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Quelques leçons des élections présidentielles

Après le 21 avril et le 5 mai 2002

Par Denis Collin • Actualités • Vendredi 31/05/2002 • 0 commentaires  • Lu 1458 fois • Version imprimable


Les élections présidentielles des 21 avril et 5 mai 2002 ont souvent été présentées comme un véritable « séisme politique ». C’est évidemment la présence au second tour du candidat du Front national qui a occupé les esprits, occultant malheureusement une compréhension globale de ce qui s’est passé. Je n’ai pas la prétention ici de concurrencer les spécialistes qui nous livreront bientôt des analyses fouillées. Je voudrais seulement, en m’appuyant sur les données disponibles, souligner les principaux traits qui caractérisent la situation politique et les rapports de force actuels.1

1- La Ve République à l’agonie

L’élection présidentielle est l’élection majeure dans la Constitution actuelle. Traditionnellement, depuis 1965, elle est celle qui mobilise le plus massivement les électeurs. Elle est également celle où s’affirme le plus nettement la bipolarisation de la vie politique qui découle du principe majoritaire. La première leçon du printemps 2002 est claire : il y a dans ce pays un rejet massif et de l’institution et de la « classe politique » qui lui est liée.

  • l’abstention est massive : elle est passée de 21,62 % en 1995 à 28,40 % ce 21 avril, soit + 6,78 %. C’est la plus forte abstention, et de loin, jamais enregistrée à un premier tour d’élection présidentielle. Cela correspond à 11 698 353 électeurs auxquels on devrait ajouter les non-inscrits dont le nombre – en forte croissance selon toutes les estimations – approcherait les 4 millions. Ajoutons encore 995 531 votes blancs ou nuls. Entre16 et 17 millions de citoyens en âge de voter ont donc refusé tous les choix qui leur étaient soumis. À titre de comparaison, le total des voix des deux candidats officiels dépasse à peine les 10 millions. Soit moins du quart des électeurs potentiels !  On a pris l’habitude de gloser sur la désaffection des électeurs américains et le fait que le président des États-Unis est généralement élu avec le quart des inscrits. Nous en sommes à la même situation et même pire ! Remarquons encore que l’abstention reste forte au second tour en dépit d’une mobilisation politique et médiatique sans précédent.

  • Les partis de gouvernement sont défaits. Bien qu’on ne doive généralement pas additionner les « extrêmes » et que la notion de vote « protestataire » soit très floue, on doit remarquer que près de 10 millions de voix se sont portées sur des partis qui n’avaient aucune chance de participer au gouvernement. Si on ajoute les voix de Jean-Pierre Chevènement, le total des voix qu’on pourrait dire « antisystème » dépasse très nettement le score du président et du premier ministre sortants. En ajoutant ces voix aux abstentionnistes, on mesure à quel point les partis officiels sont isolés et les institutions discréditées dans la population.

  • L’élection au second tour de Jacques Chirac avec 82 % complète le tableau. Après une campagne d’entre deux tours qu’on a pu qualifier de « à la soviétique », un homme qui obtient moins de 14 % des inscrits au premier tour est élu avec un score de république bananière. Sachant que parmi ces 82 % d’électeurs, une majorité vient de gauche, le président réélu est clairement privé de toute légitimité démocratique – même si la légalité a été respectée. La droite qui se rassemble sous l’égide de l’UMP représente au premier tour moins de 30 % des exprimés, soit, à peu de choses, près un électeur sur cinq, si on rapporte ce score au total des inscrits. Les institutions de 58 sont bâties sur le primat d’un président « homme de la nation » incontesté et sur « le fait majoritaire » au nom duquel on avait vilipendé le « régime des partis ». Ces deux piliers du gaullisme n’existent plus. Et il n’y a aucune solution de rechange.

  • Cette situation est évidemment une des conséquences possibles du mode de scrutin dans une situation d’implosion des grands blocs politiques. Il y a aussi une part de manœuvres. Le Pen soupçonne Chirac d’avoir téléguidé la candidature Taubira. Il cède certainement à sa manie du complot. Mais compte tenu du nombre de candidats déclarés à gauche, on demande bien quelle mouche a piqué le PRG, filiale traditionnelle du PS. Mais au-delà des manœuvres, c’est bien le système de la représentation politique qui est en question. Les socialistes accusent les autres partis de gauche et le Pôle Républicain de leur avoir pris des voix et ainsi d’avoir permis la présence de Le Pen au second tour. Ils ne peuvent pas dire plus clairement que la Ve République ne saurait tolérer l’expression de la diversité politique, propre à toute démocratie vivante. Il faut une majorité et l’opposition de sa majesté, voilà les institutions que chérissent les dirigeants du PS. Mais le peuple ne marche plus dans cette combine. L’exigence d’une profonde réforme constitutionnelle, conduisant à une VIe République va se faire de plus en plus pressante.

2- Rupture entre la gauche et la classe ouvrière

Les deux grands partis qui se voulaient les représentants des classes populaires, principalement salariées, sortent très largement en ruine.

C’est évident pour le PCF qui est au stade terminal d’une longue maladie. Depuis plusieurs élections, il avait perdu son implantation nationale et survivait tant que bien que mal dans ses bastions. Les élections municipales de 2001 ont sonné le signal de la fin. Le PCF y a perdu les dernières villes moyennes qu’il détenait encore. 2002 prolonge et amplifie le mouvement. Robert Hue perd 1 671 703 voix entre 1995 et 2002, soit près des deux tiers de son électorat. Y compris dans les villes dirigées encore hier par des maires communistes, le PCF ne fait guère que son score national . Au Havre (passée à droite en 1995), Hue est à 6,3%, comme à Bourges (6 %), à 9,1 % à Dieppe (passée à droite en 2001) comme à Argenteuil (8,7 %) et à Évreux (passée à droite en 2001), il est à 3,2%. À Nanterre dont le maire est encore PCF, Hue culmine à 9,5%.

Pour le PS, les choses ne vont pas mieux. Jospin perd près de 2.500.000 voix par rapport à 1995 ; il fait un mauvais score dans les bastions socialistes. 17,5 % dans le Pas-de-Calais, 16,8 % dans le Nord, 20 % dans la Nièvre. Ici encore, le fait que le score soit aussi uniformément mauvais ou médiocre démontre qu’il s’agit non d’un reflux sur les marges comme le PS a pu en connaître dans le passé. Dans « L’illusion plurielle » (Lattès 2001), Jacques Cotta et moi-même avions montré comme idéologiquement et politiquement le PS était lancé dans une opération de changement d’électorat ; il était prêt à lâcher son électorat populaire traditionnel pour tenter de gagner la « upper middle class », une stratégie que Dominique Strauss-Kahn a justifié peu avant les élections dans son ouvrage La flamme et la cendre. Nous faisions remarquer cependant que cette stratégie pouvait coûter cher au PS. « Le Parti Socialiste reste cependant dans une situation délicate. Il espère pouvoir conserver son électorat populaire traditionnel et poursuivre sa politique « sociale libérale ». Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre ! Le plus probable est que les bases populaires du PS, mais plus généralement de toute la gauche, vont continuer à s’effriter, les électeurs, las de servir de masse de manœuvre pour décider des carrières de ces messieurs, se réfugiant dans l’abstentionnisme ou le « vote protestataire » – entre Arlette et Le Pen. Auquel cas, le PS devrait compenser à droite ce qu’il perd à gauche. Il l’a déjà fait partiellement, comme nous l’avons montré. Mais c’est une base extrêmement instable. Il n’est donc pas improbable qu’il finisse par perdre des deux côtés et que la réorientation du PS ne soit le prélude à la fin de la gauche comme force politique. L’exemple italien et les mésaventures du PCI-PDS-DS de Berlinguer à d’Alema pourraient servir ici d’exemple à méditer. » (pp. 198/199) C’est exactement ce qui s’est passé le 21 avril.

L’analyse des abstentions le confirme. Le « peuple de gauche » (une expression bien ambiguë) a lâché la gauche plurielle et son principal représentant, le PS. « Si l’on prend les départements où l’abstention progresse le plus depuis 1995 (c’est-à-dire bien plus que la moyenne nationale), on constate qu’il s’agit à la fois de départements à dominante ouvrière et populaire tels que la Moselle (+9,57 %), le Nord (+ 8,82 %), le Pas-de-Calais (+8,56 %), le Val-de-Marne (+8,53 %), la Seine-Saint-Denis (+8,23 %) et également de départements à forte tradition socialiste laïque (principalement rurale) : la Nièvre (+ 8,05 % dans ce qui fut le “fief” de Mitterrand), la Creuse (+ 8,01 %), les Landes (+ 8,00 % dans le “bastion” d’Emmanuelli). Ainsi que la Gironde, qui combine les deux caractéristiques (+ 8,58 %).

Et si l’on rentre dans le détail des départements, on constate notamment : dans le Nord : à Lille (PS), l’abstention passe de 24,98 à 37,59 % ; à Denain (PCF), de 22,11 à 33,83 %. Dans le Pas-de-Calais : à Calais (PCF), de 25,91 à 36,14 % ; à Sallaumines (PCF), de 25,08 à 36, 75 % ; à Liévin (PS), de 22,41 à 33,35 %. En Seine-Saint-Denis, pour ne prendre que la ville de Stains (PCF), de 28,40 à 42,60%. Dans le Val-de-Marne, l’abstention touche aussi bien les villes PS que les villes PCF : à Alfortville (PS), de 22,81 à 33,73 ; à Champigny (PCF), de 24,50 à 35,08 % ; à Gentilly (PCF), de 23,72 à 33,61 % ; à Villejuif (PCF), de 24,80 à 37,80%. En Gironde, à Bègles, ville de Noël Mamère, l’abstention progresse de 11 % (31 %) ; à Lormont, ville ouvrière PS, l’abstention passe de 19,32 à 33,27%. Comme on le constate, la progression de l’abstention se manifeste principalement dans les villes ouvrières et les départements ruraux socialistes. » (Informations Ouvrières n°535 – 24-30 avril 2002).

Au total donc, le PCF et le PS perdent plus de 4 millions de voix par rapport à 1995 ! La totalisation des « voix de gauche » au soir du premier tour donne un recul de 1,5 millions de voix pour l’ensemble des partis classés à gauche. Mais le chiffre décisif, c’est bien sûr celui de 4 millions. L’analyse détaillée notamment par les sondages « sortie d’urnes » précise encore la nature de cet effondrement. Ce sont d’abord les ouvriers et les employés qui ont déserté le PS et le PCF. Chez les ouvriers, Jospin arrive en 4e position (11 %) alors qu’il était en tête (25 %) en 1995. Chez les employés, il semble régresser légèrement de 21 à 19 % et, chez les professions intermédiaires, il chute de 22 à 15%. Si on réfléchit non plus en pourcentage des exprimés mais en voix, la chute est encore plus impressionnante.

Il faudrait compléter ces premiers éléments quantitatifs par des études qualitatives. Mais la ligne générale est assez nettement dessinée. Avec l’effondrement du PCF et le fort recul du PS, c’est tout une phase de l’histoire politique qui se termine. La vieille « union de la gauche », née après le congrès d’Épinay de 1971 et l’accord de 1972 sur le « programme commun » est morte. Ceux qui croient qu’il s’agit là d’un simple revers, que la secousse du 21 avril réveillera les fantômes endormis des années 70 et 80 se trompent. Ce qui faisait fonctionner l’union de la gauche, c’était précisément sa capacité, par l’alliance PCF/PS à représenter la classe ouvrière et plus largement ce que Jean Poperen avait baptisé le « front de classe » (ou de classes ?). Dans ce dispositif, la place du PS comme parti « ouvrier » tenait à trois raisons : son alliance avec le PCF, qui restait encore largement le parti des ouvriers, la tradition des bastions socialistes et enfin sa capacité à organiser les nouvelles couches prolétarisées d’employées et de travailleurs intellectuels. Le PCF est distancé par le FN et par LO chez les ouvriers, les bastions socialistes sont en pleine désagrégation et les nouvelles couches salariées commencent à déserter.

3 - Lepénisation de la France ?

L’effondrement de la droite et de la gauche profite évidemment au FN. L’extraordinaire psychodrame d’entre les deux tours a passablement obscurci les esprits. Évidemment, la poussée en pourcentage et en voix de l’extrême droite (lepéniste et mégrétiste) est inquiétante. Et la réaction de la jeunesse principalement et plus largement de la masse de la population, lors des manifestations du 1er mai, est la conséquence d’un mouvement du cœur sain et finalement réjouissant. Cependant les réactions émotives ne peuvent suffire.

Tout d’abord, la poussée de l’extrême droite est incontestable. Je diverge sur ce point avec l’analyse de Informations Ouvrières qui ne prend en compte que les voix Le Pen pour faire des comparaisons avec les 1995 alors qu’évidemment il faut comparer Le Pen + Mégret de 2002 à Le Pen de 1995. Jean-Marie Le Pen arrive en deuxième position avec 4.800.000 voix, soit une progression de 250.000 voix et de 1,5 % des exprimés par rapport à 1995. À ce score, il faut rajouter les 670.000 voix de Bruno Mégret ; soit un ensemble de 5.470.000 voix et 19,20 % des suffrages, c'est-à-dire à peine 200.000 voix de moins que Chirac. On peut arguer du fait qu’en 1995, de Villiers, avec 4,5 % et environ 1,5 million d’électeurs, chassait sur les mêmes terres. Cet argument qui paraît convaincant en première approche ne l’est pas vraiment. Même si les électeurs de Villiers se sont reportés cette fois-ci sur Le Pen (ce qui est loin d’être démontré), ce passage serait très significatif. De Villiers est un conservateur, voire sur bien des points un réactionnaire, mais il reste essentiellement un républicain, et, pour tout dire, pas nécessairement un des pires représentants de la droite ! Le Pen, c’est autre chose.

En second lieu, on doit constater que la poussée lepéniste est le corrélat de l’effondrement de la droite classique. L’analyse du vote confirme cette hypothèse. Dans les couches populaires et dans ses bastions de 1995, l’extrême droite reste assez stable et parfois même régresse – un exemple parmi 100 autres, Bruno Gollnisch en 1997 fait 3 % de mieux que Le Pen en 2002. Par contre, le vote lepéniste qui était essentiellement urbain devient un vote rural et souvent un vote rural aisé ! On remarquera aussi que Le Pen fait ses meilleurs scores parisiens … dans le 16e arrondissement. Le deuxième tour de l’élection présidentielle a confirmé ces analyses. L’extrême droite progresse en voix, mais de manière très différenciée, avec des reculs dans certaines zones traditionnellement acquises au FN et des poussées spectaculaires ailleurs.

Le FN est en train de réussir l’amalgame qui a réussi à la coalition de droite italienne : l’union des classes moyennes et de la bourgeoisie traditionnelle avec les « exclus » et une fraction de la classe ouvrière, contre d’un côté la grande bourgeoisie financière mondialisée et contre les syndicats et l’aristocratie ouvrière de l’autre côté. Parler de fascisme ou de nazisme et tenter de ressusciter le « front antifasciste » est hors de propos. Le fascisme suppose deux ingrédients : 1° la mobilisation violente de la petite bourgeoisie enragée et du lumpenprolétariat et 2° le soutien actif du grand capital. Ces deux ingrédients manquent au FN. Mais, en partie, parce qu’il n’en a pas besoin ! Il n’y a aucune menace révolutionnaire en France, ni ailleurs en Europe. Rien à voir avec l’Italie du début des années 20 avec ses conseils ouvriers, ni avec l’Allemagne et son puissant parti communiste.

La théorie du vote Le Pen comme vote protestataire ne tient pas. Quelque chose s’est cristallisé et rien ne dit que dans quelques mois ou quelques années, le parti lepéniste, même sans Le Pen, ne sera pas en mesure d’accéder au pouvoir. Pour l’instant la droite classique jure ses grands dieux qu’elle ne mangera pas sa soupe avec le diable. Mais les législatives nous diront plus précisément dans quel sens s’orienteront les forces politiques. Le vote Le Pen est largement un vote identitaire qui trouvera nécessairement un écho plus large au fur et à mesure que la machine infernale européiste tentera de broyer les nations.

Si le FN n’est ni fasciste ni nazi (en dépit du passé de quelques-uns de ses fondateurs), on doit cependant noter l’importance de la composante xénophobe et cette composante joue singulièrement dans l’adhésion d’une fraction des ouvriers, employés et petits bourgeois au vote Le Pen. Cette xénophobie s’appuie sur les thèmes classiques – « ils » nous prennent notre travail et nos allocations familiales – mais on ne doit pas sous-estimer l’importance des questions internationales (le 11 septembre 2001 et ses suites) ni les raisons anthropologiques. La xénophobie est essentiellement anti-arabe et antimusulmane et pour partie, elle tient à la peur qu’éprouvent de nombreux citoyens face au développement de mosquées sauvages où l’on prêche jour après jour contre les valeurs de la République. La mode du voile pour les jeunes filles joue aussi rôle là-dedans. L’absence d’une vraie politique d’intégration républicaine, les plaisanteries sur des « papiers pour tous » (y compris pour les trafiquants de drogue ?) et les petites chansons sur le droit à différence ont très largement contribué au développement de ces phénomènes.

4 - Poussée trotskiste ?

Les commentateurs ont beaucoup glosé sur la poussée trotskiste. Il est vrai que le trotskisme est à la mode. Laguiller fut même un temps classée « troisième homme ». Patatras ! LO ne fait pas mieux qu’en 1995 – et même un peu moins bien si on parle en voix. Gluckstein se maintient à un niveau confidentiel. Il est vrai qu’il est le seul candidat qui ait appelé à l’abstention, par un de ces incohérences dont le PT est familier. La vraie nouveauté est donc le score du candidat de la LCR qui dépasse les 4 % et a rencontré un écho incontestable chez les jeunes et dans une fraction l’électorat de gauche lassée de Jospin et de tous ceux qui ont conduit la gauche depuis trois décennies. Besancenot atteint 10 % chez les 18-24 ans (contre 11 pour Jospin !). Mais chez les ouvriers, il fait en gros son score national et c’est surtout dans les professions intermédiaires qu’il recrute ses électeurs. Pour ceux qui ont connu les débats des années 70 dans la Ligue Communiste, le vote Besancenot apparaît comme celui de la « petite bourgeoisie radicalisée » sur qui Bensaïd avait jadis mis tous ses espoirs révolutionnaires. On peut prendre les paris : cette nouvelle poussée des « nouvelles avant-gardes larges » se terminera comme les précédentes et les propositions de fondre la LCR dans un mouvement plus large ne feront que rééditer la vieille chimère de l’unité des révolutionnaires – quoiqu’on fasse de moins en moins référence à la révolution.

LO continuera à faire fonctionner sa PME spécialisée dans le spectacle électoral et la fête de la Pentecôte. Pour faire un nouveau parti, il lui fallait 10%, avait prévenu Laguiller. Une fois de plus, la classe ouvrière n’était pas au rendez-vous… LO pourra continuer sa bonne vieille tactique éprouvée. Ce qui était le but recherché. En réalité le vote pour les candidats se réclamant du trotskisme est un vote purement protestataire, et donc un vote qui n’a en lui-même aucune perspective politique. Sauf pour une toute petite minorité, il ne comporte aucune espèce d’adhésion à un programme politique. C’est évident pour le vote LO – puisque cette organisation n’a, à proprement parler, aucun programme politique. Mais c’est également vrai pour le vote LCR qui a capté une partie de la mouvance dite anti-mondialisation et quelques représentants des « nouveaux mouvements sociaux », mais n’a ni stratégie, ni programme de gouvernement. D’ailleurs si les divers héritiers officiels de la 4e Internationale étaient capables de faire autre chose que répéter les formules d’hier et de s’acharner à rater toutes les occasions de construire quelque chose de durable, on le saurait.

Pour ne pas conclure…

Les médias ont l’habitude de céder à l’inflation lexicale. Le 21 avril fut-il un séisme ? Si on entend par là une catastrophe soudaine, sans doute le terme n’est-il pas approprié. Ce fut plutôt un précipité de tous les processus politiques en cours. Il ne reste que les ruines de ce qui a structuré la vie politique française depuis trente ans, et même depuis la Seconde Guerre mondiale. Certes, avec un peu d’imagination, on peut encore voir dans les ruines les anciens monuments, on peut se donner l’illusion que tout continue comme avant. « La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants », dit . Mais il ajoute un peu plus loin qu’on « doit laisser les morts enterrer leurs morts ». Certes, les révolutions du passé ont pratiqué la résurrection des morts comme moyen de magnifier le mouvement en cours. Mais la résurrection de Marchais, Mitterrand et Robert Fabre ne pourra guère éclairer les mornes matins qui ont suivi l’élection de Chirac ! C’est une nouvelle phase qui s’ouvre et c’est à partir de cette perspective qu’il nous faut maintenant penser et agir.

Denis Collin – 24 mai 2002

 

 

 

1 Signalons que le journal du Parti des Travailleurs, Informations ouvrières (n°535 du 24 au 30 avril 2002) a produit des analyses détaillées du plus haut intérêt. Je les utilise en partie.

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