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Jean-Luc Mélenchon, une candidature bonapartiste

Par Robert Duguet • Actualités • Jeudi 03/03/2016 • 2 commentaires  • Lu 3112 fois • Version imprimable


 

« Il n’est pas de sauveur suprême,
Ni Dieu, ni César, ni Tribun,
Producteurs sauvons-nous nous-mêmes,
Décrétons le salut commun »

Paroles d’une chanson célèbre…

A quel moment politique sommes-nous ?

Les grandes orgues médiatiques commencent à donner pour la présidentielle de 2017. Et ce n’est pas étonnant, du reste, et compte tenu du point de vue que nous allons développer sur la question, que ce soit Jean Luc Mélenchon, qui ouvre le bal. Nous sommes en fait dans un moment politique de profonde instabilité sociale, où la montée des luttes sociales particulières, cherchent à s’exprimer centralement et à affronter la politique complètement réactionnaire du gouvernement Hollande-Valls. La question de la destruction du code du travail met le PS au bord de l’éclatement : le retrait des députés de la mouvance de Martine Aubry de la direction du parti traduit bien les derniers pôles de résistance sociale-démocrate contre les néos et le gouvernement.

Nous sommes légitimement en droit de poser la question : est-ce que l’élection présidentielle de 2017 peut ouvrir une perspective pour ceux et celles qui supportent la crise actuelle ? S’agit-il de mettre en place un gouvernement qui casse la petite couche sociale parasitaire qui se gave de dividendes tandis que les patrons licencient à tour de bras, mettent les entreprises en liquidation parce que ceux-ci ne retrouvent pas leurs surprofits et qu’ils nous chantent du matin au soir que l’industrie française n’est pas compétitive ? S’agit-il d’imposer aux entreprises quand elles touchent 40 milliards de fonds publics de prendre les mesures d’autorité pour que les entreprises embauchent massivement ? S’agit-il de renationaliser les services publics ? S’agit-il d’abroger le pacte de responsabilité et de rétablir les statuts et conventions collectives ? S’agit-il d’arrêter la destruction de l’école publique et de renvoyer madame Najat Vallaud-Belkacem à ses galeries de mode, d’abroger toutes les lois antilaïques qui continuent de gaver l’école privée catholique ? Non bien sûr, l’écrasante majorité de la population, celle qui travaille ou voudrait bien travailler pour vivre, sait qu’il ne s’agit pas de cela : intuitivement les gens ressentent qu’il n’y a plus de solution politique dans le cadre institutionnel. Il n’y aura pas de construction d’une alternative politique sans intervention directe du peuple en ce « lieu où se règle ses propres destinées » (Léon Trotsky). Autrement dit si nous ne renversons pas la table de ce régime corrompu jusqu’à la moelle, 2017 sera un théâtre d’ombre promu par un système médiatique à la botte et qui ne règlera rien.

La question de la « constituante souveraine »…

…qui a été abordée par le mouvement pour la 6ème république (M6R) et aujourd’hui par son jlm2017.fr est purement un habillage de circonstance au service d’un destin présidentiel. Je ne sais pas si, dans une situation d’affrontement avec la politique réactionnaire de la droite et de la gauche institutionnelle, la question d’une constituante surgira. Ce que je sais, c’est que dans l’histoire des régimes républicains depuis 1789, la seule constituante souveraine que nous connaissions vraiment est celle qui est issue d’un processus révolutionnaire, c’est-à-dire d’une intervention précise de la classe porteuse d’un avenir, la bourgeoisie, poussée par la petite bourgeoisie radicalisée pour débarrasser la société des restes du féodalisme. Les républiques bourgeoises qui ont suivi se sont bien gardées de mettre en place des cadres de représentation donnant trop d’espace aux « classes dangereuses ». Les fondateurs de la 3ème république sont hantés par le fantôme de la commune, il n’y aura pas de constituante en 1876. Dans la constituante qui préside à la naissance de la IVème , le PCF, alors parti dominant dans la nation, mettra tout son poids à la limiter au cadre d’une république parlementaire classique. Dans les entreprises c’est le « produire d’abord, revendiquer ensuite » de Maurice Thorez : pas question de touche à l’appropriation privée des moyens de production. Quant à la Vème, elle est née d’un coup d’état bonapartiste : 1981, Mitterand endosse la défroque de Charles De Gaulle, et s’assied émerveillé (voir le témoignage d’André Bergeron lors de sa première visite à l’Elysée en 1981) derrière le bureau présidentiel de Charles. Ceci pour souligner qu’une constituante est toujours le produit d’une situation de nature révolutionnaire : lisez les articles de Mélenchon en ce moment, cela devient caricatural ! Lui qui parle tellement du peuple, il voudrait bien que la constituante se fasse sans le peuple. C’est encombrant un peuple qui entre dans un processus révolutionnaire ! Et c’est difficile de le traiter comme les opposants de la direction du Parti de Gauche que l’on exclut ou que l’on place sous tutelle… La situation présente fait apparaître dans une lumière crue que la République sera sociale ou ne sera pas, à savoir qu’elle devra toucher au régime de l’appropriation privée des grands moyens de production. Il n’y a plus de place pour un néo-réformisme…

Mélenchon en rupture avec le Front de Gauche ?

Lorsque le Front de Gauche s’est constitué en 2008 il représentait une offre politique que nous avons pour notre part soutenu : le vecteur politique qui a permis son existence et son développement, c’était la rupture provoquée au sein du PS et qui a débouché sur la proclamation du Parti de Gauche. Dans leur histoire les partis officiels du mouvement ouvrier ont connu à plusieurs reprises des scénarios de ce genre : lorsque la politique de ces organisations était opportuniste ou lorsque, comme aujourd’hui, elles passaient sur la ligne de l’adversaire, des courants se détachaient et cherchaient à refonder une représentation fidèle aux idéaux socialistes ou communistes. Il y a eu Marceau Pivert en 1936, puis les contestations de la ligne du PCF de soutien à De Gaulle à la Libération, il y a eu les résistances à la politique coloniale de la France et la naissance du PSA… Avec le Front de Gauche on était dans un cadre, néo-réformiste certes, et le programme l’Humain d’abord s’opposait, sans doute timidement à la dérive néo-libérale du PS, mais on restait dans un cadre qui restait celui du mouvement ouvrier et de son combat pour l’émancipation sociale. La nature du FDG, cartel constitué sur un objectif strictement électoral, a vu rejaillir les contradictions : passée la présidentielle, le PCF a glissé très vite sur sa ligne naturelle d’adaptation électoraliste au PS dans les scrutins locaux : le PCF voulait sauver les meubles et ses élus, c’est la seule motivation d’un parti condamné par l’histoire à disparaitre.

L’évolution de Jean Luc Mélenchon à partir de là, s’est faite sur la droite, et non pas sur la gauche. L’écriture de son ouvrage « L’ère du peuple » a de ce point de vue le mérite de la clarté. On quitte le terrain du marxisme : il n’y a plus d’une part la classe des salariés, force motrice du peuple, qui ne possède que sa force de travail pour vivre et d’autre part le capital qui n’existe que par l’extraction de la plus-value ou vol d’une partie de la force de travail produite, contradiction classique sur laquelle le mouvement ouvrier s’est constitué : rappelons ce que disait , le capital est un rapport social. Au stade actuel de la crise mortelle du mode de production capitaliste, il y a d’autant plus urgence à la constitution du salariat en classe politique pour gouverner la société. Pour Mélenchon il y a l’oligarchie d’un côté et le peuple de l’autre : la dialectique sociale est faite de cette confrontation, où le mouvement des classes, déterminé par le rôle spécifique que ces dernières jouent dans la production du travail social, s’estompe dans un brouillard diaphane.

C’est ainsi que celui, dont on pouvait penser qu’il avait la volonté de refonder un projet de rupture anticapitaliste, se trouve aujourd’hui sur la même orientation politique que le fondateur de la Vème république, Charles De Gaulle. Héritier spirituel de Charles Maurras, De Gaulle part de l’opposition entre le pays réel et le pays légal, c’est-à-dire la nation  démocratiquement constituée. Le recours au bonapartisme part de ce positionnement du chef qui parle directement au peuple par-dessus tout ce qui peut constituer ce peuple en factions, organisations, syndicats divers. Ainsi la définition du peuple prend un caractère tout à fait abstrait, puisqu’à la base la conception bonapartiste rejette le « régime des partis » : en 1946, De Gaulle échoue devant la force sociale issue de la lutte contre le fascisme, mais en 1958 il impose les institutions les plus réactionnaires de toute notre histoire en réglant la question algérienne. Le président se présente comme l’arbitre entre les classes sociales, en fait il n’est pas autre chose que le missi dominici de la classe patronale. La gauche légale n’a pas fait autre chose depuis 1983 que de se coucher devant ce système totalement antidémocratique, ce régime du « coup d’état permanent ».

Rapport direct à un « peuple » dont aucune définition sérieuse n’est donnée !

Mélenchon déclare ceci :

“Tout le monde peut se joindre à moi pour travailler sur le programme et agir. Voilà comment on mène une élection, dans un rapport direct aux citoyens, pas dans une carabistouille entre partis politiques" ; "je ne demande la permission à personne, je suis hors cadre des partis, je suis ouvert à tout le monde ; les organisations, les réseaux, mais les citoyens d’abord."

Mélenchon, candidat du Front de Gauche, était le représentant d’un arc politique constitué par un certain nombre d’organisations se situant contre les dérives du PS et donc sur le terrain d’un néo-réformisme progressiste. On peut épiloguer sur les limites et sur la crise du Front de Gauche, c’est une discussion … nous l’avons cent fois menée depuis 2008. Mais dans ce cadre Mélenchon restait un candidat du mouvement ouvrier. L’éclatement du Front de Gauche et sa rupture de fait avec ce dernier, l’entraine aujourd’hui sur une pente qui est celle du souverainisme, avec des accents cocardiers réactionnaires, nationalistes. On a écrit qu’il se chevènementisait, c’est exact. Le Mélenchon de 2012 était un candidat du mouvement ouvrier dans la Vème République. Aujourd’hui, il est un candidat de la Vème République.

Cerise sur le gâteau ses positions à l’International…

Nous publions dans les pages de ce blog l’article de Dominique Vidal dans la revue Regards à propos de la prise de position récente concernant la politique de Poutine en Syrie. Ce spécialiste du Moyen Orient écrit une chose tout à fait fondamentale :

« Jean Luc Mélenchon a pris l’habitude de se faire l’avocat de Vladimir Poutine, en Syrie comme en Ukraine. Visiblement, il croit déceler une continuité entre l'union soviétique et la Russie. Cette filiation est une vue de l’esprit. »

Voir dans la Russie actuelle la continuité de l’Union Soviétique, c’est reprendre les schémas qui ont été ceux de la vieille gauche française, PCF et PS, pendant des décennies : la social-démocratie regardait du côté des pays capitalistes avancés ou des Etats-Unis, tandis que le PCF regardait du côté  du système soviétique. On appelait cela la politique des blocs. Mélenchon, dans le domaine de la politique internationale, est resté dans les cadres de ce vieux logiciel, qui interdit de penser la politique en termes de mouvement des peuples pour leur émancipation. Il défend une politique qui va à l’inverse de l’internationalisme.

Petits et grands bonapartes prolifèrent depuis les débuts de la Vème République… Voici le dernier en date : Mélenchon fait à la France le don de sa personne….

 


Pourquoi Jean-Luc Mélenchon se trompe, par Dominique Vidal


Source: http://www.regards.fr/web/article/syrie-pourquoi-jean-luc-melenchon

Dominique Vidal, spécialiste du Proche et du Moyen-Orient, a regardé Jean-Luc Mélenchon lors de l’émission On N'est Pas Couché (ONPC) du Samedi 20 Février 2016. Il décrypte les analyses de Jean-Luc Mélenchon sur la Syrie, qui ont fait polémique.
 

Il est rare que, dans une émission de grande écoute, la situation syrienne occupe une telle place, près d’un quart d’heure. Mais ce fut, hélas, le trou noir d’une intervention par ailleurs brillante de Jean-Luc Mélenchon.
 
Car le candidat aux élections présidentielles opère un grand écart incompréhensible dans son raisonnement. Dans un premier temps, il considère à raison qu’il n’y a pas de solution militaire à une crise politique et s’oppose donc à toute intervention militaire occidentale, en particulier française, en Syrie. Et on le suit. En revanche, mystère de la logique mélenchonienne, il soutient l’intervention russe. Et il le fait au nom de la lutte contre l'Etat Islamique et de la solidarité envers les kurdes assaillis par l’armée turque.
 
L’intervention russe a pour but de sauver Bachar al Assad
 
Malheureusement, je crois que Jean-Luc Mélenchon connaît mal le dossier. La Turquie est constante, de tout temps, elle s’est focalisée contre les kurdes. Le fait qu’elle intervienne désormais en territoire syrien n’est qu’une question de degré. Il n’y a rien là de radicalement neuf.
 
De surcroît, Jean-Luc Mélenchon tait la réalité de l’intervention russe. Tous les observateurs, en dehors des russes, relèvent que l’action russe est principalement dirigée contre les opposants modérés au régime de Bachar al Assad.
 
Le type de bombardement, le carpet bombing, le tapis de bombes, s’inspire des actions de l’armée russe en Tchétchénie. L’aviation russe bombarde les civils et les militaires de façon indifférenciée. C’est très choquant. Un hôpital d’une Organisation Non Gouvernementale (ONG) vient même d’en être la cible.
 
J’ai accueilli récemment à l’Institut de Recherches et d'Etudes Méditerranée Moyen-Orient (IREMMO), pour un débat, l’ambassadeur russe en France, Alexandre Orlov, il n’a pas même présenté le combat contre l'Etat Islamique comme l'objectif de l’intervention de son pays en Syrie. Le but de celle-ci, a-t-il dit, c’est de sauver Bachar al Assad et son régime. Car, s’ils tombaient, ce serait la porte ouverte à une extension du djihadisme, notamment dans le Caucase.
 
Qu’est-ce qui permet à Jean-Luc Mélenchon de dire que l’objectif des russes est d’abattre l'Etat Islamique ? D’autant que, je le répète, l’écrasante majorité des bombardements russes ne visent pas les djihadistes.
 
Vladimir Poutine ne défend que les intérêts de Moscou, du moins ce qu’il considère comme tels.
 
Jean-Luc Mélenchon a pris l’habitude de se faire l’avocat de Vladimir Poutine, en Syrie comme en Ukraine.
 
Visiblement, il croit déceler une continuité entre l'union soviétique et la Russie. Cette filiation est une vue de l’esprit. À supposer que l'union soviétique ait agi au plan international pour défendre des causes justes, Vladimir Poutine ne défend plus ni ces causes, ni les valeurs qui les inspiraient. Vladimir Poutine ne défend que les intérêts de Moscou, du moins ce qu’il considère comme tels. Car il y a un grand écart entre les véritables intérêts de la Russie et la manière dont le groupe dirigeant les conçoit.
 
Je pense que Jean-Luc Mélenchon reproduit la même erreur d’analyse en ce qui concerne les régimes arabes. Le nationalisme arabe, laïc et socialiste, a disparu depuis longtemps. Les régimes de Saddam Hussein, hier, ou de Bachar al Assad, aujourd’hui, n’ont aucun rapport avec ceux des années 1960 et des années 1970. La politique progressiste a été remplacée par une politique libérale, marquée par les dénationalisations. De véritables mafias dominent l’Irak comme la Syrie.
 
Et la dimension laïque s’est réduite au point de n’être plus qu’une façade pour occidentaux de passage. Saddam Hussein faisait de plus en plus référence à l’islam dans les dernières années de sa dictature. Et Bachar al Assad instrumentalise les minorités comme un fond de commerce politique. Il y a eu fondamentalement une rupture au tournant des années 1980. Étrangement, Jean-Luc Mélenchon semble l’ignorer.


Les puissances impérialistes contre le soulèvement populaire, par Joseph Daher

Source :https://www.syriafreedomforever.wordpress.com/2016/02/11/la-syrie-ou-la-volonte-des-puissances-imperialistes-de-mettre-fin-totalement-au-soulevement-populaire

Mercredi 10 Février 2016

Les objectifs de l’intervention militaire et des bombardements massifs russes sont clairs depuis le 30 septembre 2015, sauver et consolider la puissance militaire et politique du régime de Bachar al Assad. Le président russe Vladimir Poutine a dit le 28 septembre 2015, avant le début des opérations, « qu'il n’y a pas d’autre manière de mettre fin au conflit syrien autre qu’en renforçant les institutions de l’actuel gouvernement légitime dans leur combat contre le terrorisme ».

En d’autres termes, écraser toutes les formes d’opposition, démocratiques ou réactionnaires, au régime de Bachar al Assad dans le cadre de cette soi-disant « guerre contre le terrorisme ». Tous les régimes autoritaires ont utilisé ce même genre de propagande pour réprimer les mouvements populaires et / ou des groupes d’opposition à leur pouvoir.

Cela a des conséquences terribles sur les civils. Le 20 Janvier 2016, l’Observatoire Syrien pour les Droits de l'Homme (OSDH) a annoncé que les frappes aériennes russes ont tué mille quinze civils, dont plus de deux cent enfants, depuis le 30 Septembre 2015, tandis que des centaines de milliers de civils ont dû fuir leurs maisons en raison des frappes aériennes russes, en plus de la destruction de quartiers entiers, hôpitaux, écoles et boulangeries.

Les Etats-Unis ignoraient-ils les objectifs de l'état russe ? Il est peu concevable que cela soit le cas, bien au contraire, ils ont probablement vu l’intervention militaire russe comme une occasion de faire pression sur l’opposition syrienne pour le pousser à négocier avec le régime de Bachar al Assad, comme d’ailleurs cela s’est constaté ces dernières semaines. Le secrétaire d'état américain John Kerry a en effet dit à des travailleurs humanitaires syriens, en marge d’une conférence des donateurs à Londres, que « l’opposition syrienne sera décimée » et que la population syrienne devait prévoir trois mois de bombardements. John Kerry a d’ailleurs accusé l’opposition syrienne d’avoir quitté les pourparlers de la troisième conférence de Genève et dès lors d’avoir ouvert la voie à une offensive conjointe du régime syrien et de la Russie contre Alep.

L’attitude politique des Etats Unis ne doit néanmoins pas être considérée comme une surprise ou une trahison de Washington comme certains l’ont présenté. Cela signifierait que l’administration américaine aurait même pour une seconde eu une volonté politique de changement de régime en Syrie, ce qui n’a jamais été le cas comme je l’ai montré dans de nombreux articles.

Malgré leur rivalité, les interventions des états impérialistes et sous-impérialistes, impérialismes régionaux, partagent un objectif commun aujourd’hui, liquider le mouvement populaire révolutionnaire en Syrie commencé en mars 2011, stabiliser le régime de Damas en maintenant à sa tête le dictateur criminel, pour un court et moyen terme au moins, et essayer de vaincre militairement l'Etat Islamique.

Par exemple, le ministre des affaires étrangères saoudien Adel al-Jubeir a déclaré le 8 février 2016 que Riyad envisageait la possibilité d’envoyer des forces spéciales saoudiennes en Syrie dans le cadre d’une coalition des États-Unis dirigée contre l'Etat Islamique. Les Émirats Arabes Unis (EAU) et Bahreïn ont également rejoint le mouvement en affirmant leur volonté d’envoyer des troupes pour former et soutenir la coalition américaine contre l'Etat Islamique, tandis que le Koweït soutient l’alliance contre l'Etat Islamique mais n’enverra pas des troupes. En même temps, le roi du Bahreïn, Hamad bin Isa al Khalifa, a accueilli et offert au président russe Vladimir Poutine une épée damascène et il lui a dit qu’il l'a appelée l’épée de la victoire et que la victoire sera son alliée. Le conseiller du président russe a annoncé de son côté que le roi Salman d’Arabie Saoudite a prévu de se rendre en Russie au mois de mars 2016.

Nous ne devons en effet pas imaginer les rivalités impérialistes à l’échelle mondiale entre les Etats-Unis, la Chine et la Russie ou régionales entre différents impérialismes régionaux comme impossibles à surmonter lorsque leurs intérêts sont en jeu et que les relations d’interdépendances sont en fait très présentes. Tous ces régimes sont des pouvoirs bourgeois qui sont ennemis des révolutions populaires, uniquement intéressés par un contexte politique stable qui leur permette d’accumuler et de développer leur capital politique et économique au mépris des classes populaires.

Cela n’a pas d’importance que les personnes détenues par le régime syrien soient tuées à une échelle quasi industrielle et systématique constituant une politique étatique d'extermination de la population civile et un crime contre l’humanité, selon des enquêteurs de l'Organisation des Nations Unies (ONU).

Aucune puissance régionale ou internationale n’est une amie de la révolution syrienne comme nous l’avons montré à maintes reprises.

Dans ce cadre, l'ONU agit comme une institution au service de ces diverses puissances impérialistes. Le révolutionnaire russe Léon Trotsky avait décrit l’ancêtre de l’ONU, la Société Des Nations (SDN) de la manière suivante, « la SDN dans sa défense du statu quo n’est pas une organisation de paix, mais une organisation de la violence de la minorité impérialiste sur la grande majorité de l’humanité ». Cela s’applique parfaitement aujourd’hui à l'ONU et au plan de Staffan de Mistura de soi-disantes négociations de paix pour la Syrie, comme les précédents d’ailleurs. On a également pu constater cela dans le silence de l’ONU sur le blocus par le régime de Bachar al Assad et du Hezbollah de la ville de Madaya, qui avait commencé dès la fin du mois de juin et le début du mois de juillet 2015, et cachant les principaux aspects du blocus pendant des mois, ou encore par la déclaration de Carla del Ponte, membre actuel de la commission d’enquête sur la Syrie de l’ONU, déclarant que de façon générale l’intervention russe en Syrie avait été positive, parce qu’elle attaquait des groupes terroristes tels que l'Etat Islamique et al Qaïda, tout en ajoutant qu’il y avait néanmoins un petit problème, le manque de distinction des frappes aériennes russes entre les civils et les groupes terroristes.

Le rôle des forces progressistes et démocratiques est de s’opposer et de condamner tous les projets impérialistes qui ont pour objectif de mettre un terme à la révolte populaire syrienne, de condamner la guerre continue du régime criminel de Bachar al Assad contre la population syrienne et de condamner l’assistance apportée par des forces étrangères de la Russie, de l’Iran, du Hezbollah et d’autres milices fondamentalistes chiites dans cette campagne meurtrière.

L’intervention de ces puissances et groupes étrangers a augmenté de manière considérable le nombre de victimes civiles et les souffrances dans le pays. En même temps, il nous faut nous opposer également aux interventions des monarchies du golfe et de la Turquie dans le passé et aujourd’hui, qui avaient pour objectif d’avancer leurs propres intérêts politiques égoïstes et non pas ceux du peuple syrien et de changer la nature de la révolution dans une guerre confessionnelle ou d’augmenter les animosités confessionnelles, suivant un comportement similaire donc du régime de Bachar al Assad et de ses alliés.

Nous devons soutenir aujourd’hui des demandes cruciales du peuple syrien qui sont la paix, la fin de la guerre, des bombardements et des blocus, la libération des prisonniers politiques et le retour des réfugiés et des populations déplacées internes. En même temps, il faut maintenir les objectifs initiaux de la révolution dans notre lutte et horizon politique, la liberté, la justice sociale, l’égalité et le refus du confessionnalisme et du racisme.

Nous pouvons encore trouver des exemples de poches d’espoir en Syrie soutenant ces objectifs initiaux. La ville de Zamalka, dans la province de Damas, a vécu des nouvelles expériences de démocratie locale avec l’élection par les habitants d’un nouveau conseil populaire local.

L’organisation populaire The Day After (TDA) a lancé au cours des dernières semaines une campagne de développement des capacités des femmes à l’intérieur de la ville de Douma, en mettant l’accent sur la participation et le leadership des femmes dans la société syrienne et les défis auxquels elles sont confrontés, y compris des conséquences de l’état des sièges et de la guerre sur leur vie et leur capacité à travailler.

Une autre campagne de l’organisation TDA appelée « se plaindre afin de ne pas perdre ses droits », a été menée dans la ville de Deraa, dans laquelle les activiste du TDA ont installé des « boîtes à plaintes dans les rues » pour encourager les citoyens à exprimer leurs préoccupations qu’ils peuvent avoir sur les groupes armés dans leurs régions et encourager des mesures et initiatives pour améliorer et renforcer les interactions entre les civils et les membres des groupes armés. La campagne avait déjà été lancée dans le passé à Idlib et à Douma. Des rassemblements ont été organisé à Douma, Kafranbel et Saraqeb en solidarité avec le peuple kurde avec des slogans tels que « de Douma à Amouda, paix et respect » et « les kurdes sont une partie de la révolution syrienne » et pour réactiver le mouvement populaire civil. Le mouvement de la jeunesse de Saraqeb dans le gouvernorat d’Idlib avait lancé une campagne pour promouvoir le respect de la liberté d’expression appelée « ceci est votre opinion », mais a dû arrêter après les menaces des groupes armés locaux.

Nous devons soutenir ces poches d’espoir et la résistance populaire armée et civile existant encore en Syrie et composée de divers groupes et mouvements démocratiques et progressistes opposés à toutes les formes de la contre-révolution, le régime de Bachar al Assad et ses alliés et les groupes fondamentalistes islamiques.

Commentaire après l’accord de Munich du Vendredi 12 Février 2016 entre la Russie et les Etats Unis

Les puissances internationales ont convenu de mettre en place un cessez le feu en Syrie qui doit débuter la semaine prochaine et de fournir un accès humanitaire rapide aux villes syriennes assiégées.

Ces déclarations risquent malheureusement de rester lettre morte, car le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré que la Russie n’arrêterait pas les frappes aériennes en Syrie, affirmant que la cessation des hostilités ne s’applique pas à l’Etat Islamique et à Jabhat al Nusra. L’état russe a fait des déclarations similaires dans le cadre de sa soi-disante « guerre contre le terrorisme » et de sa campagne de bombardements massifs en Syrie qui a commencé le 30 Septembre 2015 pour justifier son intervention militaire dans le pays du côté du régime de Bachar al Assad et qui a surtout touché des groupes de l’Armée Syrienne Libre (ASL) et autres groupes islamistes, en plus des civils.

 


(Texte repris du blog de Robert Duguet)

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Commentaires

Vous avez dit campisme ? par gilles le Vendredi 04/03/2016 à 15:01

Un article qui laissait espérer au départ une analyse du régime représentatif et de l'arbitraire du pouvoir personnel :

  1. « Nous sommes légitimement en droit de poser la question : est-ce que l’élection présidentielle de 2017 peut ouvrir une perspective pour ceux et celles qui supportent la crise actuelle ? »
  2. « intuitivement les gens ressentent qu’il n’y a plus de solution politique dans le cadre institutionnel. »
  3. La gauche légale n’a pas fait autre chose depuis 1983 que de se coucher devant ce système totalement antidémocratique, ce régime du « coup d’état permanent ».


et qui finit en queue de poisson par un campisme ( OTAN-Turquie-Régimes du golfe ) outrancier, l'inverse du campisme ( Russie-Iran-Syrie-Hezbollah) de mélenchon. Je cite l'article :
  1. « de condamner la guerre continue du régime criminel de Bachar al Assad contre la population syrienne et de condamner l’assistance apportée par des forces étrangères de la Russie, de l’Iran, du Hezbollah et d’autres milices fondamentalistes chiites dans cette campagne meurtrière. »
  2. « En même temps, il nous faut nous opposer également aux interventions des monarchies du golfe et de la Turquie dans le passé et aujourd’hui, qui avaient pour objectif d’avancer leurs propres intérêts politiques égoïstes. »

D'un côté on a les méchants criminels meutriers et de l'autre côté les égoïstes auquels il faut s'opposer, mais c'est des gentils, ils ne tuent aucune personne ! À partir de là, on peut tirer le rideau, la lutte des classes en France est oubliée par l'auteur pour se faire le petit télégraphiste géo-politique de Washington. Si on ne dénonce pas tous les camps on est complice de celui que l'on n'a pas dénoncé. C'est dire si ce genre de billevesées géo-politiques basés sur des évènements dont nous ignorons certaines facettes ( et souvent en fait le résultat des différents coups tordus des appareils de sécurité des différents protagonistes ) va aider à améliorer le résultat des luttes sociales, imposer le plein-emploi et la démocratie directe.


Lien croisé par Anonyme le Samedi 23/04/2016 à 02:13

Le journal de BORIS VICTOR : "Jean-Luc Mélenchon, une candidature bonapartiste - 03/03/16"



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