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Retraites, démission du gouvernement et crise politique !

Le nouveau gouvernement Fillon ou Sarkozy et les siens…

Par Jacques Cotta • Actualités • Lundi 15/11/2010 • 4 commentaires  • Lu 2384 fois • Version imprimable


Comme il l’avait annoncé il y a plusieurs mois, la question des retraites « réglées », le président de la République nommerait un nouveau premier ministre pour un nouveau gouvernement. Signe de victoire, celui-ci devait incarner l’élargissement de la base politique rangée derrière la bannière présidentielle. Mais c’est exactement l’inverse qui s’est produit. Fillon succède à Fillon et le gouvernement nouveau rassemble la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy, conséquence de mois de conflits et d’affrontements sur la question des retraites…

 

 

Vainqueurs et vaincus…

 

Plusieurs articles sur notre site ont permis de dégager quelques leçons du mouvement social qui s’est déroulé sur la question des retraites. Sans revenir donc dans le détail, certains éléments permettent de comprendre la situation de crise politique qui s’exprime au plus haut niveau de l’état ?

 

  1. Les résultats sont là, les salariés engagés pour le maintien des seuils de 60 et 65 ans n’ont pas gagné. Pour autant, ils n’ont pas été défaits. Durant des semaines des forces se sont accumulées, les mobilisations se sont renforcées là où les journées « saute-mouton » ne pouvaient normalement, par absence d’issue, que les amenuiser.

 

  1. Le gouvernement Sarkozy-Fillon-Woerth n’a pas perdu. Mais pour de nombreux capitalistes ou représentants du capital financier, la victoire remportée n’est pas à la hauteur. Là où il fallait une victoire digne des Thatcher ou Reagan des années 80, brisant les couches populaires et leurs organisations syndicales, Nicolas Sarkozy n’a pu que s’en remettre aux responsables syndicaux pour faire passer ce qui sans eux n’aurait pas eu la moindre chance d’exister.

 

Des pans entiers de la bourgeoisie qui l’avait soutenu en 2007 attendaient une victoire politique sans discussion. Mais Nicolas Sarkozy n’a terrassé personne. Il se trouve aujourd’hui rejeté par la majorité du pays, et par une partie de son camp naturel, ce qui dans la perspective de 2012 obsède ses plus proches conseillers. Comment en effet renouveler la victoire de 2007 en étant concurrencé dés le premier tour par une série d’adversaires allant de Villepin à Borloo en passant par Bayrou, Morin ou d’autres, sans oublier le Front national qui nourrit l’espoir d’un 21 avril à l’envers…

 

 

La place des leaders syndicaux

C’est bien la stratégie des responsables syndicaux au niveau national, Bernard Thibaud et François Chérèque en tête, qui a permis à Nicolas Sarkozy et au gouvernement de tenir bon et d’aller au bout[1]. Ce sont eux qui ont tout fait pour éviter que le conflit partant de la question des retraites ne débouche sur une crise politique ouverte[2]. Ce sont eux encore qui ont géré le conflit avec le souci constant de déconnecter le mouvement populaire de la question politique, de la mise en cause du gouvernement et du président[3].  Comme le rappelle fort justement Jean Louis Ernis[4] sur notre site, ils ne pouvaient faire preuve d’ingratitude à l’égard du patronat qui, par la déclaration commune d’avril 2008 liant le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT…, organise une sorte de quasi-monopole syndical à l’avantage des deux confédérations précitées.

Si vainqueurs il y a, du moins momentanément, ce sont ces responsables nationaux qui sont parvenus à cadenasser la situation en s’interposant entre les masses et le gouvernement :

  • en refusant la volonté populaire du retrait du projet et en y opposant une discussion responsable « pour une bonne réforme », socle de « l’intersyndicale ».
  • en cherchant quelques thèmes consensuels –pénibilité, problème des femmes, travail des jeunes ou des séniors, …- pour légitimer le cœur de la contre réforme.
  • en accumulant les journées d’action contre la nécessité du blocage susceptible de faire reculer le pouvoir.

 

De son côté la direction de FO et SUD ont exprimé la volonté de la grève générale pour le retrait du projet. Mais le mot d’ordre scandé dans les manifestations ne fait pas la grève. La question des moyens pour la construire est demeurée posée. Quelle bataille pour l’unité afin de contraindre les autres organisations de répondre à la volonté populaire ? Quel engagement en amont permettant de préparer la grève générale et de la décider ? Quelle préparation pour permettre de l’assumer financièrement, notamment dans les secteurs où les salaires sont tels qu’une journée, ça compte ? Quel ultimatum lancé et dans l’attente quelle campagne pour lever les soutiens nécessaires ? Quelle détermination pratique mise en avant, démontrant qu’il s’agit d’une chose sérieuse sur laquelle l’engagement sera total, pour gagner ? Quel calendrier annoncé intégrant la préparation, les collectes financières, les assemblées générales par entreprise et par secteur, dans le souci d’aller à la grève pour gagner ?

 

 

La grève par procuration

 

Dans ce contexte, un élément a pesé. A la base, le système « action par procuration » a joué à plein, aidé par les médias et spécialistes en tout genre qui préfèrent substituer les sondages à la réalité de lutte des classes. Pourquoi se mettre en grève si l’action de quelques-uns suffit à bloquer alors que la nôtre –se sont dit des centaines de milliers- ne gêne pas grand monde ni grand-chose dans la production… Cela fait appel au mode d’organisation économique dans laquelle nous sommes –poids des PME ou TPE- et en même temps au contexte social et économique qui est beaucoup plus dégradé que ce que nous pouvons le dire ou l’entendre ici ou là… Une journée de grève, un début de grève générale à fortiori est à froid hors des moyens de millions de travailleurs qui ne bouclent pas la fin de mois. Ce n’est pas un élément insurmontable –lorsque la machine est partie, tout le monde se trouve dedans- mais ça pèse. D’où l’importance à nouveau de poser concrètement la question des soutiens financiers à dégager, garantie d’une action qui peut s’engager et durer.

 

A nouveau la question est politique. La grève générale, l’action déterminée dont l’issue prévisible est la crise politique ouverte n’est concevable que si une force aspirant à régler le problème se veut disponible. Les positions politiques affirmées en plein conflit par les responsables du parti socialiste, Martine Aubry en tête, ont suffi à décourager les plus déterminés. Si en effet la chef du Parti d’opposition a pour position celle de Sarkozy mâtinée de rose –le maintien de l’âge légal à 60 ans mais l’augmentation de la durée de cotisations- et plus en cas de retour au pouvoir –le retour à 60 ans, mais pas pour tous, au cas par cas en fonction de critères dont la pénibilité- alors à quoi bon ? Si le remède ressemble à ce point au mal, pourquoi griller ses quelques économies dans une grève générale sans issue ?

 

 

Et pourtant…

 

Malgré tous ces obstacles, force est de constater que le blocage n’a pas été loin d’aboutir, notamment à partir des raffineries et des dépôts de carburant, exprimant notamment la défiance et le désaccord d’une base importante des organisations syndicales avec les directions confédérales. Dans leur engagement, les salariés ont notamment démontré aux directions syndicales et aux commentateurs qu’il ne suffit jamais d’appuyer sur un bouton pour que les masses entrent dans l’action, ou en sortent, tels des pantins manipulés. C’est précisément ce qui inquiète pouvoir et directions syndicales, la capacité des salariés à décider eux-mêmes et à agir, en l’occurrence avec leurs sections syndicales d’entreprises, sans demander l’autorisation à quiconque.

 

Aussi, les travailleurs de ces secteurs ont été isolés par les appareils syndicaux et politiques au niveau national durant la période de la Toussaint. Il suffisait de quelques déclarations se désolidarisant du blocage du pays, ou affirmant un scepticisme pour ce mode d’action, pour que le ministre Hortefeux saisisse le signal et que CRS et garde mobiles soient envoyés régler la question à leur façon. 

 

Mais il n’empêche, malgré tous les éléments qui permettent d’expliquer la situation, le pays a été à deux doigts du blocage. Blocage organisé par une minorité sur le terrain, mais soutenu par une importante majorité. Il faut d’ailleurs noter que sur les piquets aux portes des raffineries se trouvaient évidemment des travailleurs locaux, mais aussi d’autres entreprises venus sur ces points névralgiques. Ce qui indique une conscience du nécessaire et des moyens à mettre en œuvre…

 

Dans ce contexte la question du soutien politique, matériel et financier prenait à nouveau une importance toute particulière. Et nous ramène à la même interrogation. Si la classe des travailleurs est loin d’être anéantie la question des armes politiques pour submerger les appareils qui gèrent la situation demeure d’autant plus d’actualité qu’elle est sans réponse.

 

Conjoncturellement, l’action pour aider, notamment dans des collectes financières, aurait dû être générale, active, centralisatrice, alors qu’elle n’a été que très marginale. Pourtant, nombreux sont les groupes, les sites, les organisations qui se réclament du progrès social, qui étaient sur la ligne du soutien aux grévistes, et qui auraient tout eu à gagner à se connaitre dans l’organisation de la solidarité active, dans l’apprentissage commun, dans la connaissance réciproque et l’activité commune ? N’auraient-ils pas, pour les débats à venir et les réponses politiques à élaborer, profité du combat mené en commun, dans le parrainage par exemple d’un dépôt ou d’une raffinerie pour participer concrètement à l’organisation du soutien matériel et financier nécessaire ? Comment se fait-il que tout cela se soit déroulé sous le regard sympathisant, mais inactif, de milliers et milliers de militants, de travailleurs, de membres d’associations, incapables de s’engager dans le soutien pourtant nécessaire ?

 

 

Débattre pour préparer l’avenir

 

Toutes ces questions ne méritent-elles pas discussion. Car l’avenir risque fort de remettre les mêmes sujets à l’ordre du jour. Le nouveau gouvernement Fillon composé du carré des très proches de Nicolas Sarkozy, présente un caractère contradictoire.

 

Il incarne certes la faiblesse du clan au pouvoir. Mais il présente aussi la possibilité, dans le contexte présent où rien n’y fait pour Nicolas Sarkozy, rejeté et vraisemblablement destiné à mordre la poussière en 2012, à jouer toutes les provocations contre des salariés et des jeunes dont les forces demeurent intactes.

 

Après les retraites, il est question de la justice, de la santé, et surtout de la sécurité sociale qu’il faudrait démanteler. L’épisode des retraites risquerait fort dans ce cas de n’avoir été que la répétition d’un affrontement différé. Les leçons qu’il faudrait en tirer seraient donc de toute première importance. Pour l’action d’abord. Mais pour la solution politique surtout qui reste à inventer….

 

 

Jacques Cotta

Lundi 15 novembre

 

 

 

 


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Commentaires

Quelle issue politique ? par Jean-Pierre Alliot le Mardi 16/11/2010 à 09:05

D'accord avec la plus grande partie de l'analyse. Cependant, il me semble utile de bien préciser qu'il n'est pas du ressort des organisations syndicales de présenter une issue politique à la crise ouverte. La résistance massive du salariat à la contre-réforme des retraites est passée par les confédérations ouvrières. Leur façon de mener cette bataille regarde chacun des militants de chacune de ses organisations et il est certain que des comptes vont se régler. Cependant, un regroupement politique ne saurait donner des consignes aux syndicats ou se comporter en groupe de pression pour peser sur leurs décisions.
Cela a trait aux traditions du mouvement syndical en France, mais aussi à des nécessités politiques actuelles. On ne saurait demander aux confédérations ouvrières d'aller au delà de leur mandat et de répondre à la crise de régime. Ce serait exonérer le partis politiques de leur propres responsabilités. Cette crise, l'article de Jacques Cotta l'analyse bien. Elle atteint en effet un tel niveau que chaque citoyen peut en prendre conscience et c'est pourquoi les partis politiques qui se réclament de la République sociale ont un rôle éminent à jouer. 
Les initiatives de soutien financier que Jacques Cotta signale sont précisément un premier pas pour rassembler lutte sociale et politique dans mouvement d'ensemble propre à «sortir les sortants». Sur cette voie qui mène en effet à la question gouvernementale et, au delà, à la question du régime politique de la société, il est temps que revienne l'effervescence politique qui a gagné le pays lorsqu'il a refusé le traité constitutionnel européen en 2005.
Jean-Pierre Alliot


Re: Quelle issue politique ? par la-sociale le Jeudi 18/11/2010 à 08:09

Profitons de l'intervention de Jean-Pierre Alliot pour signaler le site de l'Association pour une Constituante ainsi que l'article que J-P. Alliot y a consacré à la question des retraites.


par regis le Mercredi 17/11/2010 à 02:13

Pas en désaccord avec vous. Je pense que le mouvement salarial et j’ose dire populaire a été torpillé par « l’intersyndicale ». Si Jean-Pierre Alliot a raison d’affirmer qu’une issue proprement politique a manqué – et il ne s’agit pas que du seul parti socialiste qui, ouvertement revendique l’augmentation du nombre d’annuités, il faut aussi rappeler la position du PCF et du PG, qui n’ont réellement jamais fourni d’alternative, sur le plan politique, se contentant de chanter des credo aux messies de « l’intersyndicale ».

Il faut oser remettre en question le mythe de la pseudo unité et, par là tous ses chantres, travail sans doute de plus longue haleine. Comment se fait il, par exemple, que la CFDT, véritable chancre dans le mouvement ouvrier reste la deuxième centrale syndicale ?

Il me semble que le combat premier est là. Es-ce que je déraisonne ?


par Anonyme le Samedi 20/11/2010 à 18:58

Dans le chapitre "La place des leaders syndicaux", les liens pour les citations renvoient à l'éditeur interne du site FCKeditor.
Est-ce normal ?




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