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Parti de Gauche : l’heure de l’audace ?

Par Jean-Paul Damaggio • Actualités • Lundi 15/06/2009 • 2 commentaires  • Lu 2377 fois • Version imprimable


Dans mon précédent article je me suis mal fait comprendre s’il en est ressorti, comme l’observe un lecteur, un portrait de l’omniscience du président. Le titre n’était pas : le maître et SON complice, mais bien le maître et SON opposant. Bouteflika peut nous faire croire qu’il se fabrique un opposant mais, à l’heure du vote, il truque le jeu, en conséquence l’opposant n’est qu’un faire-valoir. En France, aucun parti, même une droite unie, n’arrivera à franchir au premier tour la barre de 40% donc pour se faire élire, vu qu’il y a deux tours sauf à l’élection européenne, tout parti a besoin d’associés. Donc tout président essaie de se fabriquer des satellites, mais l’électeur dispose ! Même si l’électeur est dirigé vers des impasses, pas question de le dédouaner des ses propres responsabilités. L’opposant attendu, espéré, choyé, peut éventuellement éliminer Sarkozy… mais pas le fond de sa politique. Les nuances servent donc à l’alternance ce qui peut nous aider à lutter pour l’alternative.

Donc pour comprendre nous allons prendre la question à l’envers. Si le discours de Europe Ecologie a pu séduire c’est que l’opposition habituelle n’a pas su démontrer, depuis des décennies, la responsabilité du capitalisme dans la crise écologique qui, comme la guerre, devient un outil incomparable pour fabriquer de l’union sacrée. Voici le raisonnement simple qui conduit à l’union sacrée : si la crise écologique risque de provoquer une crise planétaire, les riches seront des victimes comme tout le monde, donc ils ne peuvent être rendus responsables de leur propre destruction ! Le plus souvent la pédagogie des catastrophes permet l’impasse sur la « méchante » lutte des classes. Or, si on n’analyse pas clairement les causes de la crise écologique, comment la solutionner quand elles s’enracinent dans le fonctionnement même du capitalisme ? Le succès écolo pourrait assurer une sortie positive de la manœuvre du système, si le Parti de Gauche se saisissait de l’occasion pour faire preuve d’audace. La phrase de Danton, « De l’audace, toujours de l’audace, rien que de l’audace » est passée à la postérité car sans audace il n’y a pas de politique. Et comme la politique a horreur du vide, quand le PS a réduit son action à une gestion « adroite » du capital, l’audace a pu changer de camp ! J’ai du mal à déterminer comment s’enclencha ce renversement : est-ce parce que la droite passa à l’offensive que le PS et ses alliés (dont les Verts), habitués à la fonction de parti du « mouvement », se firent frileux pour gérer leur déstabilisation ; ou au contraire est-ce la frilosité de la gauche qui donna des ailes à la droite ?

Une audace de perdue…

Une audace de perdue ce sont dix autres qu’on ne retrouvera jamais. Oublié le combat pour la SECURITE sociale, et voilà qu’à présent le combat pour la sécurité ça fait peur car ça risque de devenir « sécuritaire ». Oublié le combat pour la NATION, et voilà qu’à présent la nation ça fait peur car ça risque de devenir du nationalisme. Oublié le combat avec le PEUPLE pour éviter le risque de sombrer dans le populisme. Mais il y a pire que l’oubli ! Quand le combat écologiste est apparu au cours des années 80, il fut laissé aux écolos car c’était un thème jugé ridicule. Aussi, le PS et le PCF n’apportant pas leur expérience à ces combats, ils sont restés en des mains aveugles sur les causes. Sur un autre plan, quand le combat gestionnaire apparaît au cours des mêmes années (je pense au travail de Paul Boccara), il fallait le laisser aux technocrates. Aussi, les rois du politique, ce sont aujourd’hui les BUREAUX d’ETUDES. Devenez consultants ! Quand la croissance est remise en cause, y compris par les défenseurs du système au début des années 70, seuls quelques communistes de RDA se sont mis à réfléchir à un communisme sans croissance. Ils furent deux fois balayés, par le système communiste et par le système capitaliste !

Et la droite se fit audacieuse.

D’un certain point de vue, la droite eut la tâche facile puisque de toute façon, comme le démontre Denis Collin, le capitalisme se devait de révolutionner le monde… et il continue de tout changer pour que rien ne change. Le débat sera éternel entre les anti-capitalistes qui privilégient les continuités du système, et ceux qui appuient sur les ruptures comme condition de vie des continuités. L’unité peut au moins se faire sur le fait que la révolution dans le capitalisme a toujours eu un besoin constant des luttes progressistes de ceux qui voulaient l’effondrement du système. Il fallut obtenir, contre la droite, les congés payés, pour que naisse l’industrie majeure d’aujourd’hui, l’industrie du tourisme ! La liste des récupérations est beaucoup plus longue qu’on ne l’imagine. Elle ne se limite pas à la récupération de personnages comme Kouchner qui n’est d’ailleurs pas un personnage, mais un fait social vieux comme le monde en politique. En lisant le livre de Paul Ariès, Usages et mésuages, j’ai mesuré jusqu’à quel point les coopératives ouvrirent des boulevards aux adversaires des coopératives ! Tout le combat progressiste s’est-il trompé ? Comme dirait , il a accompli les tâches qui pouvaient être les siennes au moment où furent menées les luttes en question. Le tout aujourd’hui c’est de ne pas s’enfermer dans les mêmes voies ! Keynes par exemple ne peut être appelé à la rescousse malgré les espoirs de Cohn-Bendit !

L’audace sans aventure…

Les fabricants d’OGM se lancent dans l’aventure et défient tous les principes de précaution. Dans leur camp finalement ce n’est pas de l’audace mais de l’aventure, voire même de la fuite en avant. Comment pourrions nous faire comprendre que le principe de précaution c’est de l’audace ? Il me semble que tout est là. Comment pourrions faire comprendre que la gratuité c’est de l’audace ? Mais que vient faire le Parti de gauche dans cette réflexion ? Soit il réussit à englober sérieusement la réflexion écolo dans son projet, jusqu’à modifier son nom en conséquence (Parti de la gauche écologiste), et il peut construire une digue contre la dérive libérale de l’écologie, soit la vie continue tranquillement comme avant, et demain le PS, dans une grande union avec Cohn-Bendit, tirera les marrons du feu de sa propre crise. Dans ce nouveau parti, le PCF peut prendre toute sa place, mais à condition de ne pas briser l’élan novateur. Le Parti de gauche, en annonçant publiquement dès le 11 juin, qu’il proposait des listes autonomes au premier tour des futures élections régionales, fait preuve d’une audace très saine : par le contenu de la proposition et sa façon de l’annoncer. J’attends du côté de Europe Ecologie ou du PCF une décision aussi claire ! Côté écolo comme côté communiste, une telle déclaration prendra du temps car il ne faut pas heurter l’allié potentiel qu’est le PS, un allié qui n’aime pas du tout de telles annonces. Le Front de la gauche écolo ce ne sera pas un front de gauche qui fait enfin dans l’écologie, mais un front dont le combat écolo lui permettra de retrouver les principes perdus de la gauche, car il se placerait ainsi au cœur de la lutte contre le capitalisme vert. 16-06-2009 Jean-Paul Damaggio

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Commentaires

par regis le Mardi 16/06/2009 à 04:30

Si vous voulez dire que le gouvernement préfère une opposition complaisante, et qu’il est prêt à lui donner « un coup de main », je vous suis. Mais le PS se prête tout aussi bien à ce rôle, mais il est vrai qu’il est usé…

Ce qui est fondamental dans la dernière élection, c’est que le vote relève nettement des catégories les plus favorisées. Une fraction non négligeable de celles-ci estime que l’urgence n’est pas sociale mais de profiter d’une meilleure façon de son mode de vie, ce qui est logique dans sa position. Le succès rencontré à Paris par M. Delanoë est de même nature.

E.E. ne remet nullement en cause le mode de production capitaliste, c’est même l’inverse (voir les positions prises par MM Cohn.Bendit, Hulot et consorts…).

Je crois que nous sommes d’accord sur ce dernier point.

Par ailleurs, ramené au nombre des inscrits E.E. ne réalise qu’un peu plus de 6 % (et je serai curieux de connaître le chiffre des non-inscrits).

Pourquoi parler de « crise écologique » comme d’autres parlent de crise financière ?

N’y a-t-il pas en réalité une crise systémique du capitalisme avec ses conséquences sur tous les domaines de la vie car le système est impérialiste et conduit, sous l’emprise de la loi d’accumulation à la transformation en marchandise de tout ce qui est possible ? L’homme comme la nature ?

Si nous voulons vivre autrement, il est incontournable de se tourner vers nos millions de concitoyens qui ont été exclus de la vie sociale et politique et je ne suis pas sûr que la préoccupation majeure soit là, celle des votants d’E.E.  

Les élections, sous l’emprise de l’évolution du système, me semblent de plus en plus une expression censitaire dont la dernière constitue le fleuron.


par Serge_Gomond le Mardi 16/06/2009 à 07:50

J.P. Damaggio écrit : « … Quand le combat écologiste est apparu au cours des années 80, … »

Réponse : Alors là, non, c’est pas possible ! Au début des années soixante dix (en 1973), René Dumont, se présente à l’élection présidentielle comme candidat écologiste (à cette époque, il disait que pour atteindre l’autosuffisance alimentaire, certains pays d’Afrique, devaient résolument se tourner vers une culture vivrière…), dans les années soixante, le "père Fournier" de "La gueule ouverte", parlait déjà de culture bio ; alors remettons nos pendules à l’heure, Hulot et Cohn Bendit n’ont pas inventé l’écologie, mais pris un train en marche (et depuis longtemps déjà !)       



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