Certains ont encore en mémoire ce slogan de mai 68 : « soyez réalistes, exigez l’impossible ». Le réalisme d’aujourd’hui nous convie à demander moins que le possible, pour avoir une petite chance d’obtenir une partie de cette revendication au rabais. N’incriminons pas seulement l’évolution des sommets des principaux partis politiques. Il y a, chez la grande majorité des citoyens, une méfiance à l’égard des solutions radicales. En dépit des errements du PS, jamais une alternative radicale « anticapitaliste » n’a réussi à s’imposer : 10% à 15% des électeurs, tous candidats confondus, dans les « hautes eaux ». Rappelons que Marchais dépassait les 15% en 1981 (LO et le PSU obtenaient encore 3 ,5%). Et c’était pour le candidat du PCF un mauvais résultat, face à un candidat du PS lui-même sur des positions très « à gauche » : à cette époque le PS promettait « la rupture avec le capitalisme » ! Rien de moins.
L’évolution des esprits a été profonde. Et si le communisme est bien « le mouvement réel » comme le disait Marx, il faut partir non des dogmes qu’on voudrait imposer mais du mouvement réel. Dans les partis qui se situent à gauche du PS comme dans l’aile gauche du PS, on répète volontiers que pour gagner contre la droite, il faut des positions « vraiment à gauche ». Mais ce n’est pas certain : même quand le « vote utile » ne joue pas, comme lors des récentes élections régionales ou européennes, le PS a raflé la mise s’affirmant comme le principal parti d’opposition. Abstraitement parlant, on peut dire, à raison, que la crise dans laquelle nous sommes ne peut être vaincue sans mesures qui mettent en cause, sérieusement, la domination du mode de production capitaliste. Notre société est malade de la loi de l’accumulation du capital ! C’est facile à montrer dans tous les détails, y compris quand on parle de crise environnementale. Au-delà de ce constat, pourtant, manque la confiance dans une autre perspective. Plus personne ne croit au socialisme collectiviste d’antan, non pas à cause de la propagande des « ennemis de classe », mais en raison de l’expérience historique. Tout le monde sait ou sent qu’on ne reviendra pas à la période des « trente glorieuses » et aux compromis keynésiens. La jeunesse est en profonde rupture avec le monde des vieux partis du mouvement ouvrier, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit dépolitisée ou égoïste comme on le dit ici et là : elle est simplement sceptique sur la pertinence de discours et de politiques vieux d’un siècle et plus et qui ont soit montré leur échec soit sont devenus obsolètes. Enfin, il est facile de comprendre qu’une gauche divisée, sans projet commun, une gauche dans laquelle chacun cherche surtout à s’affirmer contre les concurrents du même camp, a peu de chance de conduire à des ruptures que la situation appelle objectivement. D’où le paradoxe : faute de solutions alternatives jugées accessibles et applicables, le vote contre une droite dévastatrice se porte de façon assez conservatrice vers le PS, sans illusion sur la possibilité d’inverser ainsi le cours des évènements.
Le réalisme commande de chercher les voies et les moyens d’une revitalisation du mouvement « par en bas ». Et cela demande non des analyses savantes sur la crise du capitalisme, mais l’action en faveur de tout ce qui va dans le sens de l’auto-organisation. Permettre aux citoyens de s’emparer de leurs propres affaires pour les conduire, les mener comme ils peuvent en débattre et le décider. Qu’il s’agisse des mouvements associatifs, de l’éducation populaire, des organisations de défense contre la dégradation de l’environnement, des mouvements de défense des services publics, des mouvements paysans ou encore des coopératives. Bref de tout ce qui pratiquement ouvre une voie non-capitaliste. L’action politique pourrait alors être conçue non comme la proposition et la mise en œuvre par en haut, par décrets, d’un programme anticapitaliste, mais plutôt comme la réalisation des conditions politiques qui permettent à ce genre de mouvements d’en bas de vivre et se développer : réforme de la constitution, défense des libertés démocratiques, de l’autonomie des communes – donc contre la « réforme » des collectivités locales – et des services publics conçus comme des moyens qui permettent à tous de développer les initiatives pratiques. Cela exigerait aussi un protectionnisme raisonnable, dont l’idée est maintenant assez largement partagée à gauche. Bref un large bloc social et politique qui contribuerait grandement à régénérer la vie politique dans notre pays. Mais ces propositions modestes ne sont peut-être pas « réalistes » dans l’ambiance putride créée par l’élection présidentielle plébiscitaire inventée il y a un demi-siècle.
Denis COLLIN
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vers la desobeissance europeenne ?
Les syndicats irlandais appellent à défiler contre l'austérité
Les syndicats irlandais appellent ce samedi à une grande marche dans les rues de Dublin contre l'austérité et la décision du gouvernement de solliciter l'aide de l'UE et du FMI. Les organisateurs attendent plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Le cortège aura pour destination la Poste centrale, quartier général de l'insurrection irlandaise de 1916 où fut proclamée la république, et symbole de l'indépendance du pays. La dernière grande manifestation depuis la crise de 2008 a eu lieu en début d'année dernière et a rassemblé quelque 100.000 Irlandais.
Le gouvernement de Brian Cowen a présenté mercredi un plan de réduction des déficits sur quatre ans qui doit se traduire par 15 milliards d'économies. Dublin a parallèlement accepté dimanche dernier le principe d'une aide conjuguée de l'Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI) dont les modalités devraient être dévoilées ce week-end.
ats / 27 novembre 2010 05:56
http://www.romandie.com/infos/ats/display2.asp?page=20101127055635820172019048094_brf005.xml
La colere risque d’etre rude,debouchera t elle sur un mouvement de desobeissance civile durable et contagieux a toute l’Europe ?
Les tigres irlandais abandonnent sur place leur moteur
par Philippe Béchade
Vendredi 26 Novembre 2010
.......Il suffirait de peu de chose --comme une pincée d'austérité -- pour que la situation bascule comme en Espagne ou en Irlande. Dans ces pays, les parkings des centres commerciaux de taille secondaire sont de plus en plus clairsemés le week-end, tandis que les plus grands malls surnagent à coup d'opérations "super promo" et "prix cassés", sans oublier des attractions parfois dignes des casinos de Las Vegas.
A Dublin, il existe au moins un parking qui connaît une affluence inhabituelle depuis quelques mois : il s'agit de l'ère de stationnement longue durée de l'aéroport international de la capitale, situé près de la bourgade de Sword.
Beaucoup de véhicules semblent simplement attendre d'y être intégralement recouverts de poussière, de feuilles mortes et de toiles d'araignée. Et curieusement, les portières de nombreuses grosses berlines allemandes ou d'orgueilleux SUV qui s'enracinent dans le bitume ne sont même pas verrouillées.
Plus surprenant encore, les clés sont restées sur le contact et la carte grise est posée bien en évidence sur le tableau de bord. Il n'y a plus qu'à prendre place à bord, régler la hauteur du siège conducteur, actionner les essuie-glaces pour retrouver de la visibilité... et écouter ronronner le moteur.
Mais où sont donc passé les propriétaires ? Le plus souvent au Canada, en Angleterre ou en Australie selon la police et les organismes de crédit qui leur avaient envoyé le dernier "commandement avant saisie du véhicule".
L'Irlande a recommencé à subir une vague d'exode sans précédent depuis un siècle. Sans boulot, sans espoir d'en retrouver un avant 2015, sans protection sociale, sans domicile -- les huissiers sont submergés de procédures de foreclosure à la demande des banques créancières --, des milliers d'Irlandais quittent le pays avec un aller simple en poche.
Ils abandonnent le peu de biens matériels qui leur restaient en propre pour fuir des mois de grisaille et des années de surendettement, débouchant sur une infamante faillite civile.......
http://www.la-chronique-agora.com/articles/20101126-3214.html
Dimanche soir,lors de l’annonce du plan d’austerité,a la sortie du palais de Dublin,les vehicules gouvernementaux furent chahutés,bien plus que jamais en France..
(Antenne 2,lundi 13H)
.....Un syndicat, le TEUU, appelle déjà à la « désobéissance civile »