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La résistible ascension d’Emmanuel Badinguet

... le bonapartisme de Jupiter Ier

Par Denis Collin • Actualités • Samedi 01/07/2017 • 7 commentaires  • Lu 5289 fois • Version imprimable


On pensait que Macron était simplement un produit de marketing promu par les BNP (Berger, Niel, Pigasse), par Drahi et par la crème du capital financier et médiatique. Ce qu’on avait mal estimé c’est la nature du projet politique. On savait que la ligne Macron était l’ubérisation de l’économie, la destruction du code du travail avec toutes les autres conséquences de la « concurrence libre et non faussée ». Mais on aurait dû comprendre que ce coup de force social, cette révolution contre l’État social modèle 1945 nécessitait une aggravation sans précédent du caractère bonapartiste autoritaire de la Ve République. Du défilé des Champs Élysées en véhicule militaire jusqu’à la réunion du congrès de lundi prochain, les symboles et les actes définissent une ligne :

- l’ordre (militarisé) avec la mise en place d’une unité spéciale de « lutte contre le terrorisme » – c’est-à-dire en fait vouée à « l’ordre intérieur » placée directement sous le contrôle du président – et non sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur et de la Justice ;

- le projet d’intégration de l’état d’urgence à la loi ordinaire, autrement dit faire de l’état d’urgence la règle normal de la république, ce qui implique de nouveaux coups portés à la séparation des pouvoirs et l’octroi à l’exécutif et à l’administration de pouvoirs incompatibles à toute conception libérale de l’organisation des pouvoirs publics ;

- les ordonnances pour détruire le droit du travail veulent mettre à bas tout l’édifice du droit social dans ce pays, patiemment construit depuis plus d’un siècle et demi ;

- la convocation du congrès pour la communication du président le lundi 3 juillet s’inscrit dans la ligne d’inflexions successives qui visent à supprimer tout ce qui pouvait rester de parlementaire dans la constitution. En définissant devant les parlementaires, sans débat, les grandes orientations du gouvernement, Macron met en cause l’article 20 de la constitution qui stipule que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il dispose de l'administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50. » Macron entérine le position de Sarkozy qui définissait le premier comme son « collaborateur ».

L’organisation même de l’exécutif concentre tous les pouvoirs à l’Élysée. Les conseillers du président et ceux du premier ministre sont les mêmes. Il y a une fusion entre l’Élysée et Matignon et donc Philippe est un hologramme de Macron. Rien d’autre. La création d’une force spéciale placée directement sous le contrôle du PR va dans le même sens.

Dans la presse, on assiste à un nettoyage sournois mais efficace : les ruptures de contrat dont Natacha Polony a été la victime en sont un signe parmi d’autres. On signale des cas de censure assez nombreux dans la presse écrite : les Échos, par exemple, ont censuré une chronique bien modérée du social-démocrate Michel Broué. Face à ces menaces, la plupart des journalistes redoublent de zèle. Il y a encore 10 ans que le président de la république se fût proclamé « jupitérien » eût hurler de rire la France entière. Aujourd’hui, presque rien ! Quelques jours plus tard, le ministre de l’économie, M. Le Maire s’est lui-même qualifié d’Hermès, le messager des dieux ! Plus rien n’arrête ces gens-là. On en arrive à se demander quand Emmanuel Macron proposera de ceindre la couronne impériale. Il pourrait prendre le nom de Napoléon IV…

La vraie nature du régime s’éclaire singulièrement. Il s’agit d’un régime bonapartiste – pour reprendre la qualification de – ou encore de ce césarisme qui était la hantise de tous les républicains d’antan. Quand De Gaulle fonde la Ve république, il a une idée directrice : le pouvoir c’est la rencontre d’un homme et de la nation, via l’élection plébiscitaire du président. Tous les autres pouvoirs n’ont aucun autonomie réelle et son de simples relais de « l’homme de la nation ». Tout cela est déjà clairement explicité dans le discours de Bayeux de juin 1946. Le régime réellement mis en place en 1958 ne correspondait pas exactement à ce projet. Il avait fallu composer : la SFIO par Guy Mollet interposé voulait bien de la nouvelle constitution mais sans détruire tout parlementarisme. Michel Debré définissait le régime comme un « régime mixte ». Mais ce régime recèle en lui des contradictions que les périodes de cohabitation ont bien montré : dans ces périodes il fonctionne pratiquement comme un régime parlementaire presque « normal ». C’est pourquoi la première grande manœuvre pour en finir avec caractère mixte a l’opération Chirac-Jospin de 2001 : réduction du mandat présidentiel à 5 ans et inversion du calendrier électoral de telle sorte que l’assemblée nationale ne soit que la projection de l’élection présidentielle et que soit écarté le risque de la cohabitation. La présidence de Sarkozy a renforcé cette orientation, notamment avec la possibilité d’un discours direct du président au congrès – au paravent le président ne pouvait qu’envoyer des messages et présence physique du président devant les parlementaires a une portée symbolique et politique forte. En quelques jours, le pouvoir macronien a donné une nouvelle impulsion à cette marche vers le régime du « pouvoir personnel », c’est-à-dire vers un régime bonapartiste, autoritaire dont le pilier n’est plus la représentation national mais l’appareil d’État concentré entre les mains de l’exécutif.

Depuis les années 80, on plaint dans ici et là du triomphe du libéralisme. Si les capitalistes ne rencontrent plus guère de limites à leurs ambitions, il ne s’agit nullement de libéralisme. Plus que jamais l’État est au main du capital financier – tout comme l’avait analysé en 1852 après le coup d’État de Louis Bonaparte. Mais cette mainmise du capital financier implique la liquidation de toutes les formes même les plus innocentes du libéralisme politique classique. Il ne s’agit pas d’une question purement française. Les mêmes tendances au « pouvoir personnel » se manifestent un peu partout. Au États-Unis, c’est Trump qui se heurte à la constitution américaine et au caractère fédéral très décentralisé du pouvoir politique. Trump s’inscrit dans un direction politique où l’on trouve aussi Poutine et Erdogan, mais aussi les tendances d’un Matteo Renzi pour limiter drastiquement le parlementarisme italien et achever ce que Berlusconi n’avait pas pu mener à bien. Macron prend sa place dans ce tableau. Mais rien n’indique qu’il pourra mener à terme son entreprise. En dépit de l’unanimisme médiatique, la majorité des citoyens n’est pas encore prête à crier « Vive l’Empereur ».

 

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Commentaires

Certes, certes, mais il y a un MAIS... et de taille! par Serge_Gomond le Dimanche 02/07/2017 à 14:40

Denis écrit: ... Macron prend sa place dans ce tableau. Mais rien n'indique qu'il pourra mener à terme son entreprise. En dépit de l'unanisme médiatique, la majorité des citoyens n'est pas encore prête à crier << Vive l'Empereur >>...

Certes, certes, mais il y a un MAIS... (et de taille!)

Résultat de l'élection présidentielle de Micron 1er, lundi 19 juin 2017:

Voici le résultat du vote "historique" qui a permit à Macron 1er de se faire élire au poste de président de la République française:
57% d'abstentionnistes, 9% de votes blancs et nuls, 5% de non-inscrits et 1% de personnes privées de leurs droits civiques = 3/4 de non-votants et 12% de votes exprimés en faveur de Macron 1er!
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en fait de majorité prête à crier <<Vive l'Empereur>>, il y aura bien unanimisme de la part d'une majorité de citoyens, mais certainement pas pour soutenir les pseudos réformes du programme ultra-réactionnaire de môssieu Macron 1er, et qui créeront immanquablement un climat insurrectionnel (d'où la reconduction des lois liberticides, dites d'exceptions) 



 


Re: Certes, certes, mais il y a un MAIS... et de taille! par Anonyme le Lundi 03/07/2017 à 16:19

 Et si l'affaire Fillon n'avait pas eu lieu , Pas de doute, En mache serait restée sur place.


DERRIÈRE LES REPRÉSENTATIONS GUIGNOLESQUES... par ROLAND le Jeudi 06/07/2017 à 11:41

DERRIÈRE LES REPRÉSENTATIONS GUIGNOLESQUES...

Derrière les références antiques, pharaoniques, royales ou bonapartistes, plus ou moins guignolesques attribuées à Macron, tente de se construire une nouvelle forme autocrate de pouvoir politique directe de délégataires de l'aristocratie financière atlantiste «éclairée» à l'intérieur du monde du capital devant les carences non seulement des Sarkosy, Fillon, Hollande mais également des Merkel, Shinzo Abe et Trump...pour régler vainement les problèmes clé de notre siècle, la sauvegarde de l'humanité et son environnement tout en perpétuant l'extension de leurs marchés sans aucune contrainte dans des zones qui leur sont encore infranchissables...Varoufakis qui il y a peu de temps, était de la même «équipe» que Macron, pense qu'il va échouer. Le mode de pensée macronien révélé dans son expression préférée «en même temps» uniquement binaire, dans un monde qui comporte déjà pour le moment quatre dimensions et comme chacun sait lorsque l'une d'entre elles bouge, chamboule du même coup toutes les autres, semble lui donner raison ! Tant que l'état d'urgence permanent purement «défensif» avec ses interdictions individuelles et collectives de manifester, pourra cantonner la résistance ascendante du monde du «travail», par contre, il en ira autrement lorsqu'il faudra sortir tout l'attirail coercitif pour la contenir, la maîtriser voire la réduire...Car l'épreuve de force est désormais inévitable, tous les éléments amortisseurs ayant disparus entre ce pouvoir autocratique et le peuple, il ne reste plus que ceux du monde du «travail» contenus dans chaque tête d'abstentionniste interpellé, d'électeur inquiet, d'opposant passif, de militant à la recherche d'une voie débouchante ou aboutissante, ... que désormais seul, le mouvement de la France Insoumise (φ), avec son programme «L'avenir en commun» obtenant 7 millions de voix le 23 avril, ses 17 députés insoumis, ses plusieurs centaines de milliers de soutiens militants et financiers en pleine maturation politique sans cesse croissante, pourra entraîner dans l'action...Première sur le terrain, la France Insoumise (φ) c'est «L'avenir ...en commun» ..!


Re: DERRIÈRE LES REPRÉSENTATIONS GUIGNOLESQUES... par José Ruiz le Lundi 16/10/2017 à 18:33

Je suis tout à fait d'accord, la sacrosainte loi du marché à fourni au capitalime une extension sans limite au détriment des peuples et de l'environnement. Et je dirai comme Paul Jorion, la fin du capitalisme et une question de survie pour l'humanité.
Le programme de La France insoumise est certes une partie de la réponse, sauf qu'il contient des absolus auquels je n'adhère pas du tout tel que "la fin du nucléaire" alors que cette énergie est la plus capable de limiter le réchauffement climatique dans un monde en croissance antropologique.
Par ailleurs, le comportement de JL Mélenchon peut être tour à tour enthousiasmant et déroutant de grossièreté. C'est dommage car se faisant il ne donne pas l'image d'un présidentiable.


Les grands médias ne suffisent plus... / Comment revitaliser un village? Comment créer une coopérative? par Anonyme le Mardi 11/07/2017 à 10:51

--- La République en Marche veut devenir un "média"

"Se constituer comme un média" sera donc l'un des chantiers phares du parti, selon une porte parole du gouvernement. L'idée, c'est de permettre au parti de produire son propre contenu pour relayer ses messages politiques, y compris "là où les médias ne vont pas" a-t-elle ajouté.

REM compte recruter des professionnels vidéastes et rédacteurs pour communiquer sur les initiatives des adhérents sur le terrain, selon l'AFP. "C'est à nous de monter sur des thématiques, nous avons un champ d'expression qui touche la vie des gens. Les syndicats, le gouvernement vont s'écharper, or c'est loin de la vie des gens" a déclaré la porte parole. (...)

La création d'une telle plateforme de communication aura aussi pour enjeu de préparer les prochaines élections, auxquelles le parti compte présenter des candidats.(...)

Devenir un média, une manière de "casser la lecture uniquement politique des partis" selon la porte-parole, mais également de poursuivre le projet de communication instauré par Emmanuel Macron (...)

http://www.rtl.fr/actu/politique/la-republique-en-marche-veut-devenir-un-media-7789252066


--- La République en marche se met en ordre de bataille à travers six grands chantiers

(...) Parmi eux, l'objectif de développer "la formation citoyenne", par la mise en place d'outils "en ligne, gratuits et ouverts à tous", précise le parti dans un fascicule distribué aux quelque 3.000 participants de la convention à La Villette. "Parmi les modules proposés, il y aura notamment: comment revitaliser un village? Comment créer une coopérative?" illustre LREM qui compte lancer sa première formation en octobre 2017. (...)

Troisième axe, la création d'un "réseau des facilitateurs locaux", "en ciblant en priorité les quartiers en difficulté et les zones rurales délaissées" pour aider les habitants "à s'organiser pour faire émerger des initiatives communes". "Un programme pilote (...) sur une dizaine de territoires" sera lancé à la rentrée, ajoute LREM.

La République en marche compte également mettre en place à la rentrée un "atelier d'idées" en partant du constat que les partis politiques "ont progressivement renoncé à leurs missions de production et d'animation des idées".

Cet "Atelier" doit se distinguer d'un "think tank" en s'ouvrant aux "citoyens, en sollicitant leurs idées et en les faisant participer aux expérimentations".

Désireux aussi d'être les antennes de l'action gouvernementale, REM veut "développer les consultations citoyennes" et créer des "points de contact" appelés "kiosques", notamment pour "recueillir les réactions citoyennes".

https://www.challenges.fr/politique/apres-la-conquete-du-pouvoir-la-republique-en-marche-se-remet-en-ordre-de-bataille-a-la-villette_485912


--- Derrière l'imposture et en même temps le spectacle, Macron prépare la mise au pas des Français

Il est urgent d'arrêter au plus vite ce hold-up sémantique, qui va non pas mettre la France en marche, mais au pas.

http://www.huffingtonpost.fr/alexis-poulin/derriere-limposture-au-pouvoir-et-en-meme-temps-le-spectacle-m_a_23022012/



par Anonyme le Mardi 11/07/2017 à 20:18

--- Réforme du Code du travail : Muriel Pénicaud donne des gages aux syndicats

(...) « Après concertation, j’ai acquis la conviction qu’il fallait renforcer aussi la négociation de branche », a reconnu Muriel Pénicaud le mercredi 28 juin à l’occasion d’une conférence de presse. De quoi ravir aussi bien FO que la CFDT, qui avaient beaucoup insisté sur ce point.

En l’état, le gouvernement propose donc de répartir en trois blocs les domaines du droit du travail.
Un premier bloc réservé

Le premier bloc constituerait le domaine réservé de la branche : y seraient gardés, comme aujourd’hui, la définition des salaires minimum, les classifications, l’égalité femmes-hommes, la mutualisation des fonds de prévoyance et de la formation professionnelle.

La ministre du travail envisage d’étendre ce pré carré à deux sujets : le financement du paritarisme et la gestion et la qualité de l’emploi (...)

http://www.la-croix.com/Economie/France/Muriel-Penicaud-donne-gages-syndicats-2017-06-28-1200858895

--- Loi travail : Force ouvrière soudainement conciliante

(...) Une autre raison explique la prudence inattendue de FO : les maigres fruits récoltés par le mouvement de 2016. D’autant que le syndicat s’était engagé à reculons dans un bras de fer électrique avec l’exécutif. «FO a combattu la loi El Khomri jusqu’au bout, mais contre sa volonté, expliquait récemment à Libération Raymond Soubie, ex-conseiller social de Sarkozy. Elle avait préparé des amendements sur les branches, avec l’accord du Premier ministre de l’époque, mais qui avaient été refusés par François Hollande, lequel ne voulait pas se mettre à dos la CFDT. FO avait donc, contre son gré, suivi la CGT dans la rue.»

http://www.liberation.fr/amphtml/france/2017/07/09/loi-travail-force-ouvriere-soudainement-conciliante_1582706


--- Quand le Financial Times fait le jeu de la France Insoumise

https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-politique/quand-le-financial-times-fait-le-jeu-de-la-france-insoumise


Casse à tout les étages... par Anonyme le Mardi 18/07/2017 à 11:08

- Déconcentration : les préfets pourront "disposer d'un pouvoir d'adaptation local des règlements", annonce Macron.

https://twitter.com/LCP/status/886950555171475458

- Macron: "Il n'y aura plus de fermeture de classes dans les écoles primaires" des territoires "les plus ruraux"

https://twitter.com/LCP/status/886947453752168449

- AVS / Enfants handicapés : Près d’un contrat aidé sur deux ne sera pas renouvelé à la rentrée: dans plusieurs départements le renouvellement des contrats a été stoppé.

Les AVS qui accompagnent les enfants handicapés relèvent de ce mode de contrat. La mesure concerne directement l’école qui utilise un grand nombre de ces contrats.

https://handicapetscolariteblogdesaccompagnants.wordpress.com/2017/07/13/pres-dun-contrat-aide-sur-deux-ne-sera-pas-renouvele-a-la-rentree-dans-plusieurs-departements-le-renouvellement-des-contrats-a-ete-stoppe/



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