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Printemps républicain ...

Par Denis Collin • Actualités • Lundi 14/03/2016 • 0 commentaires  • Lu 4363 fois • Version imprimable


Un certain nombre de « personnalités », comme on dit, ont pris l’initiative d’un manifeste pour un printemps républicain, publié également dans l’hebdomadaire Marianne. Une première liste de signataires s’est jointe immédiatement à ce manifeste. Mon nom est dans cette première liste et je voudrais ici dire pourquoi j’ai soutenu l’initiative de Laurent Bouvet, Marc Cohen ou encore Marcel Gauchet et beaucoup d’autres.

Le printemps républicain, c’est l’annonce ou au moins le souhait d’une renaissance de la république, non pas comme un mot galvaudé, mais la république comme notre bien commun. Ayant longuement eu l’occasion de défendre cette philosophie politique qu’on appelle le républicanisme et ayant écrit en 2005 un livre intitulé Revive la République, il m’a semblé nécessaire de soutenir cette initiative qui va dans le sens de ce que je défends depuis de longues années.

Dans ce Manifeste, tout n’y est pas concernant la République et n’y figure pas ce qui est, selon moi, l’âme du républicanisme, la liberté définie comme non-domination avec toutes les conséquences politiques et sociales qu’on en peut tirer. Ce Manifeste propose un républicanisme minimaliste et concentre ses feux sur la question de la laïcité. Mais ce n’est pas une question secondaire. L’article I de la constitution qui, sur ce plan, prolonge la déclaration des droits de 1946, annexée à la constitution par une décision du Conseil Constitutionnel, soutient que « La France est une république laïque, démocratique et sociale » et qu’elle est « une et indivisible ». Voilà le socle dont il faut repartir et on peut espérer que tous ceux qui disent A et B, finiront par énoncer les autres lettres de l’alphabet républicain, même si aujourd’hui je peux être très critique vis-à-vis des positions que certains des signataires défendent sur d’autres sujets, même cruciaux.

La laïcité est bien une question essentielle. On aurait pu croire que les religions n’étaient que des résidus du passé puisque, comme le disait déjà en 1843, la critique de la religion est pour l’essentiel achevée. Cependant, ces dernières années, l’activisme des églises, sectes et autres mouvements religieux a envahi l’espace public, fragmentant la société selon de nouvelles lignes de clivage, pour le plus grand bénéfice des classes dominantes. « L’Église chez elle, l’État chez lui » clamait déjà Victor Hugo en 1850 et nous sommes à nouveau devant ce problème, même si l’Église catholique qui avait pris l’habitude de faire profil bas a reçu le soutien inattendu de toutes les formes de l’islam traditionaliste. Si bien que même ceux qui sont officiellement chargés de défendre la laïcité (comme l’Observatoire éponyme) font dériver ce principe constitutionnel vers une vague tolérance religieuse – dont j’ai eu l’occasion de montrer en quoi elle était à certains égards l’opposé de la laïcité.

Il n’y a aucune lutte possible pour quelque transformation sociale que ce soit sans l’existence d’un espace public de débat. Or dès lors que les idéologies religieuses ont envahi l’espace public, c’est le milieu vital de la lutte pour l’émancipation qui est dévasté. « Je ne peux pas manger avec toi », « je ne peux te côtoyer au travail », « je ne peux pas partager tes valeurs » … voilà le discours religieux en pleine action. En pleine action de division de tous ceux qui devraient partager le même intérêt objectif dans la lutte sociale ou politique. Comment est-il possible de lutter contre la domination du capital, quand on justifie la domination des femmes au nom de la tradition, de Dieu ou que sais-je encore ? Et ceux qui veulent renvoyer les églises chez elles, voilà qu’on les traite de tous les noms, « laïcards », « intégristes de la laïcité », « colonialistes » ou « islamophobes ».

Il est temps, grand temps de réagir. Il est grand temps qu’on cesse de baptiser les travailleurs immigrés du nom de « musulmans », comme si l’appartenance religieuse les définissait. Il est temps aussi que l’antisémitisme renaissant soit traqué, cet antisémitisme qu’on croyait devenu impossible et qui, comme toujours, sert d’exutoire à la colère des uns et à la protection politique des véritables responsables de la misère des « damnés de la terre ».

Il est temps, grand temps qu’un coup d’arrêt soit donné à cette régression des droits des femmes qui, au nom du « droit à la différence » (une expression idiote), veut rendre les femmes invisibles et organise le repli communautariste. La politique, c’est l’action, laquelle suppose la pluralité des hommes et l’égalité de ceux qui y participent, au grand jour, dans un débat libre. Ce n’est pas l’affrontement de ces identités mortifères.

Si nous avons un problème, ce n’est pas parce que nous serions trop laïques, mais bien parce que nous ne le sommes pas assez. Pas assez quand les dirigeants politiques ès qualité apportent leur soutien à telle ou telle confession, pas assez en Alsace-Moselle où la loi de 1905 ne s’applique pas, pas assez avec le financement public des écoles confessionnelles.

Bref une hirondelle ne fait pas le printemps. Mais accueillons favorablement cette hirondelle républicain du Manifeste pour un printemps républicain.

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