Dans son immense majorité, la gauche politique, celle des partis et des appareils, des notables et des dévots, s’entête à ne rien comprendre de ce qui se passe sous nos yeux. Elle persiste dans l’usage de mots et de discours désormais vides de sens qui n’ont d’autre fonction que de contribuer à masquer la réalité présente du mode de production capitaliste. Ainsi les couples antinomiques comme révolutionnaire/réactionnaire, ou encore conservateur/progressiste, bref tout ce qui renvoie à la vieille opposition (un peu creuse) du parti de l’ordre et du parti du mouvement. Tout le monde semble avoir oublié ce que Marx disait dès le Manifeste Communiste de 1848 : c’est le capitalisme qui est révolutionnaire et qui ne peut survivre qu’en révolutionnant en permanence les conditions mêmes de son développement. Comme toujours, la conscience, telle l’oiseau de Minerve, ne s’envole qu’au crépuscule et il faut attendre un siècle et demi pour que la représentation politique de la domination capitaliste se mette pleinement en accord avec la réalité sociale dont elle est l’expression. Nous avons donc maintenant une droite véritablement progressiste et clairement révolutionnaire.
Pour s’en convaincre, il suffit de s’intéresser cinq minutes aux discours des chefs de l’UMP et notamment aux discours qu’ils tiennent pour leurs militants. Un détail parmi d’autres : lors de sa prise de fonction à la direction de ce parti, Xavier Bertrand s’adresse aux cadres de l’UMP en leur disant : « avec nous, l’imagination est au pouvoir ». La reprise d’un des slogans de mai 68 n’est pas évidemment pas le fait du hasard même si elle s’inscrit dans la lignée des slogans publicitaires qui ont fait de mai 68 une source inépuisable d’inspiration. Mais la publicité, c’est de la politique et, seuls, les niais intéressés de la gauche branchée (la gauche Berger-Ségala et autre « parrains de SOS racisme) peuvent soutenir le contraire. Xavier Bertrand annonce la couleur : comme « tout est possible », il faut inventer et imaginer l’inimaginable, c’est-à-dire un capitalisme « refondé » qui détruira impitoyablement tout ce qui entrave sa marche en avant. Le site des jeunes de l’UMP pousse le bouchon encore plus loin. Son adresse est http://www.lesrevolutionnaires.fr/ et l’on y peut lire :
En veut-on d’autres signes ? Pour obtenir l’investiture à la tête de liste européenne pour juin prochain, Roger Karoutchy considère qu’il est de bonne stratégie de faire son « outing » et de révéler qu’il est homosexuel et vit heureux en couple avec son ami. C’est bien la droite qui est en train d’accomplir les promesses du mai 68 libéral-libertaire, petit-bourgeois, propulsé depuis des décennies par l’édition et par la presse et qui maintenant vertèbre les partis capitalistes. Il n’y a rien d’étonnant à cela. Le capitalisme ne peut supporter les barrières héritées du passé, barrières nationales, entraves familiales (la famille s’oppose à la flexibilité), blocages moraux qui empêchent la marchandisation et l’exploitation de tous les domaines de la vie humaine – significativement, l’un des principaux opérateurs internet a commencé à faire sa fortune dans le porno.Être révolutionnaire, c’est quoi ? S’il y a une vérité que personne ne peut contester, c’est que depuis que Nicolas Sarkozy est Président de la République, la France change. Que l’on parle de rupture, de renaissance ou de révolution, la vérité c’est que notre pays bouge, que la société française évolue et se met en phase avec l’avenir.
À sa manière, Nicolas Sarkozy, dans l’exposition de sa vie familiale « recomposée » et dans son mariage avec une vedette du show-biz, exprime ce capitalisme ultramoderne qui, en France, a commencé sous les auspices de la gauche dans les années 80. À l’inverse, le peuple qui veut sauvegarder les conditions d’une vie décente apparaît maintenant comme conservateur et même réactionnaire et on ne se prive pas, chez les gens d’en haut, de vilipender ce caractère conservateur des manifestants et des protestataires qui ne veulent pas communier dans les joies du progrès et de la réforme.
Il est temps de riposter. C’est-à-dire de cesser de se laisser intimider par le discours « révolutionnaire ». Il est juste de vouloir défendre ses acquis et donc de lutter pour les conserver face à la droite et la gauche révolutionnaires. Il est juste de défendre la nation comme môle de résistance populaire à l’empire et au capitalisme multinational. Il est juste de défendre l’école qui instruit, transmet le savoir du passé et s’appuie sur l’autorité des maîtres contre les révolutionnaires pédagogistes qui veulent remplacer les maîtres par « intervenants extérieurs ». On ne dira jamais assez tout ce que la droite doit à la gauche dans ce domaine et par bien des aspects Darcos et les saccageurs de l’école publique ne font que mettre en œuvre le programme des hordes hurlantes des maoïstes qui voulaient détruire l’école bourgeoise et le savoir bourgeois. En réagissant contre ces agressions des révolutionnaires capitalistes, peut-être sommes-nous réactionnaires (puisque le réactionnaire est celui qui réagit, fait preuve de capacité de réaction). Le double mouvement du capitalisme (exploitation du travail, pulvérisation des salariés transformés en rivaux sur le marché du travail) exige un mouvement en sens inverse tout simplement pour défendre les conditions d’une vie humaine acceptable.Articles portant sur des thèmes similaires :
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Il y aurait tant à dire. Autant je suis contre tout combat strictement limité au culturel (les valets du capital y excellent et applaudissent), autant notre indépendance réelle – personnelle et collective – nécessite ces mises au point.
Dans mon milieu de travail, les RH, directeurs d’établissement, appliquant sans doute les techniques de management, tutoient et emploient le prénom des syndicalistes qui le leur rendent bien. Le refus vaut qualification de psychorigidité ou de doctrinaire !
Ridicule d’en faire tant de cas me dira t-on ?
Mais n’y a-t-il pas là un début sur la voie du « partenariat social » ? Puis avec « positions partagées » et autres « déclaration commune » ?
L’idéologie dominante est celle de la classe dominante certes mais on peut s’interroger si elle a déjà été portée au point actuel.
Des syndicalistes (et pas forcément malhonnêtes) partagent le vocabulaire des patrons : plan social, réorganisations et pire mutualisation par exemple !
Je n’ai jamais vu le capital aussi à l’aise : convocation du personnel (avec présence obligatoire) à la grand messe du patron, briser ce qui fait la force du salarié, sa qualification en transformant le technicien en vendeur et avoir le toupet de le forcer à un stage de « deuil du métier » où intervient un psy !