voir Cornelius Castoriadis, L'imaginaire comme tel, Hermann, 2007, (Philosophie)). Comme l'énonce clairement Bordiga : " Il est indispensable que nous sachions comment on attaque l'Etat bourgeois moderne, qui se défend dans la lutte armée plus efficacement encore que ne le faisait l'autocratie tsariste, mais qui en outre se défend à l'aide de la mobilisation idéologique et de l'éducation défaitiste de la classe ouvrière par la bourgeoisie." (id, Discours du 23 février 1926).
Nous sommes en 2009...et donc toujours au même point qu'en 1926, alors que la bourgeoise a déjà plusieurs coups d'avance ( cf. par exemple : le rapport du Pentagone sur le changement climatique (éd. Allia), où il est prévu, à mots couverts certes, de se préparer à effectuer des massacres préventifs de masse afin de contrôler les mouvements de populations qui ne manqueront pas de se produire dans les prochaines années à une échelle non pas continentale comme en Afrique actuellement mais à une échelle planétaire...).
a+
jfmd 12/05/09