II - Après l’Irlande, la seule question est « à qui le tour ? ». Le gouvernement Socrates (PS) au Portugal administre une purge sévère à un pays dont la situation sociale se dégrade déjà depuis plusieurs années. On murmure que l’Espagne est sur la sellette : plusieurs grandes banques espagnoles sont très exposées et l’une d’entre elles pourrait à tout moment faire faillite déclenchant une crise en chaîne dans toute l’Europe et aux États-Unis, qui serait évidemment une crise mondiale d’une tout autre ampleur que la crise des « subprimes ». L’Italie ne va pas bien, mais sa dette publique, très importante, est majoritairement détenue par des résidents italiens. De ce point de vue, la situation française, avec une dette publique moins importante que celle de l’Italie est en réalité plus mauvaise, car nos gouvernants, très modernes, ont surtout emprunté sur les marchés internationaux… Les banques italiennes, plus « provinciales » sont également moins engagées dans la spéculation internationale et moins exposées aux « produits toxiques ». Bilan d’un « expert » : l’Italie n’est pas assez mondialisée !
En dépit des rodomontades des dirigeants français, la situation française n’est pas bonne – tant du point de vue de la dette publique que de celui de l’exposition des banques. Dans sa note du 1er décembre, Patrick Arthus, expert chez Natixis, distingue les pays selon le poids du secteur bancaire relativement au PIB. La France fait partie des pays dans lesquels le bilan des banques est plus de quatre fois supérieur au PIB (420% - Pour l’Irlande, c’est 600%) et un ratio de ce type est généralement caractéristique de petits pays. Parmi les grands pays européens, il n’y a qu’en Grande-Bretagne qu’on retrouve un ratio plus élevé (500%). Il est évident que la faillite d’une ou plusieurs banques aura plus de répercussions dans les pays de ce genre que dans ceux où la finance pèse un poids moins grand.
III - Hervé Nathan rapporte que les participants du « World Economic Forum », qui s’est tenu à Dubaï, ont clairement évoqué plusieurs scénarios catastrophes :
Le scénario préféré des financiers mondiaux commence par le défaut d’une banque espagnole. « Les banques espagnoles sont très grosses. Elles sont empêtrées jusqu’au cou dans la bulle immobilière, et chargées de créances irrécouvrables. Ces banques peuvent très bien connaître une crise de liquidité gigantesque, qui mettrait en péril d’autres grandes banques américaines et européennes qui sont leurs contreparties», explique un éminent invité du WEF. Ensuite le scénario vire à la tragédie planétaire. Car, à la différence de l’automne 2002, les budgets publics ne peuvent plus absorber un choc aussi violent que la faillite d’une grande banque systémique. L’Espagne qui aura en 2011 une dette publique de plus de 70 % du PIB sera dans l’obligation de garantir ses banques. « Pour les banques irlandaises, cela a coûté près de 40 milliards. On les a trouvés. Mais dans le cas de l’Espagne, il faudra peut-être multiplier le chiffre par 10 ! A ce moment-là les marchés, qui sont irrationnels par nature, risquent de refuser de prêter à l’État espagnol, comme ils l’ont fait pour la Grèce et l’Irlande. Et le fonds européen de stabilisation de l’euro n’est pas dimensionné pour un tel enjeu… ». La fin du scénario est un véritable cauchemar : les marchés « irrationnels » retirent toute confiance aux dettes souveraines, les taux d’intérêts montent partout (sauf pour quelques États) et provoquent une récession majeure… Ces discussions, bien sûr, n’ont pas fait l’objet d’une quelconque publicité, le « off » ayant été accepté par tous les participants. Les citoyens lambdas, néanmoins épargnants et contribuables, se contenteront des communiqués bien plus rassurants du FMI et de laBCE, selon lesquels l’Espagne est absolument à l’abri de toute crise financière.
IV - Que ce scénario soit de l’économie-fiction ou non, il en dit long de l’état d’esprit des classes dirigeantes. Oubliant tous les critères et engagements intangibles du pacte de stabilité, les États européens ont apporté en aide aux établissements financiers 975 milliards d’euros en 2008 et 1100 milliards en 2009 (soit au total un montant supérieur au PIB français…). Mais du même coup la dette des banques est passée dans le domaine public et comme il faut empêcher la ruine des États, on doit rétablir l’équilibre … en diminuant les dépenses de l’État au risque d’une grave récession qui, en réduisant les recettes fiscales, aggraverait l’endettement public. Les « économistes atterrés » manifestent leur stupeur devant une politique économique qu’ils jugent irrationnelle. Sans doute ont-ils raison… Mais pourquoi les dirigeants des États et derrière eux les élites de toutes les nations d’Europe, élites de la droite conservatrice autant que social-démocrates, Sarkozy, Cameron et Merkel autant que Socrates, Zapatero et Papandréou, adoptent-elles cette politique irrationnelle ? Nous avons là un nouvel exemple des limites de la « science économique ». À la logique formelle, il faut substituer la logique dialectique et essayer de comprendre la raison de ce qui est apparemment irrationnel.
Sans entrer dans les détails, ce qui sera nécessaire ultérieurement, disons maintenant que la permanence de la crise en Europe et aux États-Unis découle non pas de politiques aberrantes mais plutôt que les politiques aberrantes sont les effets de quelque chose que les dirigeants ne maîtrisent plus : l’affaissement profond et certainement irrémédiable du poids économiques de l’Europe et des États-Unis dans le système capitaliste mondial. La France et le Royaume-Uni sont des pays en voie de désindustrialisation rapide. Plutôt que de produire de la plus-value, ils ont trouvé judicieux de se placer dans le secteur juteux de la répartition de la plus-value produite ailleurs, ce qui explique l’importance démesurée du poids des actifs financiers relativement au PIB. C’est moins vrai de l’Allemagne, qui s’en tire plutôt mieux que ses partenaires, et de l’Italie dont la vitalité économique, cependant, est plombée par la décomposition politique et la corruption étatique qui n’a cessé de croître et d’embellir sous le « règne » de Berlusconi. Les États-Unis, dans la division mondiale du travail, se sont, quant à eux spécialisés dans la consommation (à crédit), une spécialisation d’un genre très particulièrement et dont on ne peut pas sérieusement penser qu’elle peut durer aussi longtemps que les contributions … Il y a quelques années, Emmanuel Todd, dans Après l’empire avait diagnostiqué la « décomposition du système américain » et nous devons constater la pertinence de ce diagnostic. Pendant que les Étatsuniens et les Européens s’acharnent à renflouer un système financier qui fait eau de toutes parts, l’Inde, la Chine, le Brésil pour ne parler que des plus connus développent leur appareil de production et étendent leur influence sur les marchés mondiaux. Ces pays qui sont déjà plus qu’émergents produisent aussi des diplômés du supérieur par millions alors que la « vieille Europe » ne trouve rien de plus intelligent que d’effectuer des coupes sombres dans les programmes d’éducation. Pour sauver les agents de change, on supprime les professeurs… Que sens de l’avenir ! Quelle vision enthousiasmante dans toute cette classe politique à l’esprit borné, de plus en plus souvent totalement inculte, qui, maintenant, tient les leviers des deux côtés du Rhin et sur la Tamise !
V- La social-démocratie, liée par mille liens à « son » capitalisme n’a rien à proposer. Sinon de suivre dans la déchéance sa propre classe dirigeante. Le PS français, dans l’opposition, et bénéficiant du discrédit qui frappe le président de la République, ne trouve rien de plus intelligent à faire qu’amuser la galerie avec le « concours de beauté » qui devrait déboucher sur des primaires en octobre 2011. Tous ces gens voudraient reconduire Sarkozy pour continuer de gérer tranquillement leurs baronnies régionales ou départementales qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Européistes « perinde ac cadaver », les sociaux-démocrates semblent prêts à mourir pour les dogmes qu’ils ont adoptés au cours du dernier demi-siècle. Il est vrai qu’à la tête de la « gouvernance mondiale », ils ont en la personne de Strauss-Kahn et en celle de Lamy d’éminents représentants. Encore un sujet sur lequel il faudra revenir ultérieurement sur ce sujet.
Voyons maintenant les autres propositions. Concernant la crise européenne, Jean-Luc Mélenchon qui veut s’imposer comme le porte-parole du Front de Gauche – ce qui parfois agace ses amis du PCF – a des formules choc : « qu’ils s’en aillent tous ! » ; « nous voulons renverser la table » ; « nous revendiquons la désobéissance européenne ». Dans son dernier ouvrage – si le mot convient – le chef du Parti de Gauche revient même sur son fédéralisme européen et reconnaît s’être fait des illusions. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Ceux de ses amis qui avaient voté contre le traité de Maastricht en 1992 se souviennent avec quelle véhémence il les accablait, les accusant de « faire le jeu de Le Pen »… mais à tout péché, miséricorde ! On peut cependant s’interroger sur la portée réelle cette rupture avec le fédéralisme quand le programme du Parti du Gauche réclame pour l’Europe un parlement qui légifère.
Mais rompons là et voyons donc maintenant le détail des propositions du PG pour un « programme partagé » du Front de Gauche.
VII – Les propositions du PG sont ainsi libellées sous l’intitulé « Appliquer la désobéissance européenne » :
Le programme du Front de Gauche comporte de nombreuses mesures incompatibles avec les traités européens. Si nous sommes élus, nous pratiquerons la désobéissance européenne afin de respecter la volonté du peuple. Nous le ferons d’autant plus légitimement que l’adoption du Traité de Lisbonne s’est faite contre le vote populaire des Français, des Néerlandais et des Irlandais. Elle n’a été possible que parce que les dirigeants européens se sont entendus pour exclure le recours au référendum et ont imposé au peuple irlandais de revoter. Elle a donc rendu illégitime la construction européenne aux yeux de millions d’Européens. La désobéissance européenne que nous pratiquerons sera à la fois un moyen de respecter la volonté populaire des Français et de contraindre les dirigeants européens au débat démocratique qu’ils refusent.
Le traité de Lisbonne a posé un carcan libéral qui veut interdire aux gouvernements nationaux de pratiquer des politiques opposées à l’euro-libéralisme. Il promettait en échange une direction politique cohérente de l’Union et l’avènement de « l’Europe qui protège ». C’est l’inverse qui s’est passé : cacophonie institutionnelle aggravée, laisser-faire puis impuissance face à la crise. L’appel lancé au FMI pour répondre à la crise résume cette faillite. Avec le contrôle communautaire des budgets nationaux, c’est une nouvelle remise en cause de la souveraineté populaire.
- Organisation d’un référendum sur la liste des dispositions européennes à laquelle la France dérogera (dérogations utilisées par les britanniques sous le nom d’opt-out) afin de pouvoir appliquer le programme choisi par le peuple
- Abrogation de toutes les transpositions dans le droit national de directives et règlements portant atteintes aux droits économiques et sociaux des citoyens français
- Refonte du Code des Marchés Publics pour autoriser les clauses imposant le recours à des entreprises de proximité, aujourd'hui interdites par les traités européens.
- la France utilisera le Compromis du Luxembourg (1966, toujours en vigueur) pour exiger un vote à l’un unanimité (droit de veto) à chaque fois que seront en jeu « des intérêts très importants d’un ou plusieurs partenaires » et notamment pour toutes les mesures qui contrediraient le vote de changement des électeurs
- Mise en place d’un débat citoyen en France, au niveau local et national sur la refonte républicaine des institutions européennes et proposition de le mener au niveau européen. Un tel débat démocratique et citoyen, que l’Europe n’a jamais connu, pourrait conduire à terme à un processus constituant permettant de refonder complètement l’Union Européenne.
- Arrêt immédiat des programmes de formation européenne sur les directives en vigueur imposés aux magistrats et autres membres de l’appareil judiciaire
On pourrait sans peine être d’accord avec les constats. On regrette seulement que l’origine de la situation n’ait pas été mentionnée. Car il faudrait au moins signaler que tout cela n’est pas tombé du ciel. Il faut remonter à l’acte unique de 1986 et aux directives prises entre 1986 et 1992, puis que traité de Maastricht (1992) et aux accords de Dublin et Amsterdam de 1997. Bref rappeler l’action décisive dans la mise en place de ce « carcan libéral » des deux septennats de François Mitterrand et du gouvernement Jospin (1997-2002). En ce qui concerne les propositions du PG, ce qui frappe, c’est le grand flou dont elles sont entourées.
Proposer au référendum la liste des règlements européens dont la France devrait s’exonérer, voilà qui semble curieux. On aurait pu croire que le PG allait proposer lui-même liste de ces « opt-out », ce qui constituerait une partie de son programme électoral. Mais visiblement le PG ne sait pas bien lui-même ce qui devrait être l’objet de ces « op-out ».
La deuxième proposition est tout aussi floue. Quelles sont les dispositions transposées qui contreviennent aux droits économiques et sociaux des citoyens français ? Mystère ! Par exemple, l’autorisation du travail de nuit de femmes, les durées maximales du travail, l’instauration de la libre concurrence dans le domaine des mutuelles complémentaires, etc. sont des dispositions venues de directives européennes et transposées dans le droit français. Mais maintenant, elles font partie du droit français, de la même manière que tous les accords signés par la France font partie du droit et y occupent même la position la plus haute dans la pyramide des normes. Cette deuxième proposition est du vent. On peut demander à Bruxelles l’annulation d’une directive, sa renégociation … ou alors dénoncer les traités de Dublin, Amsterdam et Maastricht. Mais on ne peut pas penser qu’on s’exonérera de telle ou telle disposition importante sans provoquer une crise européenne majeure. Peut-être faut-il provoquer cette crise – parfois les crises sont salutaires – mais il faut le dire et il faut avertir les citoyens de l’objectif et des conséquences.
La troisième proposition est à peu près anecdotique. On aimerait bien savoir ce que les rédacteurs entendent par « entreprises de proximité » s’agissant des investissements publics un tant soit peu importants.
La quatrième proposition n’en est pas une puisqu’elle se propose de faire jouer le cas échéant une disposition prévue par les traités actuellement en vigueur.
La cinquième proposition est un peu plus inquiétante. Derrière le vocabulaire creux du « débat citoyen » – le PG a repris cette mode agaçante de mettre l’adjectif « citoyen » à toutes les sauces – on propose un processus constituant européen. Autrement dit les déclarations de Mélenchon selon lesquelles il aurait rompu avec le fédéralisme n’ont visiblement pas encore atteint les sommets dirigeants du PG. Peut-être Mélenchon va-t-il organiser une tendance « souverainiste » dans le PG ?
La sixième proposition, sans doute juste, contredit la cinquième. Quand on veut créer des institutions communes par une constituante, c’est qu’on veut créer un droit commun !
Au total, ce qui frappe c’est l’extraordinaire indigence de ces propositions programmatiques. Derrière les déclarations viriles du chef, il n’y a rien !
- Rien sur la BCE et l’euro. Or ce qui oblige tous les pays à se plier à la discipline budgétaire commune, indépendamment de la volonté des parlements nationaux, c’est la monnaie unique. On l’a vu dans les cas grec et irlandais. L’Espagne et le Portugal se saignent aux quatre veines pour rester dans l’euro. Que le PG n’en dise mot quand il parle de « sortir de Lisbonne » est tout bonnement ahurissant.
- Rien sur le protectionnisme. Les industries nationales françaises ne sont pas menacées par la concurrence lettone ou polonaise sur les marchés publics (seule question économique évoquée dans le chapitre « sortir de Lisbonne ») mais par les délocalisations et les importations en provenance de pays où le « coût de la main-d’œuvre est dix fois élevé qu’en France. Est-ce pour ne pas contrarier le projet mélenchonien d’alliance stratégique avec la Chine que cette question n’est pas abordée ?
- Rien sur la question des services publics. Pourquoi ne pas demander clairement que soit donné un coup d’arrêt à la libéralisation des services publics, avec la renationalisation complète d’EDF et GDF et le rétablissement du monopole de la SNCF ? Est-ce parce que renverser cette table-là ferait trop de bruit ?
On nous dira que tout cela est évoqué dans d’autres chapitres du programme. En effet, on peut trouver une proposition concernant la possibilité pour les banques centrales et la BCE de souscrire directement à la dette publique ! C’est renversant tellement c’est subversif… Pour les services publics on fait des déclarations de principe générales concernant les services publics propriété du peuple et sur la nationalisation, mais rien sur les entreprises précises à nationaliser ou à renationaliser. Qu’est- ce que le PG pense de la concurrence sur le réseau ferré français ? Et dans les télécoms ? et à la Poste ?
VIII - La prudence pratique du programme du PG et son incroyable flou peuvent se comprendre. Entre les déclarations ronflantes qu’on fait devant les journalistes, histoire de taper encore une fois sur le PS et la définition d’un programme crédible, il y a une marge. À certains égards, nous sommes sans doute trop avancés dans l’intégration européenne pour qu’un demi-tour arrière soit possible à un coût acceptable. Les responsables de cette situation sont les sociaux-démocrates européistes et fédéralistes au premier rang desquels le président du PG, juste avant sa toute fraîche autocritique. Mais maintenant, nous sommes peut-être contraints de boire le calice jusqu’à la lie !
« Sortir de Lisbonne » ne veut rien dire, sinon qu’on œuvre pour une rupture des traités précédents et qu’on sort de l’euro. Un certain nombre de souverainistes qui n’ont aucune chance d’arriver au pouvoir peuvent le proposer. Mais ce semble assez purement démagogique, sauf à en rechercher les conséquences prévisibles et à évaluer la facture de cette opération afin que l’on puisse voir si le jeu en vaut la chandelle. Car une sortie du cadre de l’UE aurait des conséquences sur le niveau des échanges entre la France et ses partenaires, au premier chef l’Allemagne. Si on se souvient de Marx – mais c’est peut-être trop demander – on sait que la division du travail et le marché sont les deux faces de la même médaille et que la contraction des échanges entraînera mécaniquement une baisse d’activité. On pourrait espérer qu’un franc dévalué permettrait de redonner de la vigueur à l’industrie française … mais le problème est que cette industrie est largement partie ailleurs (Renault n’est bientôt plus que très accessoirement un constructeur français … quand on sait que Dacia, la filiale roumaine de Renault, est le troisième constructeur pour les ventes de véhicules en France). En outre, la dévaluation du franc renchérirait considérablement le coût des produits importés – notamment l’énergie. Bref, la sortie totale ou partielle de l’UE serait une opération chirurgicale dans laquelle les riches seraient loin d’être les seuls à régler la facture.
VIII – Nous avions publié sur ce site plusieurs contributions proposant une politique européenne réformiste. Rappelons les propositions de Tony Andréani : Le socialisme et les verrous européenspublié en 2009. J’avais aussi proposé une réorientation globale dans un article sur l’Europe et la question nationale. Il s’agit de définir une orientation : une confédération de nations libres et pas une fédération, des parlements nationaux souverains et par un parlement européen législateur, comme le réclame le PG. Cela implique d’abord toutes les marges de manœuvre qui restent sur le plan national (et elles sont bien plus importantes qu’on ne le dit), de refuser toute intégration supplémentaire, de proposer des accords de coopération plus restreints autour de projets industriels ou de recherche et de procéder aux renationalisations nécessaires tant dans les services publics que dans le secteur bancaire et enfin de proposer une renégociation des traités européens en vue de regagner des marches de manœuvre nationales. Tout cela est parfaitement faisable, sans « renverser la table ». Malheureusement la « gauche de gauche », selon ses bonnes vieilles habitudes cède à la phraséologie d’autant plus révolutionnaire que le but n’est pas un vrai pas un avant mais de passer dans le fenestron pour les prochaines présidentielles…
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Je partage l'analyse de Denis Collin sur la situation européenne. Cela n'aurait pas sans doute grand sens d'affirmer une approbation individuelle si, j'en suis convaincu, cette approbation n'était assez largement répandue. Mais ne trouvant pas de lieu politique où se cristalliser vraiment en courant d'opinion efficace,cette approbation demeure en suspens. Je ne veux pas dire par là qu'il faille créer un nouveau courant ou un nouveau parti, mais qu'il s'agit seulement d'utiliser toutes les possibilités de capillarité entre cette approbation et, les choses étant ce qu'elles sont, les instances médiatiques et politiques qui sont censées être dans l'interrogation, voire l'opposition devant le tour que prennent les affaires européennes.
Les propositions qui sont esquissées dans le dernier paragraphe de l'article me paraissent en effet plus que bienvenues. E la nave va ? La fracasser contre un écueil, et dieu (?) sait qu'il n'en manque pas, ferait payer économiquement et socialement un prix énorme aux Français, et je crois que la plupart en ont conscience. L'aventurer, ne serait-ce que verbalement, vers des perspectives de mutation intégrale (et le gesticulatoire tribun du P.G fait en effet tout ce qu'il faut pour cela), ne change rien à l'affaire. D'autant que ces perspectives ne sont, comme le souligne l'article, que des trompe-l'œil afin de se faire une petite place dans la foire d'empoigne politique et la représentation électorale. Et je crois aussi que la plupart de nos concitoyens en ont conscience.
L'auteur de l'article a souvent souligné, et je le rejoins encore là-dessus, la vacuité de propos "révolutionnaires" prétendant émaner des exclus, des exploités, des gueux qui en ont marre, mais qui émanent en fait d'une couche de citoyens (je n'ai rien contre, j'en fais partie) qui disposent d'un ou de deux salaires, d'une insertion sociale supportable, d'une curiosité, d'une ouverture culturelle et de loisirs leur permettant de suivre les affaires d'ici et d'ailleurs, tout en regrettant in petto ou à voix haute que "ça ne suive pas" dans le milieu qui est vraiment le leur : n'est-ce pas, amis enseignants, qui vous retrouvez en salle des profs ou en cours de récré, amis fonctionnaires, amis employés ou techniciens du privé qui vous retrouvez un peu marginaux dans votre bureau ? Et tout en n'ayant pratiquement jamais la possibilité de mesurer l'efficacité de leurs propos "révolutionnaires" sur ceux dont ils sont censés émaner, et avec lesquels, de par leur mode de vie, nos vaillants "révolutionnaires" ne peuvent avoir aucun contact. Sauf à s'investir dans des associations de solidarité active, pour ne pas parler des caritatives.
Si le réalisme consiste à prendre l'immense majorité des gens (c'est-à-dire ceux qui plus ou moins s'en sortent, mais ne sont pas contents, pour des raisons économiques et aussi, ne l'oublions jamais, pour des raisons éthiques), à les prendre donc là où ils en sont, pour que leur conscientisation soit réalisable et positive, je suis d'accord avec les propositions que pointe Denis Collin, car elles permettent de passer par le trou de serrure qu'offre la situation actuelle. Et donc d'ouvrir réellement un avenir.
Un mot encore à propos de Marchais et des différentes réactions à ce "retour de la momie". Pour que les choses soient claires, j'ai milité au parti communiste de 1952 à 1977. Et si, selon la formule ordinaire, "le parti m'a quitté", c'est en grande partie sans doute à cause de Georges Marchais, de ce qu'il représentait qui me devenait insupportable. Pour autant, je demeure communiste de cœur et j'essaie d'appliquer la grille de lecture du monde marxiste. Les réactions aux réponses de l'article de Denis Collin m'ont permis de mesurer où en étaient quelques compagnons d'aventure de La Sociale : le dédaigneux et insultant "stalinoïdes" en particulier m'a éclairé sur l'incapacité de comprendre ce qu'a pu représenter, ce que représente toujours l'idéal communiste pour des gens qui se sont impliqués dans ce courant, sans pour autant tremper les mains dans le sang. À une époque où c'étaient bel et bien les dirigeants sociaux démocrates qui faisaient couler le sang, de l'Indochine à l'Algérie, plus, à l'occasion, quelques grévistes français. Pour autant, et j'en suis bien conscient, cautionner, et a fortiori cautionner a posteriori, le sang versé en URSS et ailleurs, c'est une autre paire de manches. Je crois que c'est ce que voulait pointer D.Collin en évoquant ceux pour qui ce passé était idéal et sans taches, et qui voudraient fonder une action politique au présent sur cette nostalgie. Maintenant, il faut le dire clairement, si le fait d'avoir été membre du P.C est incompatible avec la sensibilité des participants à la Sociale (sauf entrisme à l'Huma, n'est-ce pas Denis, mais ceci est une autre histoire), il faut le dire clairement. Et sans me lamenter, je dégagerai.